Marcus Agius, qui présidait Barclays lorsque des traders de la banque britannique manipulaient sciemment l'un des principaux taux d'intérêt mondiaux, s'est expliqué devant des députés visiblement hostiles sur un scandale qui menace d'éclabousser d'autres grands noms de la finance internationale.

Barclays a déjà accepté de payer une amende de 453 millions de dollars (362 millions d'euros) pour son implication dans la manipulation du London Interbank Offered Rate, un taux qui sert de référence à des transactions dont les volumes se mesurent en milliers de milliards de dollars.

Marcus Agius a été le premier dirigeant de la banque à annoncer sa démission lorsque l'ampleur de ce dossier a été révélée au grand jour mais cela n'a pas suffi à sauver le poste de Bob Diamond, contraint au départ la semaine dernière.

Marcus Agius a donc renoncé à partir le temps de trouver un nouveau directeur général.

"Bod Diamond a volontairement décidé de renoncer à toute rémunération différée et tout bonus différé auxquels il aurait été en droit de prétendre", a-t-il dit devant les députés. "Le montant maximal aurait été de 20 millions de livres."

Bob Diamond, âgé de 60 ans, recevra quelque deux millions de livres d'indemnités mais ne touchera aucune pension de retraite, a-t-il précisé.

DIAMOND AVAIT PERDU LA CONFIANCE DES RÉGULATEURS

Dans un communiqué publié par Barclays, Bob Diamond déclare espérer que l'abandon de ses bonus -salué par le Premier ministre David Cameron- aidera la banque à tourner la page.

"Les mauvaises actions d'un relatif petit nombre ne doivent pas occulter le travail extraordinaire que les salariés de Barclays accomplissent chaque jour pour le compte des clients du monde entier", dit-il.

"Mon espoir est que ma décision de démissionner et l'accord d'aujourd'hui sur ma rémunération aideront à refermer ce chapitre et permettront à Barclays d'aller de l'avant et de prospérer."

Lors de son audition, Marcus Agius a expliqué que Bob Diamond avait dû démissionner parce que les révélations sur le scandale du Libor lui avaient fait perdre la confiance des autorités de régulation.

"La solution que nous avons élaborée prévoyait que les quatre hauts dirigeants qui était aux commandes lorsque ces faits se sont produits devaient admettre leur responsabilité en renonçant à leurs bonus", a-t-il expliqué.

"Nous espérions évidemment que cela serait jugé proportionné. A l'évidence, nous avions tort parce que la réprobation publique qui a suivi a été extraordinairement forte."

Les investigations sur ce scandale menées par les autorités nord-américaines, européennes et japonaises concernent désormais une dizaine de grandes banques internationales.

A Paris, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a précisé que les banques françaises membres du panel du Libor avaient fait l'objet de demandes d'information mais qu'aucun reproche ne leur avait été adressé.

TOURNURE POLITIQUE

Selon les aveux de Barclays, des traders de la banque ont tenté dès 2005 de manipuler le Libor pour gonfler les profits du groupe et, à partir de 2008, ils ont minimisé les estimations des intérêts payés à d'autres banques pour enjoliver la situation financière de Barclays, alors fragilisée par la crise.

Le Libor est calculé sur la base des estimations des intérêts dus par de grandes banques internationales sur les prêts qu'elles s'accordent les unes aux autres, mais ces estimations sont fournies par ces banques elles-mêmes, sans possibilité de vérification indépendante.

Ce taux sert de référence pour quelque 550.000 milliards de dollars (447.000 milliards d'euros) de produits dérivés de taux, mais aussi pour certains crédits immobiliers ou étudiants et des cartes de crédit.

En Grande-Bretagne, l'évocation d'une possible implication de responsables gouvernementaux et de la banque centrale dans l'affaire a donné au dossier une nouvelle tournure politique.

Le ministre des Finances, George Osborne, a ainsi déclaré que des proches de l'ex-Premier ministre Gordon Brown seraient tenus de s'expliquer. Une accusation rejetée par Ed Balls, conseiller de Gordon Brown, qui exige des excuses de George Osborne.

Lundi, le gouverneur adjoint de la Banque d'Angleterre Paul Tucker, lui aussi convoqué, a démenti avoir subi des pressions du gouvernement de l'époque pour encourager certaines banques à manipuler le Libor, affirmant qu'il n'était pas au courant de cette manipulation.

La publication de courriers électroniques montrant que des banquiers se félicitaient de l'efficacité de la manipulation en s'offrant mutuellement du champagne a suscité la colère d'une partie de l'opinion publique à l'encontre du secteur bancaire, renfloué pendant la crise à coups de dizaines de milliards de livres d'argent public.

Avec Douwe Miedema et Steve Slater; Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat

par Alessandra Prentice et Kate Holton