PARIS, 11 janvier - La remontée des rendements des Treasuries à 10 ans devrait se poursuivre en raison notamment du resserrement attendu de la politique monétaire de la Réserve fédérale et de la hausse des anticipations d'inflation mais ce mouvement s'apparente plus à une correction qu'à un véritable krach obligataire, estime Bernard Aybran, directeur de la multigestion chez Invesco Asset Management.

1/ Les marchés semblent interpréter les dernières 'minutes' de la Banque centrale européenne (BCE) comme un nouveau signe vers un resserrement monétaire accéléré. Ont-ils raison de s'inquiéter ?

Bernard Aybran - "Cette interprétation s'explique par le fait que le compte rendu de la BCE intervient après plusieurs déclarations de certains membres du conseil des gouverneurs appelant à réduire les achats de titres plus vite que prévu. Depuis le début de l'année, on a également de bonnes statistiques en zone euro. Si on prend une photo de la situation actuelle, que ce soit sur la croissance, l'emploi et les indicateurs avancés, tout est au vert. Si l'on regarde cette photo, et qu'on se demande si l'on a besoin d'autant de soutien monétaire de la BCE, la réponse est non. La remontée du Bund reste néanmoins modérée; le mouvement est certes un peu rapide mais l'on ne sort pas des bornes atteintes l'an dernier. Le mouvement est plus significatif sur les taux longs américains".

2 / La remontée du rendement des Treasuries à 10 ans marque-t-elle un changement de rythme ?

Bernard Aybran - "A 2,5%, on reste aux niveaux du premier trimestre 2017 mais la situation est bien différente aux Etats-Unis puisque la Réserve fédérale (Fed) est beaucoup plus avancée dans le resserrement de sa politique monétaire. On sait que la Fed va devenir net vendeur d'obligations dans le courant de l'année 2018. En termes de statistiques, les chiffres sont bons et les anticipations d'inflation sont remontées avec la hausse des cours du pétrole, revenus à des plus hauts de décembre 2014. Sans compter le déficit budgétaire américain qui se creuse, on a toutes les conditions pour que cette remontée du taux américain à 10 ans se poursuive."

3 / Peut-on craindre pour autant un krach obligataire ?

Bernard Aybran - "C'est le scénario évoqué par certains acteurs, comme Bill Gross, mais pour le moment on en est très loin. Mais c'est vraiment la question centrale. Avec un rendement des Treasuries à 10 ans au-dessus de 3%, cela change entièrement le panorama pour les marchés financiers. Les taux américains ont commencé à baisser en 1981; il s'agit de la grande tendance la plus longue sur les marchés. Si cette tendance doit s'arrêter, cela oblige tous les investisseurs à revoir complètement leur stratégie. Néanmoins, j'ai du mal à parler de krach obligataire : l'inflation reste quand même sur des niveaux faibles et à 3%, j'appelle cela plutôt une correction". (Propos recueillis par Blandine Hénault)