par Daniel Trotta

LA HAVANE, 30 novembre (Reuters) - Avec la mort de Fidel Castro et le départ annoncé de son frère, l'exécutif cubain s'apprête à changer de génération avec leur héritier putatif, Miguel Diaz-Canel.

Le père de la révolution est décédé vendredi à l'âge de 90 ans et Raul Castro, son cadet de cinq ans auquel il avait transmis le pouvoir en 2008, a promis de se retirer en février 2018, à l'issue de son second mandat.

Miguel Diaz-Canel a été nommé en 2013 premier vice-président, ce qui en fait le favori pour la succession à la tête de l'Etat.

A 56 ans, il abaisse considérablement la moyenne d'âge de la direction d'un Parti communiste dont la survie dans l'ère postcastriste dépendra d'abord des jeunes générations.

Il a d'ores et déjà pris des positions assez iconoclastes en ce qui concerne la liberté de la presse, sous tutelle depuis 58 ans, et l'accès à internet, qui reste déplorable.

Pour le reste, on ignore tout de ses intentions, et son charisme est loin d'être à la hauteur de celui des Castro.

Jusqu'ici, Miguel Diaz-Canel n'a guère dévié de la ligne du parti. Il ne s'est pas exprimé sur le sujet sensible de l'ouverture économique et politique ou celui des relations avec les Etats-Unis, que Raul Castro et Barack Obama ont entrepris de normaliser il y a deux ans.

Son statut d'héritier semble toutefois solide et seul un grave impair pourrait l'empêcher d'accéder à la présidence, estiment les observateurs de la vie politique cubaine.

En bon enfant de la Révolution, bien qu'il soit né après, il a su gravir les échelons de l'appareil politique sans afficher l'ambition qui en a trahi d'autres, comme Carlos Lage et Felipe Perez Roque. Alors second vice-président et ministre des Affaires étrangères, respectivement, ils ont été limogés en 2009.

PONT GÉNÉRATIONNEL

Pour Christopher Sabatini, politologue à l'université de Columbia et spécialiste de Cuba, Miguel Diaz-Canel "a l'avantage d'avoir tenu plus longtemps que ses prédécesseurs" en tant qu'héritier putatif.

Au risque de paraître terne et insipide, il se montre soucieux de ne faire aucune ombre à Raul Castro, et ses interventions publiques sont rarement marquantes.

"Il a sublimé toute l'ambition qu'il pouvait avoir. On se demande donc quels seront son rôle et son pouvoir au sein de la vieille garde. Beaucoup pensent qu'il va faire la jonction entre la génération historique et la nouvelle. Ce sera un défi difficile à relever", estime Christopher Sabatini.

Son caractère réservé et la culture du secret toujours présente dans l'appareil d'Etat en font un inconnu en dehors des cercles dirigeants. A Washington, on avoue ne savoir que peu de choses à son sujet et, hormis chez lui, à Santa Clara, c'est un quasi-inconnu pour la plupart des Cubains.

S'il elle lui incombe effectivement, la tâche sera lourde que de succéder à un Fidel Castro débordant de charisme et à son frère, qui sait encore inspirer le respect aux militaires comme aux politiques.

Raul Castro, fondateur des Forces armées révolutionnaires, a été pendant 49 ans à la tête du ministère de la Défense. Il restera premier secrétaire du Parti communiste pendant trois ans à l'issue de son second mandat de président.

Miguel Diaz-Canel "sera le premier président civil de la révolution et il devra gagner la confiance de l'armée", note Arturo Lopez Levy, ancien conseiller politique du gouvernement.

UNE ASCENSION ENTAMÉE À VÉLO

C'est à vélo que Miguel Diaz-Canel a entamé son ascension vers les hautes sphères de la politique.

Lorsque la situation économique s'est fortement aggravée, il y a une vingtaine d'années, la plupart des Cubains ont été contraints de se rabattre sur la marche ou la bicyclette pour se rendre à leur travail. Les caciques du régime, eux, continuaient à se déplacer dans leur Lada.

Alors jeune chef de la fédération régionale du parti communiste, à Santa Clara, Miguel Diaz-Canel choisit lui aussi de pédaler.

"On était tous dans le pétrin et les gens voyaient le premier secrétaire à vélo. Il ne faisait pas ça pour son image, mais parce qu'il est comme ça. Il était très simple", assure José Antonio Fulgueiras, président du syndicat des journalistes de la province de Villa Clara, qui a rendu compte de son ascension et le considère comme un ami.

Outre l'estime de ses concitoyens, son vélo lui assurait une grande discrétion quand il allait inspecter les entreprises publiques et la lutte contre la corruption est vite devenue son cheval de bataille.

Après neuf ans à la tête de la fédération de Villa Clara, il en a passé onze en tant que secrétaire général de la province d'Holguin, avant de devenir l'un des 14 membres du Bureau politique. C'est le 24 février 2013 que l'Assemblée nationale l'a promu au rang de deuxième personnage de l'Etat.

Il est ainsi devenu le premier Cubain né après la révolution à accéder au poste de premier vice-président. (Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser)