Le ministre français de l'Economie Pierre Moscovici a estimé lundi matin que l'ancienne patronne du groupe nucléaire Areva possédait "toutes les qualités" pour jouer un rôle au conseil du conseil d'EADS, maison-mère d'Airbus.

Dimanche, les services du Premier ministre Jean-Marc Ayrault avaient confirmé à Reuters que le gouvernement était effectivement "très favorable" à la nomination d'Anne Lauvergeon à la présidence du conseil d'EADS.

Elle succèderait ainsi à Arnaud Lagardère, dont le groupe de médias éponyme compte sortir du capital d'EADS, tout comme l'autre actionnaire industriel de référence, le constructeur automobile allemand Daimler.

La nouvelle organisation, fruit de plusieurs semaines d'intenses négociations après l'échec du projet de fusion avec le britannique BAE Systems, répond en grande partie à la volonté du président exécutif d'EADS, Tom Enders, de faire d'EADS une entreprise "normale".

"C'est une affaire politique. On peut considérer qu'il y a une certaine interférence de l'Etat donc ce n'est pas nécessairement en ligne avec ce qu'on pouvait attendre de la nouvelle structure de gouvernance", souligne Christophe Ménard, analyste chez Kepler Securities.

"Tout dépend comment Tom Enders parvient à manoeuvrer. La messe n'est pas nécessairement dite".

L'action EADS gagnait 1,16% à 35,19 euros vers 12h20 lundi, alors que le CAC 40 restait stable.

LAUVERGEON ET TRICHET EN POLE POSITION

Le nouveau conseil d'administration et l'accord sur la réorganisation du capital conclu le 5 décembre seront soumis aux voix des actionnaires lors d'une assemblée générale extraordinaire qui devrait se tenir en mars.

La direction d'EADS aura ensuite les coudées franches pour présenter dans les mois qui suivront un nouveau plan stratégique, chargé de succéder au plan Vision 2020, qui a tenté en vain de rééquilibrer les activités civiles et militaires d'EADS et diminuer le poids d'Airbus dans ses résultats.

En vertu de cette vaste réorganisation de l'actionnariat, l'Etat français a accepté de réduire sa participation de 15% à 12%, tandis que l'Allemagne fait pour la première fois son entrée au capital d'EADS avec 12% également.

Les deux pays ont également accepté de renoncer à toute prérogative sur la nomination des administrateurs, le choix final revenant à Tom Enders.

Le ministère de l'Economie a annoncé dimanche soir qu'outre Anne Lauvergeon, EADS lui demandait d'approuver la nomination de l'ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet et du général Bernard Thorette, ancien chef d'état major de l'armée de terre françaises.

Ces trois candidats seront membres du conseil de la holding de défense française où seront logés les actifs militaires stratégiques du pays - l'Allemagne en possèdera une aussi - conformément à l'accord conclu début décembre.

Anne Lauvergeon et Jean-Claude Trichet siègeraient en outre au conseil d'administration de 12 membres d'EADS.

"Elle (Anne Lauvergeon) sera chez EADS, déjà comme membre du conseil d'administration, ça c'est une affaire entendue puisque l'Etat peut nommer deux personnes, il a choisi de nommer à la fois Anne Lauvergeon et Jean-Claude Trichet", a déclaré Pierre Moscovici sur France Info.

"Mais en même temps respectons les structures de gouvernance, comme on dit, de l'entreprise (...). Mais il me semble qu'en effet elle a toutes qualités pour jouer un rôle majeur, son énergie, ses compétences industrielles, chez EADS."

En réponse une question, la ministre de l'Ecologie Delphine Batho a estimé de son côté lundi lors d'une conférence de presse de voeux qu'une nomination d'Anne Lauvergeon à la tête du conseil d'EADS serait conciliable avec son rôle au sein du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique.

Quant à Philippe Camus, président du conseil d'administration de l'équipementier télécoms Alcatel-Lucent, dont le nom a également circulé pour intégrer le conseil d'administration d'EADS, Pierre Moscovici a déclaré qu'il "a beaucoup à faire chez Alcatel."

"C'est une entreprise qui n'est pas dans une situation toujours facile et qui représente des intérêts économiques importants", a-t-il ajouté.

Son nom circulait depuis quelque temps, comme ceux de Jean-Louis Beffa, ex-patron du groupe de matériaux de construction Saint-Gobain, Bernard Attali, ancien PDG d'Air France et Denis Ranque, ex-PDG de l'équipementier pour l'aéronautique et la défense Thales.

Le Journal du Dimanche, propriété du groupe Lagardère, a fait fuiter une liste de quatre noms - Anne Lauvergeon, Jean-Claude Trichet, Jean-Louis Beffa et Bernard Attali - dressée selon cet hebdomadaire par le gouvernement français.

Avec Gilles Guillaume et Benjamin Mallet, édité par Jean-Michel Bélot

par Cyril Altmeyer et Tim Hepher