LES PUBLICATIONS | FÉVRIER 2023 |
ÉCONOMIQUES DE COFACE |
BAROMÈTRE
RISQUES PAYS & SECTORIELS Spécial Colloque Risque - Pays 2023 (T4 2022)
Par les économistes du Groupe Coface, en collaboration avec l'Institut français des relations internationales (IFRI)
D'un excès de pessimisme à un excès d'optimisme ?
L'année 2023 commence avec de bonnes nouvelles. Sur le front macroéconomique tout du moins. A la faveur d'un automne et d'un début d'hiver hors normes d'un point de vue climatique - c'est la moins bonne nouvelle - l'Europe a donc échappé à une récession qui lui semblait pourtant promise de longue date. Les gains d'efficacité enregistrés dans tous les secteurs et le ralentissement de l'activité ont fait le reste, permettant une forte baisse des prix de l'énergie et, partant, un ralentissement bienvenu de l'inflation. La perspective d'un fort rebond de l'activité en Chine au second semestre, même très incertain, nourrit également l'espoir de voir l'économie mondiale sortir
de l'ornière dans laquelle elle est actuellement empêtrée. Il n'en fallait pas plus pour que les marchés financiers s'emballent, en particulier en Europe : actions, obligataire, crédit… tout trouve désormais grâce aux yeux des investisseurs, à juste titre rassurés par l'éloignement, pour un temps, du scénario du pire.
Si, pour l'essentiel, nous acquiesçons, attention toutefois à ne pas céder à un excès de complaisance. Les défis auxquels était confrontée l'économie mondiale l'an dernier restent d'actualité et la crise que nous traversons, multidimensionnelle, n'est pas près de se refermer : fragmentation géopolitique, crise énergétique, changement climatique, risques épidémiques… la transformation du monde s'accélère et sécrète des risques, parfois extrêmes, susceptibles de faire dérailler les scénarios et les narratifs les mieux huilés.
A court terme, le principal risque réside dans la continuité dans le temps des deux principaux facteurs à l'origine du regain d'optimisme actuel. Compte tenu de l'influence de la Chine sur les marchés de matières premières (pétrole et gaz naturel liquéfié), concilier rebond économique chinois et baisse concomitante, généralisée, et toujours immaculée de l'inflation nous paraît relativement illusoire. Et ce d'autant que l'inflation sous-jacente ne ralentit que très lentement ou continue même, dans de nombreux pays, à augmenter. La pause attendue au tournant de l'été dans le processus de resserrement monétaire orchestré par les principales banques centrales ne pourrait donc être qu'éphémère, de même que le sentiment de soulagement qui prévaut actuellement.
Dans ce contexte, nous n'avons effectué que peu de changements à nos évaluations de risque pays (5 modifications) et de risques sectoriels (16 modifications). En termes nets, la tendance reste néanmoins aux déclassements (voir page 16).
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Le point de vue géopolitique de l'IFRI: un monde éclaté et instable
Malgré son image fatiguée et l'hystérie du débat politique national, le président Biden a engagé depuis 2021 une véritable révolution dans le pays : sa politique industrielle volontariste (Infrastructure Act, Inflation Reduction Act, Chips Act) signale la fin du cycle libéral engagé par Reagan il y a 40 ans, ainsi qu'un véritable tournant dans la lutte contre le changement climatique. Les Européens devront toutefois obtenir des assouplissements aux mesures protectionnistes de l'IRA. Si une vision du monde manichéenne lui permet de soutenir l'Ukraine et Taïwan contre les régimes russes et chinois, l'imbrication économique et financière du pays avec la Chine complique les calculs stratégiques
lourdes par l'Occident crée des risques d'escalade. Peu probable à court terme et par définition difficile à anticiper, une voie de sortie serait le départ, organisé ou subi, d'un Poutine fragilisé aux yeux des élites russes par les errements de sa stratégie et les risques que la guerre fait peser sur le pays.
La compétition régionale se poursuit en Afrique du Nord/Moyen-Orient sur fond de retrait américain. Les régimes des pays producteurs de pétrole et de gaz profitent de la hausse des cours liée au conflit ukrainien pour consolider leur position (Algérie, Égypte) et embrayer sur la transition verte (Arabie Saoudite, Émirats, Qatar). Le stress climatique s'intensifie, et avec lui l'insécurité alimentaire et les troubles sociaux. Les guerres post-printemps arabes restent sans
Graphique 1 :
EU27 et Royaume-Uni: Taux de remplissage des stocks de gaz (en % de la capacité totale de stockage)
Max / Min historique (depuis 2011) | 2021 | 2022 | 2023 | |||
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Jan Fév Mar Avr Mai Juin Juil Août Sep Oct Nov Déc
Sources : Gas Infrastructure Europe, Coface
Graphique 2 :
Croissance du PIB mondial (moyenne annuelle,%)
largement tributaire de la rigueur de l'automne et de l'hiver en Europe, le mois d'octobre a été le plus doux jamais enregistré2, et novembre, décembre et la première quinzaine de janvier ont vu des températures supérieures à la moyenne des trente dernières années. De ce fait, et grâce à un taux de remplissage remarquable en début de période - atteint en payant au prix fort les importations de GNL (gaz naturel liquéfié) -, les pays européens affichaient des réserves de gaz très confortables fin janvier (Graphique 1), permettant d'éloigner le spectre d'un rationnement forcé du gaz en Europe cet hiver.
Aussi les économies européennes devraient- elles éviter le scénario du pire, et nous avons laissé inchangée notre prévision de croissance mondiale pour 2023, à 1,9%, en net ralentissement
de l'administration.
solution de fond (Libye, Yémen, Syrie), tandis que le conflit israélo-palestinien et le contentieux
7
6
5,9
par rapport à 2022 (Graphique 2). Face à la confirmation de notre scénario de stagflation
Maître incontesté du Parti communiste, Xi Jinping rencontre toutefois d'importants défis économiques et sociaux. La fin de la politique
« Zéro Covid » et la réouverture des frontières ont |
pu être lues comme une ouverture. Mais la levée |
précipitée des mesures sanitaires draconiennes |
depuis 2020 pourrait dégrader la confiance de |
la population dans le Parti, ainsi que celle des |
acteurs économiques étrangers envers une Chine |
devenue un marché à risque - d'autant plus que |
les nouvelles mesures américaines de contrôle |
des exportations de semi-conducteurs risquent |
d'affaiblir l'écosystème d'innovation chinois. Par |
ailleurs, l'approche des élections présidentielles |
à Taïwan en janvier 2024 ne devrait pas réduire la |
algéro-marocain sur le Sahara resurgissent. La contestation en Iran ajoute à l'instabilité. La nouvelle équipe israélienne crée une inquiétude que les Accords d'Abraham ne suffisent pas à dissiper, tandis que la Turquie cherche à maximiser son avantage géopolitique.
Un rare motif de soulagement tient à l'apaisement des tensions sur les marchés de l'énergie fin 2022, qui n'ont pas été relancées par l'embargo pétrolier et le prix plafond visant la Russie. La poursuite de l'accalmie va dépendre du redémarrage de la Chine, du nombre de centrales nucléaires remises en route au Japon, de la stabilité dans le détroit d'Ormuz, et de manière décisive, de la
5 4,5
4 | 3,4 | 2,8 | 2,8 | 3,0 | 3,1 | 2,8 | 3,4 | 3,3 | 2,6 | 3,0 | |||||
3 | |||||||||||||||
1,9 | |||||||||||||||
2 | |||||||||||||||
1 | |||||||||||||||
0 | |||||||||||||||
-1 | Chine | ||||||||||||||
-2 | Économies émergentes hors Chine | ||||||||||||||
-3 | États-Unis | ||||||||||||||
Économies avancées hors États-Unis | |||||||||||||||
-4 | -3,2 | ||||||||||||||
Monde | |||||||||||||||
-5 | |||||||||||||||
10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22(p) 23(p) | |||
Sources : FMI, Instituts statistiques nationaux, Refinitiv Datastream, prévisions Coface
Graphique 3 :
Croissance du PIB (moyenne annuelle,%)
dans les économies avancées et de résilience, dans l'ensemble, des pays émergents, nous n'avons revu nos prévisions de croissance qu'à la marge pour toutes les principales économies (Graphique 3).
Cette continuité se traduit également dans nos évaluations, avec seulement 3 pays et 10 secteurs déclassés ce trimestre, après 95 en cumulé3 en juin 2022 et encore plus de 50 en octobre. Dans le même temps, nous avons procédé également au reclassement de 2 évaluations pays, l'Inde
pression militaire chinoise dans le détroit. |
L'économie russe se maintient grâce à la politique menée par la Banque centrale et au contournement des sanctions avec la complicité, confirmée ou soupçonnée, de certains pays comme la Turquie ou la Chine. L'embargo pétrolier européen et le prix plafond menacent pourtant la stabilité budgétaire. En Ukraine, la ligne de front stabilisée malgré les batailles de Bakhmut et de Soledar pourrait être bousculée par une nouvelle offensive russe et les négociations de paix ne sont pas en vue. L'envoi d'armes de plus en plus
météo. Quoi qu'il arrive, l'Europe devra toutefois poursuivre ses économies d'énergie.
La récession s'éloigne, la stagflation se précise
Alors qu'elle avait démarré sous les pires auspices avec l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe et l'envolée des cours des matières premières, l'année 2022 s'est finalement achevée sur une bonne note sur le plan économique, ou plutôt météorologique. Alors que, comme mentionné dans notre dernier Baromètre1, l'ampleur de la crise énergétique était
2021 | 2022 (f) | 2023 (f) | 8,1 | 8,3 | ||||||||||||||||||||||||||
2,6 | 1,9 | 0,2 | 7,0 | 2,5 | 0,3 | 6,6 | 3,8 | 5,1 | 4,7 | 1,0 | 7,5 | 4,4 | 5,9 | 1,9 | 0,8 | 2,1 | 1,1 | 1,5 | 3,0 | 4,0 | 5,0 | 2,9 | 0,7 | 6,8 | 5,9 | |||||
-0,2 | -1,0 | |||||||||||||||||||||||||||||
DEU | FRA | ITA | ESP | GBR | USA | JPN | CHN | BRA | IND |
Sources : FMI, Instituts statistiques nationaux, Refinitiv Datastream, prévisions Coface
-
Baromètre Coface : Coup de froid sur l'économie mondiale. 12 octobre 2022.
URL: https://www.coface.com/fr/Actualites-Publications/Publications/Coup-de-froid-sur-l-economie-mondiale-Barometre-T3-2022 - https://climate.copernicus.eu/2022-saw-record-temperatures-europe-and-across-world
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et le Burundi, et de 6 évaluations sectorielles, | contraires qui ont continué de freiner l'économie | ||||||||||||
principalement dans l'industrie automobile | chinoise ont maintenu les cours du baril de Brent | ||||||||||||
(Moyen-Orient, Mexique, Inde), grâce à la | autour de 80 dollars en décembre, contre 105 | ||||||||||||
résorption (très) progressive des tensions sur les | dollars en moyenne sur les six premiers mois 2022. | ||||||||||||
chaînes d'approvisionnements. | En parallèle, la dissipation des craintes de rupture | ||||||||||||
Vers un recul (mécanique) de | d'approvisionnement en gaz naturel en Europe, | ||||||||||||
conjuguée à l'atonie de l'économie chinoise ont | |||||||||||||
l'inflation au | premier semestre 2023 | également entraîné une nouvelle chute des cours | |||||||||||
du gaz à partir de la mi-octobre. A environ 64 | |||||||||||||
Si les craintes d'une récession mondiale à venir | euros par MWh (mégawatt heure) en moyenne | ||||||||||||
avaient entraîné un net repli des cours des | au mois de janvier 2023, ils ont ainsi retrouvé des | ||||||||||||
matières premières (métaux, céréales, pétrole) l'été | niveaux comparables à ceux enregistrés avant le | ||||||||||||
dernier, ceux-ci sont restés relativement stables | début de la guerre en Ukraine. S'ils restent trois fois | ||||||||||||
depuis, à des niveaux nettement moins élevés | supérieurs à leur moyenne de 2018 et 2019, les prix | ||||||||||||
qu'au premier semestre 2022 (Graphique 4). La | du gaz ont ainsi été divisés par deux, voire par trois, | ||||||||||||
