Plusieurs d'entre eux expliquent que la décollecte des fonds monétaires, dont les rendements étaient devenus insignifiants, a profité aux fonds obligataires et dans une bien moindre mesure aux fonds actions.

Les Bourses, notamment européennes, ne cessent de progresser depuis l'"effet Draghi" de la fin juillet 2012 quand le président de la Banque centrale européen (BCE) a prévenu qu'il ferait tout pour empêcher l'éclatement de la zone euro.

Mais les flux acheteurs sont peu significatifs après une année 2012 qui a couronné toutes les catégories d'obligations mais davantage en fin d'année les dettes d'entreprises ou des pays périphériques qui offrent des rendements plus attrayants que les emprunts d'Etat allemand réputés sans risque.

"Tout le monde dit : il faut aller sur les actions, mais personne n'en achète vraiment", ironise un économiste d'une grande banque.

"La rhétorique est haussière sur les actions - elles vont progresser de 30% cette année -, mais nombreux sont ceux qui soulignent que l'exposition des investisseurs aux actions l'est beaucoup moins", écrivent les stratégistes actions de Bank of America Merrill Lynch.

Ce biais favorable aux actions s'appuie sur un scénario macroéconomique relativement optimiste et très consensuel de fin de crise en 2013 qui s'appuie sur les hypothèses suivantes :

- la croissance économique bien que faible est bien ancrée aux Etats-Unis;

- les économies émergentes, Chine en tête, vont redémarrer après un trou d'air en 2012 sans toutefois retrouver des rythmes de croissance à deux chiffres d'avant la crise;

- L'Europe, grande malade de l'économie mondiale, devrait sortir de la récession et poursuivre le processus lent de règlement de la crise de la dette souveraine en zone euro qui a lourdement pesé sur les actifs risqués.

Si la plupart des professionnels estiment que ce scénario n'est pas absent de risques et conviennent que la crise "n'est pas encore derrière nous", ils veulent croire à une amélioration, comme l'a résumé jeudi David Shairp, stratégiste global chez JP Morgan Asset Management.

"Le monde est bien plus agréable en ce mois de janvier", a-t-il dit lors d'une conférence organisée par la société de gestion à Paris. Il surpondère les actions et estime que les cycliques prendront le relais des bancaires dans la hausse des Bourses.

LA ZONE EURO N'EST PAS SORTIE D'AFFAIRE

Si les actions ont la préférence, l'obligataire conservera son attrait à court terme, dit David Shairp, d'autant que les politiques budgétaires ultra-restrictives continueront à être compensées par des mesures non conventionnelles des banques centrales, via des achats massifs d'obligations d'Etat.

Dans ce contexte, par ailleurs non-inflationniste, les taux longs resteront bas et il ne devrait pas y avoir de krach obligataire, estiment les professionnels. Toutefois des accès de fièvre et de volatilité sont à prévoir à chaque fois que la question de la sortie des politiques non conventionnelles de la Fed, de la BOE ou de la BCE refera surface.

Aurel ETC Pollack est une des rares maisons de courtage à rester circonspecte face à ce scénario dominant. Son chef économiste, Christian Parisot, fort des dernières révisions en baisse des prévisions de croissance du Fonds monétaire international (FMI), souligne que rien n'est gagné.

Selon lui, une conjoncture mondiale encore faible et surtout une zone euro dont la reprise est loin d'être acquise peuvent contrarier le consensus actuel et se traduit par une absence de flux acheteur sur les actions.

"Les investisseurs resteront très prudents dans leur allocation d'actifs. Cinq ans de crise ne seront pas effacés en quelques jours!", a-t-il prévenu.

"Pour le moment, on ne voit pas d'arbitrage massif (...) des obligations vers les actions. Les enquêtes disponibles indiquent par contre une réduction de la part des liquidités (produits monétaires, ndlr) dans les portefeuilles internationaux, qui profite aux marchés d'actions", a-t-il expliqué.

Pour Vincent Cornet, directeur de la gestion de La Banque postale Asset Management (LBPAM), le rebond des marchés actions s'explique entre autres par la fin du processus d'ajustement des portefeuilles des assureurs aux exigences des nouvelles règles prudentielles (Solvency II) très sévères contre le risque action.

"La Bourse est montée non pas parce qu'il y a des acheteurs mais parce qu'il n'y a plus de vendeurs", a-t-il.

LBPAM, investie essentiellement en obligations, joue pour l'instant les marchés actions via les obligations convertibles qui offrent un coupon et permettent de profiter d'une éventuelle remontée des actions.

Edité par Jean-Michel Bélot

par Raoul Sachs