L'occasion a fait le larron. Le milliardaire californien Ronald Burkle a mis la main sur 4,3 millions d'actions American Apparel pour moins de 6 millions de dollars (à 1,4 dollar l'action, contre 7 dollars il y a deux ans), ce qui lui permet de détenir 5,9% du capital.

Il devient le deuxième plus important actionnaire individuel de la chaine de boutiques de vêtements américaine, derrière son président-fondateur, Dov Charney.

American Apparel, connue pour ses vêtements simples et colorés, et ses publicités osées, l'est aussi pour son modèle économique « éthique » : les vêtements sont fabriqués à Los Angeles et ses salariés sont payés deux fois le salaire minimum, ce qui leur garantit une couverture sociale.

Mais une érosion des ventes (baisse de 3% aux Etats-Unis, de 15% au Canada et de 16% dans le reste du monde depuis le début de l'année) et une expansion trop rapide (280 magasins dans le monde, dont 80 ouverts rien qu'en 2008) sont passées par là.

Au premier trimestre 2010, la marque a enregistré 17,6 millions de dollars de pertes (contre 3,9 millions au premier trimestre 2009). Du coup, American Apparel, endettée à hauteur de 91 millions, ne peut plus rembourser ses emprunts et est même menacée de dépôt de bilan, si d'aventure les banques décidaient de ne plus être conciliantes.

Mais ce n'est pas tout. L'entreprise, suite à un contrôle, a dû licencier 1 500 salariés en raison de leur situation irrégulière outre-Atlantique. On allait oublier : American Apparel est également sous le coup d'une plainte pour discrimination sur critères physiques. La chaine recruterait ses vendeurs sur le seul critère de la beauté, ce qui est interdit par la loi. « Votre apparence définit votre statut et le montant de votre salaire », confie un employé.

C'est dans ce joyeux contexte que Ronald Burkle a choisi de faire confiance à American Apparel. L'ensemble des analystes considèrent en fait que, vu le prix payé, il a fait une bonne affaire. « Pour un investisseur ayant le goût du risque, c'était une occasion trop belle », souligne ainsi Howard Davidowitz, patron du cabinet de consulting éponyme.

Connu pour avoir fait fortune en achetant et revendant des chaines de supermarchés, Ronald Burkle a souvent fait des paris considérés comme osés mais qui se sont révélés payants. « Je pense que des investisseurs expérimentés comme M. Burkle sont capables de voir au-delà des bosses du court terme sur la route et d'apprécier la singularité d'American Apparel », s'est d'ailleurs réjoui un porte-parole de la chaine de vêtements.