confirmation du net ralentissement de l'activité | par rapport au reste de l'année 2022. | ||||||||||||
industrielle en fin d'année 2022 et les vents | |||||||||||||
Graphique 4 : | Alors même que l'envolée des cours de l'énergie | ||||||||||||
avait été à l'origine de l'emballement des prix à | |||||||||||||
Cours du pétrole brut (Brent) et du gaz naturel (pour livraison le mois suivant) en Europe | |||||||||||||
Gaz naturel en Europe (€/MWh) | Brent (USD/baril, axe droit) | la consommation dans les économies avancées, | |||||||||||
350 | 140 | leur modération a entraîné un recul mécanique | |||||||||||
300 | 120 | de l'inflation en fin d'année 2022. Cela est d'autant | |||||||||||
plus le cas en zone euro, où l'accélération de | |||||||||||||
250 | 100 | l'inflation fin 2021 était dans un premier temps | |||||||||||
200 | 80 | exclusivement imputable aux prix de l'énergie. | |||||||||||
Inversement, en novembre et en décembre 2022, le | |||||||||||||
150 | 60 | recul de l'inflation s'expliquait essentiellement par | |||||||||||
100 | 40 | une contribution moins importante de l'énergie | |||||||||||
(Graphique 5). Dans le même temps, l'inflation | |||||||||||||
50 | 20 | sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires | |||||||||||
02018 | 20230 | frais) a continué de progresser (5,2% en glissement | |||||||||||
2019 | 2020 | 2021 | 2022 | annuel en décembre 2022, après 5% en octobre et | |||||||||
Sources : Refinitiv Datastream, Coface | en novembre). | ||||||||||||
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Graphique 6 :
Contributions au taux d'inflation annuel aux Etats-Unis (en points de pourcentage)
10,0 | Services | |||||||||||||||||||||||||
8,0 | Biens | |||||||||||||||||||||||||
Produits alimentaires | ||||||||||||||||||||||||||
Energie | ||||||||||||||||||||||||||
6,0 | IPC* (%, glissement annuel) | |||||||||||||||||||||||||
4,0 | ||||||||||||||||||||||||||
2,0 | ||||||||||||||||||||||||||
0,0 | ||||||||||||||||||||||||||
-2,0 | ||||||||||||||||||||||||||
Jan-19 | Avr-19 | Juil-19 | Oct-19 | Jan-20 | Avr-20 | Juil-20 | Oct-20 | Jan-21 | Avr-21 | Juil-21 | Oct-21 | Jan-22 | Avr-22 | Juil-22 | Oct-22 | |||||||||||
*IPC : Indice des prix à la consommation | ||||||||||||||||||||||||||
Sources : Bureau of Labor Statistics, Refinitiv Datastream, Coface | ||||||||||||||||||||||||||
Graphique 7 : | ||||||||||||||||||||||||||
Proportion de pays* enregistrant une accélération de l'inflation | ||||||||||||||||||||||||||
100 | Total | Economies avancées | Economies émergentes | |||||||||||||||||||||||
90 | ||||||||||||||||||||||||||
80 | ||||||||||||||||||||||||||
70 | ||||||||||||||||||||||||||
60 | ||||||||||||||||||||||||||
50 | ||||||||||||||||||||||||||
40 | ||||||||||||||||||||||||||
30 | ||||||||||||||||||||||||||
20 | ||||||||||||||||||||||||||
10 | ||||||||||||||||||||||||||
0 | ||||||||||||||||||||||||||
Jan | Fév | Mar | Avr | Mai | Juin | Juil | Août | Sep | Oct | Nov | ||||||||||||||||
2022 | ||||||||||||||||||||||||||
* Sur un total de 94 économies : 34 avancées, 60 émergentes
Sources : Instituts statistiques nationaux, FMI, Banque Mondiale, Coface
Graphique 8 :
RISQUES PAYS ET SECTORIELS | 05 |
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Le ralentissement de l'inflation enregistré sur la fin d'année 2022, aussi bien dans les pays avancés que dans les pays émergents (Graphique 7) devrait ainsi se poursuivre au premier semestre 2023 par le simple jeu des effets de base, dans la mesure où les cours des matières premières resteront inférieurs aux niveaux enregistrés un an auparavant.
Dans ce contexte de résistance relative de l'activité, les marchés du travail continuent de faire preuve de résilience, avec des niveaux de chômage toujours historiquement bas (Graphique 8). Malgré le ralentissement observé, le taux de chômage a même continué de reculer lors des derniers mois de l'année 2022 en zone euro, tandis qu'il reste à son plus faible niveau depuis plus de 50 ans aux Etats-Unis (3,5%), et n'a remonté que légèrement (de 3,5% à 3,7%) au Royaume-Uni. Cette résilience pourrait se poursuivre en première partie d'année 2023, dans la mesure où, ayant fait face à des difficultés de recrutement historiquement élevées en 2022, les entreprises pourraient être tentées de retenir leurs salariés malgré une demande atone, dans l'attente du redémarrage de l'activité.
Vers un rebond au second semestre ?
Si le scénario du pire, particulièrement en Europe, a été évité à court terme, les perspectives de l'économie mondiale restent sombres pour 2023, dans un environnement qui demeure aussi risqué qu'incertain. La principale source
Graphique 5 :
Contributions au taux d'inflation annuel en zone euro (en points de pourcentage)
12,0 | Energie | |||||||||||||||||
10,0 | Produits alimentaires et boissons non-alcoolisées | |||||||||||||||||
Biens industriels non-énergétiques | ||||||||||||||||||
8,0 | Services | |||||||||||||||||
IPCH* (glissement annuel, %) | ||||||||||||||||||
6,0 | ||||||||||||||||||
4,0 | ||||||||||||||||||
2,0 | ||||||||||||||||||
0,0 | ||||||||||||||||||
janv.-20 | janv.-22 | |||||||||||||||||
-2,0 | ||||||||||||||||||
janv.19- | avr.19- | juil.19- | oct.19- | avr.20- | juil.20- | oct.20- | janv.21- | avr.21- | juil.21- | oct.21- | avr.22- | juil.22- | oct.22- | |||||
*IPCH : Indice des prix à la consommation harmonisé Sources : Eurostat, Coface
Si l'inflation semble avoir passé son pic en zone euro, cela est assurément le cas aux Etats-Unis, où les prix n'ont cessé de ralentir depuis le mois de juin, lorsque l'inflation avait atteint 9,1%, pour s'établir à 6,5% en décembre. Si la modération des cours des matières premières a également contribué à la baisse de l'inflation, celle-ci s'explique tout autant par la chute de la contribution des biens (Graphique 6). Ces mêmes biens4, dont la contribution était nulle ou légèrement négative avant la pandémie de la COVID-19, ont été à l'origine des tensions inflationnistes au deuxième trimestre 2021 du fait des mesures massives de soutien à la consommation, dans un contexte de difficultés d'approvisionnement.
Taux de chômage (% de la population active)
16 | Zone Euro | Etats-Unis | ||
14
12
10
8
6
4
2
0
2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 |
Sources : Refinitiv Datastream, Coface
Royaume-Uni
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
- A l'occasion du Baromètre de juin 2022, nous avions procédé au déclassement de 19 pays et 76 secteurs.
- Les biens durables en particulier.
