"Quel regard portez-vous sur la valorisation actuelle du secteur des foncières françaises cotées ?
Le paysage est assez clair. Avec 5% de rendement, le secteur de l’immobilier coté est attractif. Il constitue une bonne réponse à la baisse des taux obligataires que ce soient des emprunts publics ou des emprunts privés. Ce d’autant plus qu’entre 2007 et 2014, les foncières ont considérablement réduit leurs risques notamment en se désendettant. Traditionnellement la situation d’endettement du secteur est appréciée par le ratio loan to value. Ce ratio se situe autour de 40% alors nous étions sur un niveau de 55% en 2007.

Selon vous, la surcote ou la décote du secteur est un thermomètre qu’il y a lieu de mettre en perspective ?
Absolument. Les valorisations sont actuellement proches des ANR (Actif net Réévalué) de reconstitution des sociétés avec des distinctions notables entre grandes capitalisations et petites capitalisations.
Cependant les ANR sont calculés par les experts immobiliers. Nous pensons que ces derniers sont en retard par rapport à la réalité du marché physique. Aussi le simple alignement des valeurs d’expertise avec le marché devrait conduire à une réévaluation significative des ANR.

Qu’entendez-vous par ANR de reconstitution ?
Nous pouvons dissocier deux types d’ANR. Tout d’abord l’ANR liquidatif qui équivaut à la valeur que l’on obtiendrait en cash si tous les immeubles d’une société étaient vendus et que la dette était remboursée. Ensuite, l’ANR de reconstitution qui équivaut à la valeur à débourser pour avoir le même patrimoine qu’une foncière. Il est préférable de parler d’ANR de reconstitution car l’objet social d’une foncière est de conserver son patrimoine.

La réévaluation des ANR a été implicitement confirmée par les publications semestrielles ?
Les valeurs d’actifs publiés sont restées stables en moyenne sur le secteur alors que deux acteurs Gécina et Terreis ont indiqué être confrontés à des prix d’actifs en forte appréciation sur leur segment et ne pas être en mesure de maintenir leur programme d’investissement pour l’instant.

Une réactualisation des ANR aboutirait à une forte décote du secteur ?
Indéniablement, cette décote pourrait s’élever de 20% à 30% suite à cette réactualisation.

Que retenez-vous d’autres des publications semestriels ?
Les sociétés ont tiré avantage de la persistance de la baisse des taux. Elles ont pu générer grâce à l’affaiblissement de leur coût d’endettement un surplus de cash flow. Ces derniers sont en croissance de 2% à 3% dans les foncières de bureaux et de l’ordre de 4 à 5% pour les foncières de centres commerciaux. Qui plus est, les perspectives ont dans leur ensemble soit été confirmées soit été révisées positivement. Tel a notamment été le cas de Klépierre et de Mercialys.
Enfin après avoir vécu cinq années de cessions animées par une volonté de désendettement, il semble que nous entrions dans un nouveau cycle où les foncières pourraient redevenir investisseurs nets et non plus vendeurs nets.

Selon vous, Tour Eiffel est un peu l’illustration des principales caractéristiques du secteur ?
La société a pu diminuer sa dette qui était autour de 55%-60% à 40%-45%. Après avoir géré son profil de risque bilanciel avec moins d’endettement et son profil de risque immobilier avec moins de provinces et plus d’Ile de France, elle redevient acheteuse d’actifs. De plus, l’intérêt de SMABTP pour Tour Eiffel est la démonstration du retour des investisseurs institutionnels sur le segment après un fort désintérêt les six années précédentes.

Un commentaire sur les projets de développement ou de partenariat ?
Les managements de foncières de centres commerciaux sont sollicités par des investisseurs pour leur savoir faire via des partenariats. Au niveau des développements, la prudence demeure via une exigence de pré-commercialisation.

Quelle analyse faites-vous de la consolidation du secteur ?
Que des opérations financières se fassent cela est crédible par rapport au coût de la dette historiquement faible, au retard des prix du secteur et de la compétition sur le marché physique.
Concernant des opérations de rapprochement, celles-ci ont surtout du sens dans les segments des centres commerciaux et des logements.

Comprenez-vous en cela l’offre d’achat de Klépierre sur Corio ?
Les foncières de centres commerciaux, à l’image d’un média, cherche à accroitre leur visibilité en augmentant la taille moyenne de leur centres et en diversifiant leur implantation géographique pour répondre aux mieux aux besoins des enseignes.
Cette opération s’inscrit dans cette stratégie.

Le facteur de l’opération financière a-t-il plus de poids dans votre processus d’investissement ?
Non , les facteurs déterminants demeurent l’analyse de la valorisation et des risques immobiliers et bilanciels.

