Le PDG du groupe franco-néerlandais Alexandre de Juniac s'est dit "offensé" et "découragé" de ne pas avoir été davantage associé aux discussions concernant l'avenir d'Alitalia, dont il est le premier actionnaire.

Air France-KLM a voté à la mi-octobre en faveur d'une augmentation de capital de 300 millions d'euros pour sortir la compagnie italienne de l'ornière, mais a jusqu'à la mi-novembre pour décider d'y participer ou pas.

"Nous envisagerons d'y participer si les conditions sont satisfaites. Si elles ne sont pas remplies, nous n'envisagerons pas de participation", a dit Alexandre de Juniac lors d'une conférence de presse consacrée aux résultats trimestriels d'AF-KLM.

Le groupe a dû repousser jeudi plusieurs objectifs clés face aux difficultés persistantes du moyen-courrier et du fret, dans une conjoncture morose à laquelle s'ajoute la volatilité des cours du pétrole et des devises.

Alexandre de Juniac a de nouveau plaidé pour une restructuration financière en profondeur d'Alitalia, dont Air France-KLM, a-t-il dit, reste un partenaire "loyal et sérieux".

"On n'est pas là pour mettre de l'argent dans une société qui ne peut pas tenir à long terme. Il faut un plan propre, carré, qui tient la route", a-t-il dit à des journalistes à l'issue de la conférence de presse.

"Ce n'est pas une punition pour les Italiens ou un mauvais traitement, je pense que c'est bon pour les Italiens de faire cela."

INQUIÉTUDES ITALIENNES

En Italie, la presse s'est largement fait l'écho d'inquiétudes concernant les intentions d'Air France-KLM, cinq ans après une tentative de rachat d'Alitalia bloquée par le président du Conseil de l'époque, Silvio Berlusconi.

"L'avenir de tout le secteur du transport aérien italien est en jeu, pas seulement l'avenir d'Alitalia", a souligné le porte-parole du syndicat italien Filt Cgil.

"C'est une question qui concerne le gouvernement italien, les syndicats et Alitalia et qui ne devrait pas être décider au conseil d'administration d'une grande entreprise française."

Les craintes se sont notamment cristallisées sur l'avenir du "hub" de Rome aux côtés de ceux de Paris et d'Amsterdam en cas de mariage à trois et sur le réseau d'Alitalia dans le long-courrier, segment le plus lucratif du transport aérien.

Alexandre de Juniac a dit souhaiter une réduction du réseau moyen-courrier et une stabilisation du long-courrier.

"Je ne vois pas l'intérêt de détruire une compagnie italienne, ni de transformer Alitalia en compagnie régionale dans un secteur court et moyen-courrier difficile", a-t-il souligné.

"Il faut miser sur Rome", a-t-il ajouté, indiquant que ce "hub" fonctionnait bien, contrairement à celui de Milan, trop proche de l'Allemagne et de la Suisse.

Si Air France-KLM ne contribue pas à l'augmentation de capital d'Alitalia, sa participation sera diluée aux environs de 10%. Prié de dire si AF-KLM pourrait racheter des actions Alitalia auprès d'autres actionnaires, Alexandre de Juniac a répondu : "Tout est possible."

De l'avis d'un banquier parisien, Air France-KLM fait le pari qu'il n'y aura pas vraiment d'autre candidat pour reprendre Alitalia.

"S'ils n'obtiennent pas les garanties sur la restructuration à mener, Air France-KLM aurait tout intérêt à se laisser diluer maintenant, quitte à revenir plus tard sur Alitalia", a estimé ce banquier.

"Ce sera peut-être plus cher mais ce sera plus sûr."

Air France-KLM a enregistré dans ses comptes du troisième trimestre une perte de valeur de 119 millions d'euros de ses actions Alitalia.

Le groupe a contribué en février à hauteur de 23,8 millions d'euros à un prêt d'actionnaires convertible d'un total de 95 millions d'euros entériné par le conseil d'administration d'Alitalia.

Avec Matthieu Protard et Isla Binnie, édité par Dominique Rodriguez

par Cyril Altmeyer