Fin 2009, le groupe de médias avait pourtant été blanchi dans une autre procédure, administrative celle-là, menée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Les deux juges d'instruction qui mènent parallèlement l'enquête pénale ont eu une autre appréciation.

Le groupe de médias, qui a lui-même rendu publique l'information vendredi soir, assure dans un communiqué que les juges Serge Tournaire et Xavier Blanc lui ont précisé "ne détenir aucune preuve à son encontre". Une mise en examen suppose toutefois juridiquement l'existence d'indices "graves et concordants".

"Lagardère SCA est pleinement confiante sur le fait que cette procédure se conclura, comme les précédentes, par sa mise hors de cause", fait valoir la société qui détient à ce jour 7,5% dans EADS.

L'enquête porte sur plusieurs personnes physiques et morales soupçonnées d'avoir tiré profit d'informations privilégiées avant l'annonce de retards du programme du très gros porteur A380 en 2006, afin, soit d'exercer des stock-options, soit de se désengager.

Lagardère et DaimlerChrysler, principaux actionnaires privés d'EADS, ont cédé chacun 7,5% du capital du groupe le 4 avril 2006.

Ces sociétés ont toujours affirmé que ces mouvements étaient prévus de longue date et n'avaient pas de rapport avec les problèmes de l'A380.

AU MOINS SEPT PERSONNES POURSUIVIES

Au moins sept personnes physiques sont par ailleurs mises en examen dans cette procédure judiciaire ouverte en 2008.

Une première vague de poursuites avait d'abord été notifiée à Noël Forgeard, ancien coprésident exécutif d'EADS, l'ex-directeur général délégué du groupe Jean-Paul Gut, l'ancien président d'Airbus l'Allemand Gustav Humbert, l'ancien vice-président d'Airbus Olivier Andriès et l'ex-directeur financier allemand d'Airbus Andreas Sperl.

Plus récemment, l'emblématique directeur commercial d'Airbus John Leahy a aussi été mis en examen tandis que plusieurs autres dirigeants étaient entendus en qualité de témoins assistés.

Ayant également personnellement cédé des titres, Arnaud Lagardère, gérant commandité de Lagardère, a été entendu par la police financière mais il n'a pas été poursuivi.

Dans un rapport, l'AMF avait établi qu'au total, 17 des 21 membres des comités exécutifs d'Airbus et EADS avaient cédé entre le 19 juillet 2005 et le 13 juin 2006 plus de 1,7 million de titres au total, réalisant une plus-value brute totale de 20 millions d'euros.

Les retards de production sur l'A380 n'avaient été annoncés officiellement que le 13 juin 2006, provoquant le lendemain une chute de 25% de l'action EADS en Bourse.

Fin 2009, la commission des sanctions du gendarme de la Bourse avait toutefois mis hors de cause l'ensemble des parties concernées. Elle avait estimé que la connaissance par les suspects de retards dans le programme de l'A380 "ne constituait pas une information privilégiée".

La mise hors de cause de l'AMF n'engage cependant pas les juges d'instruction pénaux, susceptibles d'organiser un procès en correctionnelle.

Compte tenu des délais incompressibles dans les procédures pénales françaises, l'enquête peut encore durer des années et il est peu probable qu'un procès se tienne avant au moins deux ans.

Cyril Altmeyer et Thierry Lévêque, édité par Gwénaelle Barzic