ajoute note Standard & Poor's

BUENOS AIRES (awp/afp) - La 3e économie d'Amérique latine a enregistré ce vendredi ce qu'elle espérait: un rebond du peso, après une dépréciation de plus de 20% mercredi et jeudi, en raison d'une crise de confiance des Argentins et des investisseurs.

Le peso argentin a regagné 5% face au dollar, à la clôture du marché des changes vendredi. Depuis janvier, il s'est déprécié de 50% de sa valeur.

Jeudi, la Banque centrale (BCRA) a porté de 45 à 60% son taux directeur et le maintiendra à ce niveau record jusqu'en décembre, afin d'encourager les placements en monnaie locale, mais le peso a continué de dévisser (-13%). Vendredi, elle a annoncé la vente de 675 millions de dollars, une initiative bien accueillie par les marchés.

Le 13 août, la BCRA avait déjà relevé de 40 à 45% son principal taux d'intérêt.

En Argentine, l'inflation sur les douze derniers mois est d'environ 30% et chaque dépréciation de la monnaie stimule une hausse des prix.

"Angoisse"

"La situation est angoissante. Ces derniers jours, nos salaires se sont dévalués de 15%", se plaint Mónica Vaccaro, une employée de banque de 46 ans.

Jeudi soir, dans plusieurs villes d'Argentine, des "cacerolazos" (concerts de casseroles) ont retenti pour dénoncer la hausse des prix et la perte de pouvoir d'achat.

"Tous les Argentins, nous sommes affectés. La dévaluation du peso se reporte sur les prix, car l'économie est dollarisée. Je suis allé cette année rendre visite à mon fils en Allemagne, mais je ne pourrai pas y retourner avant bien longtemps. Chaque mois, ma retraite diminue", témoigne Lucas Perez Torres, un comptable retraité de 67 ans.

Vendredi, des heurts sont survenus entre manifestants et la police lors d'une mobilisation contre le licenciement de 600 employés du ministère de l'Agriculture.

Lundi, le gouvernement doit faire des annonces sur la réduction du déficit budgétaire et de nouvelles mesures pour renforcer les rentrées fiscales.

L'Argentine s'est vu accorder en juin un prêt de 50 milliards de dollars par le Fonds monétaire international (FMI) et dépêchera mardi à Washington son ministre de l'Economie Nicolas Dujovne, pour formaliser une accélération des versements, afin de stabiliser son économie.

Pour l'analyste de la Deutsche Bank Jim Reid "il n'est pas clair désormais si ce sera suffisant pour stabiliser les finances du gouvernement alors que la baisse des réserves persiste".

Solution à la crise

Le FMI a souligné vendredi sa volonté de "conclure rapidement" de nouvelles discussions avec les autorités argentines. Celles ci vont reprendre mardi à Washington en vue d'avancer l'aide financière au pays en proie à une nouvelle crise économique.

"La directrice générale du FMI Christine Lagarde et l'équipe du Fonds, le ministre (argentin de l'Economie) Nicolas Dujovne et son équipe, ont programmé une réunion mardi prochain pour faire avancer le dialogue", a annoncé Gerry Rice, porte-parole du FMI, dans un communiqué.

L'accord Argentine-FMI prévoit des coupes dans les dépenses publiques pour parvenir à réduire le déficit budgétaire à 1,3% du PIB en 2019. Depuis l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, le déficit est passé de 6% en 2015 à 3,9% en 2017. L'objectif pour 2018 est de 2,7%.

Pour l'économiste Mario Blejer, ancien président de la Banque centrale, "cette crise est beaucoup moins grave et sérieuse que celle de 2001". Fin 2001, l'Argentine s'était déclarée en défaut de paiement, incapable de rembourser ses dettes.

"Le gouvernement a corrigé (des déséquilibres), mais les effets n'apparaissent pas rapidement, les politiques anti-inflation tardent parfois 6 à 8 mois avant de donner des résultats. Je crois qu'il est possible que l'économie fonctionne bien l'année prochaine", souligne Mario Blejer.

Le gouvernement projette une récession pour 2018, avec un recul du PIB de 1%, alors que la prévision initiale établie en 2017 avant la crise du peso était d'une croissance de 3% cette année.

L'agence de notation Standard & Poor's a placé "sous surveillance négative" la note de la dette argentine. "Les pressions récentes sur la devise argentine pourraient mettre en péril la mise en oeuvre des mesures économiques", commente l'agence de notation dans un communiqué vendredi.

ap/pb