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d'inquiétude concerne évidemment la trajectoire d'inflation, puisqu'elle conditionnera une partie du scénario économique, dans l'ensemble des pays développés et plus particulièrement en Europe. Si un mouvement de désinflation semble bel et bien enclenché, une question cruciale demeure : où l'inflation atterrira-t-elle (et, incidemment,
à quel horizon) ? Si le scénario idéal d'un retour |
pérenne à l'objectif de 2% fixé par les principales |
banques centrales dans les pays avancés n'est |
pas complètement enterré, la possibilité de voir |
l'inflation se stabiliser à un niveau plus élevé se |
dessine à l'horizon. Non seulement la désinflation |
attendue en première partie d'année pourrait |
s'interrompre avant d'avoir atteint les niveaux |
visés par les autorités monétaires, mais un regain |
d'inflation au second semestre n'est pas à exclure. |
Bien que la comparaison historique présente |
d'importantes limites, le précédent des années |
1970 et 1980 aux Etats-Unis offre au moins une |
mise en garde. Après un premier pic à 12,2% en |
novembre 1974, l'inflation avait reflué, revenant |
brièvement en-deçà de 5% deux ans plus tard, |
avant de repartir de plus belle jusqu'à atteindre le |
niveau record de l'après-guerre à 14,8% en mars |
1980, consécutivement au deuxième choc pétrolier |
(Graphique 9). C'est ce risque que les banques |
centrales veulent aujourd'hui conjurer, se déclarant |
prêtes à agir vigoureusement et/ou dans la durée |
Dans le contexte actuel, plusieurs facteurs pourraient générer un regain d'inflation. En premier lieu, les perspectives pour les prix de l'énergie laissent augurer de nouvelles tensions inflationnistes. Les contraintes sur l'offre et les approvisionnements (logistique) de pétrole et de gaz, exacerbées par la guerre en Ukraine, étant appelées à durer, les prix de l'énergie pourraient de nouveau soutenir l'inflation globale, particulièrement en seconde moitié d'année.
Alors que les premières vagues de sanctions européennes à l'encontre de la Russie avaient largement épargné le secteur de l'énergie dans le but d'éviter des ruptures d'approvisionnement, la donne a quelque peu changé. Depuis le 5 décembre, l'Union européenne interdit les importations maritimes de pétrole brut et, depuis le 5 février, l'exclusion frappe également les importations de produits dérivés, à commencer par le diesel. En outre, ces embargos s'accompagnent de mécanismes de plafonnement des prix qui interdisent aux entreprises des pays du G75 et de l'Australie de fournir les services permettant le transport maritime des produits pétroliers russes au-delà d'un plafond (60 USD le baril dans le cas du brut). Ce mécanisme vise à limiter les recettes russes tirées des ventes de pétrole à des pays tiers, tout en préservant cet approvisionnement
Encadré 1 :
CHINE - VERS UN ADIEU À LA POLITIQUE DU ZÉRO-COVID ?
Après le 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) en octobre, la Chine a fait un premier pas concret vers l'assouplissement de sa stratégie « zéro-COVID » le 11 novembre 2022, en annonçant 20 mesures. L'annonce mettait également en garde contre l'utilisation d'une «approche unique et de mesures politiques excessives» dans le confinement en réponse à la COVID-19. Près d'un mois plus tard, le 7 décembre 2022, les autorités ont fait un pas de plus vers la réouverture en annonçant 10 nouvelles mesures qui ouvraient la voie à un assouplissement généralisé de la politique du zéro-COVID. Trois semaines plus tard, la Commission nationale de la santé (CNS) a décidé de rétrograder le niveau de gestion du risque COVID-19, mettant l'accent sur la prévention des cas graves plutôt que sur la prévention des contaminations. Enfin, la CNS a publié, le 6 janvier 2023, la 10e édition de son protocole de diagnostic et de traitement de la COVID-19, entérinant ce changement d'approche.
La réouverture de la Chine a été plus précoce et plus rapide que prévu, ce qui permet d'espérer que la reprise attendue de l'activité économique chinoise aura un impact positif sur l'économie mondiale. Si un premier pic de contaminations a été atteint à la mi-janvier, un deuxième pic est attendu en mars dans les régions rurales. La réouverture de la Chine devrait avoir un impact positif mais progressif sur la consommation, car les restrictions COVID-19 ne sont pas la seule raison de la modération des dépenses de consommation. En effet, le revenu disponible tarde à se redresser, les niveaux d'épargne demeurent élevés (40,3% du PIB au troisième trimestre 2022), et le patrimoine net est en baisse. Par ailleurs, le taux de chômage toujours élevé continuera de peser sur la consommation. Enfin, le niveau d'endettement des ménages est également à prendre en compte : celui-ci a doublé par rapport à la décennie précédente (62% du PIB en 2022 contre 30% en 2012), limitant les possibilités de consommation par effet de levier.
si besoin (contrairement aux années 70). |
crucial (environ 12% de la production mondiale).
