par Georgina Prodhan et Nicola Leske

Cette opération de grande ampleur, vouée à donner naissance au leader du marché américain de la téléphonie mobile, devrait être scrutée de près par les instances de régulation qui pourraient craindre une forte hausse des tarifs.

Le directeur financier de l'opérateur allemand Tim Höttges a déclaré lundi à la presse que son groupe se concentrerait sur la croissance organique et restituerait du cash à ses actionnaires, portant le titre à son plus haut niveau en deux ans.

Vers 16h25 GMT, Deutsche Telekom bondissait de 11,78% à la Bourse de Francfort après s'être envolé de 16% en ouverture.

AT&T, qui a ouvert en hausse de 3% à Wall Street, progressait de 1,3% après deux heures de cotation, l'annonce de la transaction dimanche ayant poussé plusieurs courtiers à relever leurs recommandations sur chacun des titres concernés.

L'indice européen des télécoms affichait la plus forte hausse sectorielle avec un gain de plus de 3% dans l'après-midi. France Télécom prenait 3,23%, le britannique Vodafone Group prenait près de 4% et le néerlandais KPN avançait de 1,4%.

ACHAT AU PRIX FORT POUR AT&T

AT&T, actuel numéro deux sur le marché américain, y fait fréquemment l'objet de critiques sur la qualité de son réseau, et notamment sur sa capacité à gérer les flux de données importants transitant par les smartphones.

Pour Deutsche Telekom, l'accord représente une occasion de se débarrasser d'une activité de moins en moins rentable et de financer le remboursement de sa dette, en y consacrant 13 milliards d'euros, et des rachats d'actions à hauteur de cinq milliards d'euros.

La transaction devant s'effectuer via 25 milliards en cash et le reste en titres, l'opérateur allemand recevra en outre une part de 8% au capital d'AT&T, qui fera de lui son premier actionnaire et lui permettra de garder un pied aux Etats-Unis.

Tim Höttges a indiqué que les acquisitions n'étaient pas la priorité du groupe et qu'il ne comptait pas utiliser le cash obtenu pour se développer dans des régions à forte croissance comme l'Afrique ou l'Asie.

AT&T pour sa part paye son acquisition au prix fort mais elle lui donne accès aux fréquences de T-Mobile, un élément essentiel pour poursuivre sa croissance.

L'opération représente 1.147 dollars par abonné. A ce tarif, le concurrent Sprint Nextel serait valorisé 57 milliards, près du quadruple de sa valorisation actuelle.

"Etant donné la solide valorisation et le fait que, selon nous, T-Mobile USA aurait peiné à atteindre ses objectifs, la vente est un bon choix" pour Deutsche Telekom, écrit UBS dans une note après avoir relevé à "neutre" contre "vendre" sa recommandation sur le titre.

SPRINT NEXTEL SOUS PRESSION

Les autres opérateurs mobiles américains sont désormais sous pression pour réagir à cette transaction, et notamment Sprint Nextel, qui avait lui aussi pris part à des discussions dans l'espoir de fusionner avec T-Mobile.

Son titre chutait de plus de 15% à Wall Street. A l'inverse, les opérateurs MetroPCS Communications et Leap Wireless bondissaient respectivement de 5% et 12%, les investisseurs anticipant le déclenchement d'une vague de consolidation.

L'équipementier franco-américain Alcatel-Lucent prenait 2,61% et son rival Ericsson cédait 0,46%, l'opération étant susceptible de réduire le nombre de fournisseurs de la nouvelle entité.

Alcatel fournit les deux nouveaux partenaires, tandis qu'Ericsson est sous contrat avec AT&T et Nokia Siemens Network avec T-Mobile.

Sprint Nextel a critiqué l'accord passé entre AT&T et Deutsche Telekom, qui selon lui va profondément altérer le secteur de la téléphonie mobile aux Etats-Unis en plaçant près de 80% des contrats entre les mains de deux groupes.

L'accord va apporter 34 millions de clients à AT&T, qui avait déjà 96 millions d'abonnés. Sa part de marché devrait passer de 32% à 43%, loin devant celle de l'actuel leader du marché, Verizon Wireless, qui est de 34,5%.

"C'est totalement fou", a commenté David Balto, avocat spécialisé dans le droit de la concurrence. "Si l'on compare les marchés sains et les marchés malsains, celui-ci est en tête des marchés malsains."

AT&T parie toutefois sur le feu vert des autorités. Il a accepté de payer une indemnité de trois milliards de dollars, exceptionnellement élevée, en cas de rupture de l'accord avec Deutsche Telekom pour une cause réglementaire.

AT&T s'est de plus engagé à céder des fréquences sans-fil à T-Mobile USA si jamais les autorités refusaient leur fusion.

Il pense que les autorités exigeront qu'il cède des actifs en échange de leur feu vert pour cette opération qu'il espère boucler dans les 12 mois et dont il attend, suivant les propos de son directeur général Randall Stephenson, plus de 40 milliards de dollars d'économie.

Gregory Schwartz et Jean Décotte pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten