Bruxelles (awp/afp) - La Commission européenne a de nouveau attaqué mercredi les montages fiscaux de géants américains du net, avec dans son viseur les pratiques d'Amazon au Luxembourg et celles d'Apple en Irlande.

L'exécutif européen a, d'une part, exigé d'Amazon qu'il rembourse 250 millions d'euros d'"avantages fiscaux indus" au Luxembourg et il a, d'autre part, attaqué en justice l'Irlande pour ne pas avoir récupéré auprès d'Apple 13 milliards d'euros d'arriérés d'impôts.

Ces deux annonces faites par la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, lors d'une conférence de presse à Bruxelles surviennent dans un contexte plus large de croisade contre les géants de la Silicon Valley de la part de l'exécutif européen, qui souhaite mieux les encadrer tant dans le domaine fiscal qu'en ce qui concerne les données privées des particuliers.

Accusée dans le passé par Washington de cibler plus particulièrement les entreprises américaines, Mme Vestager a revendiqué mercredi son impartialité: "Ce n'est pas une question de nationalité d'entreprise (...) Il n'y a pas de parti pris de ma part, peu m'importe le drapeau national" d'une compagnie.

Pour Amazon, dont le siège européen se trouve au Luxembourg, la Commission européenne clôt par cette décision une enquête approfondie --ouverte il y a presque trois ans jour pour jour-- sur un accord fiscal entre l'entreprise et le Grand-duché, passé en 2003 et reconduit en 2011.

"Grâce aux avantages fiscaux illégaux accordés par le Luxembourg à Amazon, près de trois quarts des bénéfices d'Amazon n'étaient pas imposés. En d'autres termes, Amazon a pu payer quatre fois moins d'impôts que d'autres sociétés locales soumises aux mêmes règles fiscales nationales", a déclaré Mme Vestager.

Amazon a aussitôt contesté cette décision, estimant n'avoir "reçu aucun traitement spécial de la part du Luxembourg".

"Nous avons payé nos impôts en totale conformité à la fois avec les règles fiscales internationales et luxembourgeoises", a affirmé le groupe. "Nous allons étudier la décision de la Commission et considérer toutes les options légales, y compris un appel."

"Amazon a été imposée en conformité avec les règles fiscales en vigueur à l'époque des faits", a pour sa part réagi le Luxembourg, qui dit vouloir maintenant "analyser la décision de la Commission".

Au moment de l'accord passé entre le Grand-duché et Amazon, l'actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, était Premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg. Mme Vestager a précisé ne pas enquêter "sur des personnes", mais sur le "comportement d'États membres".

- 'Totalement inutile' -

Dans le cas d'Apple, la Commission européenne s'insurge contre l'Irlande, qui n'a toujours pas mis en oeuvre ce qu'elle lui a ordonné lors d'une décision rendue le 30 août 2016.

"Plus d'un an après (...) l'Irlande n'a toujours pas récupéré la somme, ne fût-ce qu'en partie. C'est pourquoi nous avons décidé aujourd'hui d'assigner l'Irlande devant la Cour de justice de l'UE pour non-exécution de notre décision", a déclaré Mme Vestager.

Cette annonce a "extrêmement déçu" Dublin. Le ministère des Finances irlandais a assuré dans un communiqué avoir fait "des progrès significatifs sur ce sujet complexe" et considère que la Commission européenne a pris une décision "totalement inutile".

Contacté par l'AFP, Apple n'a pas directement réagi à la décision prise mercredi, mais simplement répété qu'il coopérait avec l'Irlande et espérait au final avoir gain de cause devant la justice européenne.

Dans sa décision d'août 2016, la Commission européenne avait accusé Apple d'avoir "bénéficié d'avantages fiscaux indus" de la part de l'Irlande.

C'est en effet dans ce pays, que se trouve le siège européen de l'entreprise à la pomme, là où elle enregistre tous les bénéfices réalisés en Europe, ainsi qu'en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde.

L'Irlande et Apple avaient déjà fait appel de cette décision.

Amazon et Apple ne sont pas les seules grandes multinationales dans le collimateur de la Commission européenne pour avantages fiscaux indus.

En octobre 2015, l'exécutif européen avait exigé de Starbucks et Fiat le remboursement des aides reçues "illégalement" respectivement par les Pays-Bas et le Luxembourg. Comme l'Irlande, ces deux pays ont fait appel de la décision de la Commission.

Vendredi dernier, lors d'un sommet européen à Tallinn, M. Juncker, président de la Commission, avait indiqué que l'exécutif européen proposerait de nouvelles règles pour mieux taxer dans l'UE les géants du numérique malgré la résistance de certains États membres.

afp/rp