Mais quel est le problème avec la Deutsche Bank ? La première banque allemande n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle a rétrogradé au-delà du 20ème rang européen en matière de capitalisation, ce qui ne lui était jamais arrivé. Les dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes pour l'établissement, brocardé par les autorités américaines lors des tests de résistance. Peu avant, le CEO Christian Sewing avait dû combattre des bruits de couloirs lui prêtant l'intention de quitter les Etats-Unis. "Fondamentalement, les Etats-Unis sont notre marché le plus important", avait-il répliqué. Réduire la voilure, oui, mais pas quitter le paysage. Sewing a dû aussi se fendre d'un courrier à ses employés, pour les rassurer sur la tournure prise par les événements. Un message du type "ne vous découragez pas, nous progressons". Mais il faudra plus que la méthode Coué pour convaincre les marchés.
 

La glissade de l'action Deutsche Bank par rapport au Stoxx Europe 600
S&P dégaine... avec bienveillance

Même si les actionnaires de la DB ont déjà avalé quelques couleuvres par le passé, ils n'étaient sans doute pas préparés à une telle accumulation de mauvaises nouvelles. En mai, Standard & Poor's avait déjà abaissé la notation crédit à "BBB+". L'agence prenait alors acte de l'énième plan de restructuration du groupe, qui va au-delà de ce qui était redouté, avec des risques opérationnels non-négligeables.

"Même si nous estimons que le management prend des décisions radicales, quoiqu'inévitables… la banque se prépare à une longue période de sousperformance par rapport à ses comparables, dont la plupart ont achevé leur restructuration". S&P a toutefois adopté une perspective d'évolution stable, en estimant que les objectifs de moyen et de long terme sont crédibles et permettront de créer un modèle économique plus stable et mieux équilibré. Un discours maintes fois ressassé, mais qui ne s'est encore jamais concrétisé depuis la crise financière.

Des analystes lassés d'attendre

Le discours de l'agence de notation américaine a beau être optimiste, il n'est pas dominant. Sur le marché, les professionnels sont plus réservés. Ils pointent notamment du doigt l'incapacité de la DB à rassurer sur ses procédures internes de contrôle du risque et à alléger son bilan.

"La Deutsche Bank a un gros problème, une base de coûts trop élevée", explique Dieter Hein, qui suit le dossier chez AlphaValue et qui considère que la restructuration de la branche investissement et corporate (CIB) ne va pas suffisamment loin. "La crise de confiance italienne a renforcé les arguments contre le prêteur allemand, mais c'est son incapacité proverbiale à réduire le surpoids de sa banque d'investissement qui fait le plus de dégâts", juge M. Hein, qui pense que ce sont les banquiers d'affaires et non les organes sociaux de la DB qui gouvernent… au grand dam des actionnaires. L'analyste ne manque pas de souligner que l'établissement avait levé 10 milliards d'euros à 33 euros l'action en 2010, alors que sa capitalisation ne dépasse pas 20 milliards d'euros actuellement, malgré 24 milliards d'euros d'augmentations de capital dans l'intervalle.

Angela Merkel inquiète

La situation est suffisamment préoccupante pour que la chancelière allemande ait demandé à l'ancien patron de la Bundesbank, Axel Weber, de faire un audit de la situation, selon les informations obtenues début juillet par le 'WiWo'. Le journal a même appris que l'américaine JP Morgan et la chinoise ICBC auraient des vues sur le capital. Comme elles pèsent respectivement 15 et 14 fois plus lourd que la DB, les rumeurs d'intérêt sont à prendre au sérieux. En bourse, la nouvelle séduit puisque le titre s'est envolé de 4% lorsque le 'WiWo' a sorti l'information. JP Morgan a toutefois démenti être intéressé.