* Première visite d'un chef de la diplomatie française depuis au moins 10 ans

* Paris tenter d'attirer l'attention sur la RCA

* La commissaire européenne Kristalina Georgieva pousse un cri d'alarme

par John Irish et Paul-Marin Ngoupana

BANGUI, 13 octobre (Reuters) - Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius est arrivé à Bangui dimanche où il doit appeler la communauté internationale à agir face à la situation en Centrafrique, plongée dans le chaos depuis mars dernier.

Accueilli par une cinquantaine de personnes brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "France, débarrasse-nous de ces tortionnaires" ou "Merci à la France", le chef de la diplomatie française s'est rendu dans un hôpital de la capitale situé sous protection de l'armée française.

Il y a vu des enfants souffrant de tuberculose et de malnutrition, souvent contraints de partager un lit, et des mères hospitalisées depuis plusieurs mois, loin de leurs foyers et de leurs enfants.

"C'est un problème de pauvreté et de misère, il faut accompagner ça", estime le porte-parole de la présidence centrafricaine, Guy Kodegue. "Ça ne coûte pas beaucoup comparé à ce que (la France) a dépensé pour chasser les islamistes du Mali."

Laurent Fabius devait se rendre ensuite au Palais de la Renaissance, siège de la présidence, où il devait s'entretenir avec les autorités centrafricaines, avant de rejoindre l'ambassade de France en fin d'après-midi.

Présente à ses côtés, la commissaire européenne à l'Aide humanitaire Kristalina Georgieva a poussé un cri d'alarme face à une crise qui a déjà fait 440.000 déplacés et qui apporte chaque jour son lot d'exactions, crimes et viols.

"En un mot, la situation est désespérée. La particularité, c'est que la population entière est impactée par le conflit", a-t-elle dit.

"La priorité, c'est la sécurité, la sécurité, la sécurité", a-t-elle martelé. "Si on n'augmente pas rapidement les effectifs des forces de maintien de la paix pour endiguer le pillage, cela va devenir très difficile d'apporter une aide suffisante à la population."

Face à la dégradation de la situation, l'Union africaine envisage de déployer une force de paix de 3.600 hommes sous le nom de Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) incorporant la force régionale de quelque 2.120 soldats présente sur le terrain. La force Misca pourrait atteindre prochainement 2.570 soldats.

"La sécurité est assurée à Bangui ainsi que la route commerciale qui mène au Cameroun mais le reste, on ne contrôle pas", indique une source militaire centrafricaine. La gendarmerie a 2.500 hommes pour tout le pays, la police 1.500, ajoute-t-il. "Tout est une priorité."

RESOLUTION

Depuis que les rebelles de la Séléka ont chassé du pouvoir le président François Bozizé en mars, dernier acte d'une histoire politique récente marquée par une série de coups d'état, la RCA s'enfonce chaque jour un peu plus dans la crise.

Pointant un risque de "somalisation" de la situation, Paris s'efforce depuis plusieurs mois de convaincre la communauté internationale de se pencher sur la crise centrafricaine.

Jeudi soir, une résolution proposée par Paris a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'Onu. Le texte soutient le renforcement de la Misca et prévoit l'éventuel déploiement de casques bleus dans le cadre d'une mission de l'Onu.

Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a pour sa part un mois pour présenter au Conseil de sécurité des "options détaillées" pour un soutien international à la Misca.

La France, qui est intervenue en janvier au Mali pour chasser des groupes islamistes armés liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), cherche à éviter de s'impliquer directement une nouvelle fois dans une ancienne colonie.

"La France peut aider à trouver une solution et tout le monde l'acceptera mais on n'est pas en première ligne, ce n'est pas le Mali", a dit à Reuters une source diplomatique.

"Je ne vois pas comment un pays peut s'en sortir sans financement, sans armée et sans soutien de la communauté internationale", a-t-elle ajouté.

Un constat partagé par une source militaire centrafricaine qui appelle Paris à intervenir directement: "Nous aimerions bien voir l'armée française et une intervention. On voudrait plus de Français avec un mandat clair", dit-elle. "On attend beaucoup de la visite du ministre. La Fomac (Force militaire d'Afrique centrale), la Misca ce n'est pas ça, on ne les voit pas."

"La priorité, c'est la reprise de la coopération française, on a beaucoup de volonté mais pas les moyens", ajoute-t-elle. (Edité par Marine Pennetier et Henri-Pierre André)