* Première visite d'un chef de la diplomatie française depuis au moins dix ans

* Paris réclame des élections libres début 2015

* La commissaire européenne Kristalina Georgieva pousse un cri d'alarme (Actualisé avec nouvelles déclarations)

par John Irish et Paul-Marin Ngoupana

BANGUI, 13 octobre (Reuters) - Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a annoncé dimanche l'envoi de troupes françaises supplémentaires en Centrafrique d'ici la fin de l'année, assurant que Paris n'abandonnerait pas ce pays plongé dans le chaos depuis mars dernier.

Depuis que les rebelles de la Séléka ont chassé du pouvoir le président François Bozizé, dernier acte d'une histoire politique récente marquée par une série de coups d'Etat, la RCA s'enfonce chaque jour un peu plus dans la crise.

Soulignant un risque de "somalisation", Paris s'efforce depuis plusieurs mois de convaincre la communauté internationale de se pencher sur la crise centrafricaine.

Une résolution proposée par la France a été adoptée à l'unanimité cette semaine par le Conseil de sécurité de l'Onu. Le texte soutient le renforcement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) et prévoit l'éventuel déploiement de casques bleus dans le cadre d'une mission de l'Onu.

A l'heure actuelle, 410 soldats français sécurisent l'aéroport et patrouillent la capitale, a déclaré Laurent Fabius lors d'une conférence de presse à Bangui.

"Au fur et à mesure des résolutions des Nations unies, nous allons donner un coup de pouce, surtout dans le domaine logistique, et nous allons augmenter un peu dans un premier temps avant de restabiliser, ce sera fait d'ici la fin de l'année", a-t-il dit, sans préciser l'ampleur du renfort.

"S'il y avait par malheur une augmentation des exactions, évidemment la réaction serait beaucoup plus forte et rapide", a-t-il prévenu. "Nous n'allons pas vous abandonner."

Des sources diplomatiques françaises avaient indiqué récemment que Paris pourrait faire passer son contingent à 750 soldats dans le cadre d'une opération de soutien à la Misca ou à 1.200 hommes dans le cadre d'une sécurisation rapide menée sous mandat de l'Onu.

"Rien n'a encore été décidé", a dit dimanche à Reuters une source diplomatique française.

S'exprimant devant les militaires français, Laurent Fabius a indiqué que la deuxième résolution de l'Onu, que Paris souhaite voir adopter en décembre, étendrait la mission de la France en RCA.

ELECTIONS LIBRES EN 2015

La France est intervenue en janvier au Mali pour chasser des groupes islamistes armés liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Prié de dire si une intervention militaire en RCA était envisageable, Laurent Fabius a répondu : "Pas au sens classique, il ne s'agit pas d'envoyer des parachutistes mais il faut une présence parce que l'Etat est désarçonné". Il a cité à ce propos l'absence d'équipements des gendarmes centrafricains.

"C'est tout ça qu'il faut reconstruire pour un pays qui est un des plus pauvres du monde et la France est dans son rôle de défenseur général", a-t-il ajouté.

En contrepartie, le chef de la diplomatie française a réclamé l'organisation d'élections libres début 2015 auxquelles les autorités de transition ne pourraient pas participer.

"Il a été exigé qu'il y ait des élections libres début 2015 auxquelles ces autorités (de transition) ne se représenteront pas", a dit Laurent Fabius qui s'est entretenu dans l'après-midi avec le président de transition Michel Djotodia.

"Il faut que la dissolution de la Séléka soit réelle. Concrètement, ça veut dire que M. Djotodia, ancien chef de la Séléka, dise 'je dissous la Séléka'", a-t-il ajouté. "On ne peut pas avoir des bandes armées à travers le pays."

Laurent Fabius avait été accueilli un peu plus tôt par une cinquantaine de personnes brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "France, débarrasse-nous de ces tortionnaires" ou "Merci à la France".

Présente aux côtés de Laurent Fabius, la commissaire européenne à l'Aide humanitaire, Kristalina Georgieva, a poussé un cri d'alarme face à une crise qui a déjà fait 440.000 déplacés et qui apporte chaque jour son lot d'exactions, de crimes et de viols.

"En un mot, la situation est désespérée. La particularité, c'est que la population entière est impactée par le conflit", a-t-elle dit.

Pour le porte-parole de la présidence centrafricaine, Guy Kodegue, la RCA est confrontée à "un problème de pauvreté et de misère."

"Ça ne coûte pas beaucoup comparé à ce que (la France) a dépensé pour chasser les islamistes du Mali", a-t-il dit. (Edité par Marine Pennetier et Guy Kerivel)