Sur le papier, l'opération a du sens, juge Bruno Monteyne, qui suit le dossier chez Bernstein. L'analyste pense depuis longtemps que le commerce en ligne va forcer la convergence entre la livraison de repas et de produits alimentaires, au motif que "les consommateurs commandent de la nourriture et n'ont que faire qu'elle provienne de Morrisons ou de Domino's". Il est donc logique que des transactions entre l'ancien et le nouveau monde aient lieu.

Graphique Carrefour

Pour le cas de Carrefour, Monteyne aurait préféré que le groupe s'emploie à s'occuper de ses clients actuels plutôt que de chercher à conquérir de nouveaux clients. Le jugement est un peu sévère, car l'enseigne a sûrement la capacité de mener les deux batailles de front. Mais l'analyste est échaudé par le manque de progrès sur le front très stratégique des parts de marché en France et sur la lenteur de la transformation. "Le risque avec ce genre d'opérations est qu'elles ont tendance à créer de la distraction par rapport à l'objectif principal", ajoute Bruno Monteyne, qui rappelle l'échec du précédent CEO de Tesco, qui avait voulu explorer trop d'horizons en même temps.

L'analyste reste prudent compte tenu du piètre historique de Carrefour en matière d'acquisitions et de sa faiblesse relative dans le commerce en ligne, où il est par exemple cinq fois moins gros que Leclerc en France dans l'alimentaire. "Réparer le cœur de métier devrait rester la priorité", conclut Bernstein, dont la recommandation "sousperformance" est accompagnée d'une valorisation à 15 EUR, très proche des niveaux actuels.

Bref, on sent le Bruno Monteyne désabusé par le redressement poussif de Carrefour. Sur le fond, il voit malgré tout pourquoi cette brique vient s'ajouter au chantier e-commerce du groupe. Et puis il faut un début à tout : Dejbox, l'autoproclamée "1ère cantine cool", sera peut-être le déclencheur d'une vague d'acquisitions à succès du groupe.