Après l'effondrement de la banque californienne Silicon Valley Bank (SVB) et les mesures prises aux Etats-Unis pour stabiliser le système bancaire, les autorités et les marchés européens sont également sur le qui-vive.

A Francfort, l'autorité de surveillance financière Bafin a ordonné lundi un moratoire sur la succursale allemande de SVB afin de préserver les actifs pour les créanciers. "La situation d'urgence de la Silicon Valley Bank Germany Branch ne constitue pas une menace pour la stabilité financière", ont souligné les superviseurs. Néanmoins, la cellule de crise financière de la Bundesbank, mise en place après la crise financière de 2008, a discuté des conséquences possibles. En revanche, selon un initié, le superviseur bancaire de la BCE n'a pas prévu de réunion d'urgence de son comité de surveillance (SSB). La faillite de SVB a provoqué une certaine nervosité sur les marchés boursiers : les actions des banques ont chuté et le Dax était parfois en baisse de plus de trois pour cent.

La SVB, spécialisée dans le financement de jeunes entreprises technologiques, s'est retrouvée en difficulté parce qu'elle avait investi des sommes importantes dans des obligations d'État américaines à long terme. Or, leurs cours ont nettement baissé en raison des hausses de taux d'intérêt des banques centrales. Pour payer les dépôts de ses clients, SVB a dû vendre des obligations et accepter des pertes de plusieurs milliards. Une augmentation de capital pour renforcer le bilan a échoué. Les clients ont retiré des milliards de la banque, qui a finalement été fermée. La Signature Bank, basée à New York, a également été fermée. Aux États-Unis, la Réserve fédérale américaine (Fed) veut contrer le risque d'une crise financière majeure en lançant un nouveau programme de crédit. La nouvelle ligne de crédit Bank Term Funding Program (BTFP) doit permettre aux banques de disposer de suffisamment de liquidités, même en période de stress sur les marchés. Le président américain Biden a annoncé qu'il ferait une déclaration en début d'après-midi.

PAS DE MENACE POUR LE SYSTÈME FINANCIER

Au Royaume-Uni, SVB a également financé de nombreuses startups par le biais d'une filiale. Pour les protéger, la grande banque britannique HSBC a racheté la filiale de SVB avec le soutien de la Banque d'Angleterre. Cette opération permet de protéger les dépôts des clients, a expliqué le ministre des Finances Jeremy Hunt. "HSBC est la plus grande banque d'Europe et les clients de SVB UK doivent être rassurés sur sa solidité, sa protection et sa sécurité". Selon lui, il n'y a aucun risque pour le système financier. "Le système bancaire britannique est extrêmement sûr et bien capitalisé", a déclaré Hunt. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, s'est lui aussi montré serein : "Nous suivons la situation aux Etats-Unis, mais il n'y a pas d'alerte spécifique pour le système bancaire français, qui est solide", a-t-il déclaré sur la radio Franceinfo.

En Allemagne, SVB n'est représentée que par une seule succursale, avec un total de bilan d'environ 790 millions d'euros. Elle compte notamment parmi ses clients Hellofresh et Lilium. "La Silicon Valley Bank Germany Branch n'a pas d'importance systémique", a déclaré le Bafin. L'autorité financière a ordonné la fermeture des activités des clients. Il n'y a pas de conséquences pour la garantie des dépôts, a-t-il ajouté. L'association allemande des start-ups a exprimé un optimisme prudent, estimant que les entreprises nationales pourraient s'en tirer à bon compte.

La Banque centrale européenne (BCE), qui supervise 111 grandes banques de la zone euro, n'a pas jugé nécessaire de tenir une réunion d'urgence, a déclaré un haut responsable de l'institution. Les banques de la zone euro sont dans l'ensemble bien financées. Elles ont fait du bon travail en transférant des actifs de leurs portefeuilles de négociation vers leurs portefeuilles d'investissements détenus jusqu'à l'échéance. Ils sont ainsi mieux protégés contre la hausse des taux d'intérêt et la baisse des prix. En outre, les établissements financiers de la Communauté des 20 pays possèdent une combinaison d'actifs beaucoup plus conservatrice que l'ASB.

LE MARCHÉ RESTE NÉANMOINS INQUIET

Les inquiétudes concernant les conséquences de la faillite de SVB continuent de hanter les investisseurs malgré les mesures prises par les autorités. L'indice des actions bancaires européennes s'est effondré de 4,7% et l'indice des sociétés de services financiers a perdu 3,3%. Les régulateurs américains ont certes garanti les dépôts des clients après la dissolution de SVB et de Signature Bank, a déclaré le gestionnaire de portefeuille Thomas Altmann de la société de trading QC Partners. "La grande et cruciale question est maintenant de savoir combien de banques vont suivre". Avec les mesures prises par les autorités américaines et le rachat de la filiale britannique de SVB, le risque de crise bancaire est pour l'instant écarté, a constaté Jürgen Molnar, analyste chez RoboMarkets. "Néanmoins, le problème des pertes comptables élevées dans les portefeuilles obligataires des banques reste entier et devrait continuer à occuper la Bourse pendant un certain temps".

Les titres de Commerzbank ont été sous pression, avec une chute de plus de 12% au plus fort de la séance à Francfort. Les actions de la Deutsche Bank ont perdu près de huit pour cent. À Zurich, les actions de Credit Suisse, en proie à la crise, ont connu une chute à deux chiffres en pourcentage pour atteindre un plus bas record de 2,115 francs. D'autres établissements financiers comme BNP Paribas, Société Générale, ING, Banco BPM ou UniCredit ont également perdu entre 4 et 8 %. En revanche, les investisseurs américains se sont d'abord montrés rassurés après les mesures prises par les autorités américaines. Les actions de Bank of America ont gagné environ 3 % dans les échanges avant-Bourse à Wall Street, JPMorgan a grimpé de près de 2 %.

(Collaboration de Tom Sims et Zuzanna Szymanska ; rédigé par Sabine Wollrab. Pour toute question, contactez notre rédaction à berlin.newsroom@thomsonreuters.com (pour Politique et conjoncture) ou frankfurt.newsroom@thomsonreuters.com (pour Entreprises et marchés).

- par Marta Orosz et Frank Siebelt