Carrefour a annoncé mardi avoir reçu une proposition de la société brésilienne Gama pour fusionner ses actifs brésiliens avec ceux du distributeur Grupo Pao de Açucar (GPA), déjà engagé dans un pacte d'actionnaires avec son concurrent Casino.

Casino, qui détient 37% du capital de GPA, a aussitôt riposté, affirmant "avoir le pouvoir de s'opposer au projet".

Il a précisé qu'il examinerait "dans les prochains jours la façon de défendre au mieux l'intérêt social de GPA et de ses actionnaires".

Le Brésil est stratégique pour les deux groupes français. Deuxième marché de Carrefour après la France avec 12,3% des ventes totales du groupe, le Brésil compte pour environ un tiers des 11,12 milliards d'euros de ventes que réalise Casino à l'international.

En nouant un partenariat stratégique avec GPA, premier distributeur brésilien valorisé à 17,1 milliards de reais (7,4 milliards d'euros), Carrefour consoliderait sa stratégie de développement dans les pays émergents où il détient des positions clés, alors qu'il bataille en France pour regagner des parts de marché.

Un tel rapprochement donnerait naissance à un géant du secteur avec un chiffre d'affaires combiné de plus de 30 milliards d'euros. Elle permettrait également de réaliser des synergies d'environ 700 millions d'euros par an.

"Stratégiquement, ce serait très bon pour Carrefour. Ce serait la première vraie bonne nouvelle depuis longtemps", estime Christopher Hogbin, analyste de Bernstein.

En Bourse, le titre Carrefour grimpait de 2,9% à 27,22 euros à 15h50, tandis que Casino chutait de 5% à 62,55 euros, dans un marché en hausse de 1,2%.

SIGNE DE CONFIANCE

A l'issue de l'opération, Gama deviendrait un actionnaire de référence de Carrefour avec 11,7% du capital via l'émission par le groupe français de 90 millions d'actions de préférence. Gama aurait aussi la possibilité d'en acquérir 6% supplémentaires sur le marché.

Cette prise de participation constitue, aux yeux d'un analyste, un signe de confiance fort dans les perspectives de développement de Carrefour.

L'issue de l'opération reste cependant incertaine compte tenu de la bataille judiciaire qu'elle ne manquera pas de provoquer.

"L'opération ne devrait pas être bouclée avant longtemps. Il faut que les actionnaires de GPA l'approuvent et il est peu probable que Casino accepte de vendre des actifs si importants. Il peut bloquer l'opération", commente l'analyste de Bernstein.

Casino est engagé dans un pacte d'actionnaires avec Abilio Diniz, un influent homme d'affaires brésilien qui préside GPA, dont il détient 21% du capital. Aux termes de ce pacte, le groupe français dispose d'une option pour prendre le contrôle de la holding de GPA (Wilkes) à compter de juin 2012, et a un droit de veto sur toute opération structurante impliquant les parties.

L'APPUI D'UNE BANQUE PUBLIQUE

Casino a déjà entamé une bataille judiciaire avec Abilio Diniz, à qui il reproche de ne pas respecter les termes de leur pacte depuis que l'homme d'affaires a approché Carrefour.

Aujourd'hui, le projet a trouvé l'appui de la banque publique BNDES (Banque nationale brésilienne de développement), et Casino a dénoncé mardi une "opération financière préparée de longue date et illégalement par Carrefour et Abilio Diniz".

Interrogée, une porte-parole de Gama a déclaré à Reuters qu'il n'existait "aucun lien" entre Gama et Abilio Diniz.

Gama est détenue à 100% par le groupe financier brésilien BTG Pactual et devrait être capitalisée par la BNDES.

La participation de la BNDES laisse penser que l'opération bénéficie du soutien implicite de l'Etat brésilien, qui ne ferait ainsi pas trop de difficultés concernant les aspects concurrentiels de l'opération.

Selon le montage envisagé, Gama fusionnerait avec GPA, puis, dans un deuxième temps, avec la filiale brésilienne de Carrefour. Les actifs brésiliens fusionnés seraient détenus à parité par Gama et Carrefour.

Gama signerait un pacte d'actionnaires et agirait de concert avec Blue Capital - le véhicule d'investissement de Groupe Arnault (holding de Bernard Arnault, PDG de LVMH) et Colony Capital -, qui détient 14% du capital de Carrefour et 20% de ses droits de vote.

Au terme de ce pacte, leur détention conjointe serait limitée à 30% du capital et des droits de vote de Carrefour.

Gama aurait droit à deux représentants au conseil d'administration de Carrefour, dont la vice-présidence, puis trois membres à compter de l'assemblée générale de 2013.

Carrefour a précisé qu'il réunirait son conseil d'administration "dans les prochains jours" pour examiner la proposition.

Avec Julien Ponthus, édité par Dominique Rodriguez