Le premier distributeur européen, qui signe ainsi son quatrième "profit warning" en l'espace d'un an, a invoqué les difficultés rencontrées en Europe du Sud, en particulier en Grèce et en Italie, pour réduire le nombre prévu d'ouvertures de ses Carrefour Planet, son nouveau concept d'hypermarchés sur lequel il mise pour renouer avec la croissance.

Il a aussi reporté "sur le moyen terme" ses objectifs de réduction de stocks et de gains aux achats et a dit anticiper de nouvelles réductions de coûts, en plus des 1,9 milliard d'euros prévus dans son plan stratégique 2009-2012.

Dévoilant les modalités d'un plan de reconquête en France, un marché stratégique qui compte pour 40% des ventes et où la part de marché de Carrefour s'érode depuis des mois, son PDG Lars Olofsson s'est voulu combatif et rassurant.

"Nous sommes convaincus de pouvoir atteindre nos objectifs (...) Carrefour est à l'offensive pour reconquérir le terrain en France", a-t-il dit devant la presse.

Carrefour avait dit prévoir mi-juillet une chute de 23% de son résultat opérationnel courant au premier semestre mais n'avait pas pour autant renoncé à son objectif de croissance de ce résultat sur l'année. Il a fini par se livrer à une opération vérité, disant maintenant tabler sur une baisse de 15%.

Ce recul s'inscrit dans le haut des prévisions des analystes (-11% à -15%) qui ne croient pas à la capacité de Carrefour à redresser sensiblement la barre au deuxième semestre.

PERTE NETTE

Au premier semestre, l'opérationnel a finalement reculé de 22% à 772 millions d'euros. Carrefour a également dévoilé avoir passé des charges exceptionnelles massives (884 millions d'euros), principalement liées à des dépréciations de ses actifs en Italie (516 millions) qui ont fait basculer le résultat net dans le rouge, avec une perte de 249 millions d'euros.

Après une ouverture en forte baisse (-4%), le détail du plan de bataille pour la France a permis au titre de réduire légèrement ses pertes. Il cédait 1,64% à 18,33 euros vers 14h50, accusant une des rares baisses du CAC (+2,21% au même moment).

Il accuse une chute de plus de 40% depuis janvier alors que son concurrent français côté Casino limite sa perte à 22% et le britannique Tesco la sienne à 14%.

Le groupe était très attendu sur son plan de relance de ses opérations en France placées depuis peu sous la houlette de Noël Prioux, un bon connaisseur des hypermarchés.

Reconnaissant ses erreurs passées, la direction de Carrefour a annoncé une nouvelle stratégie commerciale, axée sur des prix plus compétitifs - acceptant ainsi de sacrifier la rentabilité à court terme - et des campagnes de promotions moins coûteuses.

Le groupe, déjà perçu par les consommateurs comme plus cher que ses concurrents, a lourdement pâti d'un relèvement de ses prix en mars, répercutant les hausses de ses fournisseurs, alors que Leclerc et Auchan n'ont pas suivi.

Noël Prioux a également insisté sur la nécessité d'améliorer les processus d'exécution, avec un objectif de réduction de 50% des ruptures de stocks à fin 2011, mais aussi sur celle de donner aux patrons des hypers une autonomie jusqu'ici largement bridée par une centralisation excessive.

"On ne peut pas piloter le prix des laitues depuis le siège!", a lancé Noël Prioux, non sans ironie.

RATTRAPER LE RETARD

Il entend aussi relancer des produits de la marque Carrefour avec pour objectif de porter leur part à 40% des ventes en France (contre 25% en 2011) et rattraper le retard pris par le groupe sur le "Drive" (commandes sur internet et retraits dans des dépôts), très prisés, et le e-commerce.

Concernant Planet, Lars Olofsson a réaffirmé que les performances des quatre magasins "pilotes" étaient nettement supérieures à celles des anciens magasins mais que sur un programme concernant 503 hypermarchés au total en Europe, il y aurait 20 transformations et 19 rénovations de moins que prévu.

Interrogé sur sa stratégie dans les pays émergents, après son échec au Brésil et la nomination de Pierre Bouchut, son directeur financier, à la tête des opérations de ces marchés en pleine croissance, le PDG a démenti les rumeurs de cession de sa filiale brésilienne, assurant qu'elle n'était "clairement pas à vendre".

Il a précisé que le groupe étudiait "au contraire", toutes les possibilités pour se renforcer dans les pays émergents.

Les deux grands actionnaires de Carrefour, Groupe Arnault (holding familiale de Bernard Arnault, PDG de LVMH) et Colony Capital ont déjà, par le passé, eu des velléités de céder certains de ces actifs. Entrés chez Carrefour pour un prix de revient estimé entre 47 et 50 euros, ils accusent, à ce jour, de très lourdes pertes sur leur investissement.

Edité par Matthieu Protard