NEW YORK (awp/afp) - Après les délocalisations et l'assurance-maladie, Donald Trump a lancé une nouvelle offensive contre la flambée des prix des médicaments aux Etats-Unis, au coeur de nombreuses controverses.

"Je travaille à un nouveau système où il y aura de la concurrence dans l'industrie pharmaceutique. Le prix pour les Américains va baisser", a-t-il tweeté cette semaine, faisant plonger les valeurs du secteur en Bourse.

Les plans du président américain sont encore flous, mais un rôle central devrait revenir à Scott Gottlieb, un proche de l'industrie pharmaceutique dont la Maison Blanche a annoncé vendredi la nomination à la tête de la FDA, l'agence qui contrôle les produits alimentaires et les médicaments.

Les Américains dépensent beaucoup plus que les Européens pour se soigner: selon l'OCDE, leurs dépenses de santé se sont élevées en moyenne à 8.731 dollars en 2014, soit presque deux fois plus qu'en France (4.819 dollars).

La différence est encore plus importante pour les médicaments dits "innovants", notamment ceux destinés au traitement des cancers, des maladies rares et de l'hépatite C.

La tâche s'annonce donc herculéenne pour le président qui devra naviguer dans un système sinueux et complexe.

- Pourquoi une telle disparité de prix entre Etats-Unis et Europe ?

Il n'existe pas un système public d'assurance santé américain, tel qu'on en trouve en France et au Royaume-Uni, habilitant un organisme à négocier avec les laboratoires pharmaceutiques.

A l'inverse, on trouve une multitude de systèmes.

- L'assurance privée: les assureurs négocient directement des ristournes avec les laboratoires pharmaceutiques ou recourent à des intermédiaires (les réseaux de pharmacies CVS ou Walgreens et gestionnaires spécialisés).

- Medicaid: dans ce système destiné aux plus démunis, les prix sont négociés par un intermédiaire privé mais les laboratoires doivent offrir le tarif le plus bas du marché.

- Le Veteran administration program, qui s'adresse aux anciens combattants, est le "plus proche d'un système européen", explique Darius Lakdawalla, professeur à l'Université californienne USC. En gros, c'est le secrétariat aux Anciens combattants qui négocie les tarifs.

- Qui fixe les prix et comment ?

Les laboratoires pharmaceutiques fixent librement leurs tarifs, en fonction de l'offre et de la demande, indique Eric Lail, du groupe d'assurance Blue Cross and Blue Shield.

Les prix dépendent de plusieurs facteurs, dont le coût de la recherche-développement. Les dépenses marketing jouent également un rôle important car les Etats-Unis sont un des rares pays industrialisés où les laboratoires peuvent faire de la publicité pour leurs médicaments.

Mais le prix final ne repose ni sur les investissements de recherche, ni sur les coûts de production, ni même sur l'efficacité des produits, mais sur ce que "le marché (patients et assureurs) est prêt à payer", écrivent Aaron Kesselheim, Jerry Avorn et Ameet Sarpatwari, trois chercheurs de l'université Harvard dans une étude publiée en 2016.

Ils affirment que la plupart des recherches ayant débouché sur des traitements innovants ont reçu des financements publics et des subventions.

C'est le cas du sofosbuvir (Sovaldi), un traitement contre l'hépatite C, développé par des universitaires avant d'être racheté par Gilead Sciences, qui le vend à 1.000 dollars le comprimé.

- Quels autres facteurs pèsent sur les prix ?

- Le processus d'autorisation des génériques est long.

- Il n'existe pas d'obligation de substitution par un générique des médicaments princeps (médicaments d'origine).

- Le marché du générique est très concentré, sans concurrence, ce qui limite les baisses de prix, résume Darius Lakdawalla.

- De quel levier disposent les assureurs privés ?

L'équation se résume à obtenir des réductions de prix qui ne bénéficient pas souvent aux malades, affirme Ed Schoonveld, consultant au cabinet ZS Associates, qui conseille les grands groupes pharmaceutiques.

"Un assureur ne peut se permettre de ne pas accepter un prix s'il n'y a pas de médicament alternatif", renchérit Darius Lakdawalla, car il court le risque d'enregistrer des résiliations de contrat.

- Peut-on baisser les prix ?

"Il faudra une nouvelle loi", avance Joshua Sharfstein, enseignant à l'université Johns Hopkins. "Vu le pouvoir de l'industrie c'est improbable".

"Si le gouvernement négocie (les prix), il doit aussi choisir les médicaments. Là est le hic", ajoute Darius Lakdawalla, expliquant qu'il est peu probable que les Américains, de nature méfiants vis-à-vis du gouvernement fédéral, soient prêts à l'accepter.

Ed Schoonveld préconise de faciliter l'arrivée des génériques sur le marché.

Une autre solution serait, selon M. Lakdawalla,un système de malus-bonus, favorisant les médicaments les plus efficaces.

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