Les remous sur le plan actionnarial ne vous interpellent-ils pas ? Gecina a mis fin à son histoire espagnole. SFL a vu la sortie d’Unibail, l’arrivée du Qatar et un renforcement de Predica…
Nous sommes attentifs à l’actionnariat, mais ces remous ne sont pas un critère de gestion déterminant même s’ils peuvent impacter des recompositions d’indices.

Quels principaux risques identifiez-vous pour le secteur ? Certains évoquent un emballement des investisseurs sur certains actifs conduisant à une forte hausse des prix.
Nous sommes depuis 5 ans dans un processus de réduction des risques. Le faible niveau des livraisons de m2 a permis de stabiliser le taux de vacance dans un contexte de faible croissance, et le niveau d’endettement des foncières a été réduit. On observe depuis la crise une perception par les acteurs du risque immobilier qui se focalise davantage sur le risque vacance que sur le risque en capital (prix/m2). Cela conduit à un fort intérêt pour l’immobilier dit « prime » une fraction très limité du marché physique, moins de 10%, qui correspond aux quartiers centraux des affaires des métropoles.
En conséquence, il n’y a pas de contagion à l’ensemble des actifs mais plutôt une forte segmentation qui permet au marché dans son ensemble de présenter une prime de risque historiquement élevée. Cette dualité du marché nous parait favorable à des acteurs comme les foncières qui par leur savoir faire peuvent investir sur l’ensemble des actifs et non uniquement sur l’immobilier « Prime ».

Ce risque de dégonflement existerait- il cependant pour certaines foncières spécifiques ?
Non, car aujourd’hui les taux de capitalisation retenus par les experts dans le calcul des ANR sont loin de témoigner de cet emballement.

Dans les croissances organiques annoncées par les foncières, il y a la variation du taux d’occupation, et la variation des loyers lors des renégociations. De quelle manière voyez ces loyers évoluer ?
Dans les bureaux, les loyers des foncières sont redevenus en ligne avec les loyers du marché suite aux renégociations engagées depuis 5 ans. Nous ne voyons pas de reprise à court terme, uniquement une stabilisation des taux d’occupation et des loyers, mais nous n’en avons pas besoin pour avoir un objectif de performance élevé sur ce compartiment. Le rendement en dividende du secteur de 5% et le niveau historiquement élevé de la prime de risque avec l’OAT (360bp contre 130bp en moyenne historique) sont des éléments suffisants. Nous devrions ainsi avoir une reprise de la valeur des actifs avant une reprise des loyers qui interviendrait selon nous davantage en 2016.

Dans les centres commerciaux, les hausses de loyers de 15% à 20% observées en France lors des renouvellements devrait se poursuivre ce d’autant plus que les chiffres d’affaires des commerçants progressent favorablement.

Un second risque évoqué par certain concerne une vive remontée des taux d’intérêt réels ?
Une hausse des taux à 4% nous ferait revenir à la prime de risque historique, sans oublier que l’on peut espérer une reprise de la croissance dans un tel scénario.

Voyez-vous d’autres risques potentiels ?
Que le marché dans son ensemble ne soit plus différenciant et que l’on ait une baisse du taux de capitalisation sur l’ensemble des classes d’actifs. Nous n’en sommes pas là.

Nous pouvons également citer un risque d’amoindrissement des revenus par la hausse du taux de vacances et un risque de baisse des loyers, mais le niveau actuel de livraison écarte ce risque tout au moins à court moyen terme.


Qu’en est-il de votre stratégie d’investissement ?
Les foncières françaises représentent plus de la moitié de notre portefeuille ce qui n’est pas étonnant si l’on garde à l’esprit qu’elles constituent plus de 50% du secteur des foncières européennes.
En France, nous nous sommes renforcés sur Mercialys, Altaréa, et Argan dans la logistique. Ces trois sociétés ont une valorisation en retard par rapport au secteur tant en multiple qu’en ANR pour un profil de croissance robuste.
Nos deux lignes les plus importantes du portefeuille sont Foncière des régions et Icade malgré les fortes hausses depuis le début d’année. En raison de la valorisation, nous sommes faiblement exposés à Gecina qui ne représente qu’1% du portefeuille.

Vos mouvements sont principalement guidés par la valorisation des titres ?

Nous sommes sensibles au management, au risque immobilier/bilanciels et à la valorisation. En dehors de cas d’école, le management et les caractéristiques intrinsèques des marchés de l’immobilier bougent peu. Le marché français des bureaux est le meilleur de la zone euro en termes de profil de risque. Par conséquent, la valorisation est un élément clé de nos mouvements d’achats/ventes.

Quel est le potentiel de revalorisation des titres que vous détenez ?

Nous avons un objectif de performance à trois ans sur le secteur de 10% par an. Cette performance à l’instar de l’historique de performance du secteur repose principalement sur un rendement de plus de 5%, d’une option de convergence via la réduction de la prime de risque de l’ordre de 2 à 3% par an, d’une croissance des cash flows de 1% à 2% et d’un potentiel de surperformance de l’ordre de 3%.
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