En conséquence, selon les différentes estimations (autorités russes, OPEP, Agence internationale de l'énergie…), la production de brut russe pourrait être réduite de 5 à 15% (soit entre 0,5 et 1,5 million de barils par jour) en 2023.
certains bassins (shale plays) ou les pénuries de main d'œuvre sont autant de facteurs qui conduiront à une hausse modeste des volumes de production étatsunienne au cours des prochaines années.
Graphique 9 :
Etats-Unis - Inflation annuelle mesurée par l'indice des prix à la consommation, 1972-1986, Glissement annuel, %
16
14
12 | |||||||||||||||
10 | |||||||||||||||
8 | |||||||||||||||
6 | |||||||||||||||
4 | |||||||||||||||
2 | |||||||||||||||
0 | 72 | 73 | 74 | 75 | 76 | 77 | 78 | 79 | 80 | 81 | 82 | 83 | 84 | 85 | 86 |
Sources : Bureau of Labor Statistics, Refinitiv Datastream, Coface
5 Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, ainsi que l'Union européenne
Dans le même temps, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole et ses alliés (OPEP+), dont la Russie, devrait maintenir ses quotas de production, assurant un plancher relativement élevé pour les prix du brut. Après une décennie au cours de laquelle l'influence du cartel sur les marchés pétroliers a souffert du boom du pétrole de schiste aux Etats-Unis, l'OPEP+ paraît de nouveau en mesure d'exercer un pouvoir de fixation des prix. La prudence des investisseurs américains (stratégies de retour à l'actionnaire notamment), le tarissement des flux de financement (conditions monétaires, normes ESG...), le ralentissement de la productivité de
L a r e p r i s e e n C h i n e , s o u r ce d'incertitude
La Chine, où les autorités ont acté la fin de la stratégie zéro-COVID (voir Encadré 1), pourrait venir jeter de l'huile sur le feu inflationniste. L'assouplissement des restrictions visant à contenir la transmission de la COVID-19 constitue une volte-face inattendue qui devrait se traduire par une reprise de la consommation chinoise. La réouverture soudaine s'étant accompagnée d'une flambée des contaminations, celle-ci devrait être néanmoins graduelle. En s'appuyant sur les projections épidémiques, la normalisation
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de l'activité pourrait débuter à la fin du premier | GNL avaient baissé d'environ 20% après le record |
trimestre 2023. Un rétablissement plus ferme | atteint en 2021 (Graphique 11). Ceci a rendu |
devrait intervenir au second semestre, créant les | service aux pays européens, leur permettant |
conditions parfaites pour une nouvelle tempête | de reconstituer leurs stocks et, avec l'aide de |
sur le front énergétique et, partant, sur l'inflation. | températures clémentes, d'éviter les ruptures |
Responsable d'environ 40% de l'augmentation de | d'approvisionnement au cours de l'hiver 2022-2023. |
la demande marginale de pétrole entre 2000 et | Alors que les flux par gazoducs en provenance de |
2019 (Graphique 10), une normalisation rapide au | Russie vers l'Europe resteront vraisemblablement |
second trimestre exacerberait le déséquilibre entre | quasi-nuls, la concurrence chinoise accrue devrait |
l'offre et la demande, propulsant de nouveau les | de nouveau faire grimper les prix du gaz sur les |
prix à la hausse. | marchés européens et asiatiques, avec un risque |
non négligeable de déficit d'offre à l'échelle | |
Ces nouvelles tensions sur les prix concerneraient | mondiale. En effet, les nouvelles capacités de |
également le gaz. L'année dernière, dans un | liquéfaction entrant en service en 2023 (Golfe |
contexte économique difficile, les responsables | du Mexique notamment) ne permettront pas de |
chinois du secteur ont indiqué que la demande | répondre intégralement à l'accroissement de la |
totale de gaz avait diminué pour la première fois | demande mondiale, a fortiori si la Chine venait à |
en 20 ans, tandis que les volumes d'achats de | rebondir plus vigoureusement qu'actuellement |
Graphique 10 :
Contribution de la Chine à l'évolution de la demande mondiale de pétrole entre 2000 et 2022
Millions de barils par jour
LES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE COFACE | RISQUES PAYS ET SECTORIELS | 09 |
BAROMÈTRE | SPECIAL COLLOQUE RISQUE - PAYS ( T4 2022) |
Graphique 11 :
Chine - Estimations de volume de demande en GNL, 2021-2023
Millions de tonnes par an
90 | ||
80 | ||
70 | ||
60 | ||
50 | ||
40 | ||
30 | ||
20 | ||
10 | ||
0 | ||
2021 | 2022 | 2023 |
ICIS | Wood Mackenzie | Rystad Energy |
Sources : ICIS, Wood Mackenzie, Rystad Energy, Reuters, Coface
105 | Total | Augmentation | Baisse | |||||||||
+14,6 | 100,8 | +0,4 | 99,4 | |||||||||
+2,4 | ||||||||||||
100 | 97,2 | |||||||||||
+4,4 | ||||||||||||
95 | 92,0 | +0,8 | - 0,1 | |||||||||
90 | - 9,3 | |||||||||||
+9,3 | ||||||||||||
85 | ||||||||||||
80 | 76,9 | |||||||||||
75 | ||||||||||||
70 | ||||||||||||
65 | ||||||||||||
60 | ||||||||||||
Chine RdM | Chine | RdM | Chine RdM | Chine RdM | ||||||||
2000 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
RdM : Reste du monde
Sources : Energy Information Administration, Refinitiv Datastream, Coface
anticipé - et ce malgré les gains d'efficacité observés, l'accroissement de la part du nucléaire dans le mix électrique de certains pays (Japon, Corée du Sud, France…), etc. En outre, la reprise de l'industrie et du secteur de la construction en Chine affectera les prix d'autres matières premières, notamment des métaux de base.
Le dilemme des banques centrales s'intensifie
Si la réouverture de l'économie chinoise sera positive pour la croissance mondiale, elle sera donc également porteuse de risque haussier pour l'inflation. De plus, la menace persistante de la COVID-19 restera à surveiller. De nouvelles vagues d'infections et/ou de futures mesures de confinement pourraient une nouvelle fois s'avérer problématiques pour les chaînes d'approvisionnements mondiales, entretenant les pressions inflationnistes sur les biens.
Toutefois, les perspectives d'inflation en 2023 seront probablement essentiellement dictées par l'évolution des prix des services. Bien qu'ils
aient initialement peu contribué à la hausse de
l'inflation dans les | pays avancés, leur importance |
a grandi au fil des | mois (Graphiques 5 & 6). Cette |
tendance, particulièrement visible aux Etats-Unis, témoigne de la généralisation des pressions inflationnistes. Le rééquilibrage de la demande des biens vers les services amorcé en 2022 devrait se poursuivre en 2023, contribuant ainsi
- maintenir l'inflation à un niveau élevé. Etant donné leur poids dans le panier de consommation dans les pays avancés6, si l'inflation des services se stabilise à un niveau supérieur à ceux qui ont prévalu avant 2020, l'inflation sous-jacente restera nécessairement élevée.
Outre le rééquilibrage de la consommation, un tel scénario pourrait se produire si une boucle prix- salaire s'installe. Pour les entreprises, le coût de la main d'œuvre est un facteur décisif de la structure des coûts, particulièrement dans les services. Aux Etats-Unis, même si leur taux de croissance semble avoir quelque peu ralenti lors des derniers mois, les salaires augmentent plus rapidement qu'avant la pandémie. Le constat est similaire au Royaume-Uni, où les rémunérations pourraient
6 Les services représentent entre 40 et 60% du panier de consommation en Europe et aux Etats-Unis
FÉVRIER 2023 | FÉVRIER 2023 |
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