Les deux équipementiers aéronautiques affirment que peu de leurs produits sont similaires mais les opposants à ce rapprochement de 30 milliards de dollars (25,2 milliards d'euros) pourraient arguer du fait que leur production cumulée leur confère une part de marché excessive.

Boeing a annoncé mardi qu'il étudierait de près le projet. "Jusqu'à ce que nous obtenions plus de détails, nous doutons que ce soit dans le meilleur intérêt de - ou que cela ajoute de la valeur pour - nos clients et le secteur", a-t-il déclaré dans un communiqué.

L'entité issue de la fusion pourrait construire, en valeur, plus de la moitié des équipements d'un Boeing 787, relève Kevin Michaels, président du consultant AeroDynamic Advisory, évoquant des composants comme les systèmes de contrôle de vol et la climatisation. Il ajoute que, du point de vue de la concurrence, l'opération devrait passer sans peine car, sur le papier, les produits des deux groupes sont différents.

Le titre Rockwell a clôturé en hausse de 0,3% à 131 dollars mardi à la Bourse de New York, tandis qu'United Tech a lâché 5,7% à 111,21 dollars, en raison notamment de la réaction de Boeing.

En coulisses, Airbus se prépare semble-t-il à faire monter la pression. Une source proche du constructeur européen a déclaré à Reuters qu'il y avait des interrogations quant à une "déconnexion" entre United Tech et la position dominante de son motoriste Pratt & Whitney.

Une autre source chez l'avionneur a évoqué le fait que les nouvelles priorités induites par la procédure de fusion pourraient profiter au principal concurrent de Pratt & Whitney, à savoir CFM International, coentreprise de l'américain General Electric et du français Safran.

Les problèmes rencontrés par Pratt & Whitney se sont traduits par des retards de livraison d'avions en Europe et Airbus a publiquement enjoint United Tech de livrer ses moteurs dans les temps.

Si Boeing ou Airbus choisissent de saisir les autorités de la concurrence, ils peuvent s'adresser à la Commission européenne et soit au département de la Justice américain soit à la Commission fédérale du commerce (FTC).

"Beaucoup pensaient que ce ne serait qu'une simple formalité en raison des moindres redondances mais l'enquête de l'Union européenne pourrait s'avérer difficile, simplement en raison de la taille du nouveau groupe", explique Nick Cunningham, analyste chez Agency Partners.

Boeing pourrait également s'inquiéter de l'"effet de portefeuille", caractérisant l'influence que peuvent exercer des entreprises du fait qu'elles vendent une large gamme de produits spécialisés à certains clients.

C'était l'argument qui avait été utilisé pour faire capoter le projet de rachat de Honeywell par General Electric, encore que l'échec ait été davantage imputable aux régulateurs européens qu'à leurs homologues américains.

Boeing ou toute autre société concernée pourraient aussi plaider une déperdition de concurrence du fait de la fusion. Ce serait le cas si les autorités prouvaient qu'United Tech ou Rockwell projetaient de se développer afin de se concurrencer l'un l'autre, explique l'avocat James Tierney, ex-expert du département de la Justice américain.

Les autorités de la concurrence pourraient également tiquer face à la diminution du nombre d'intervenants dans le secteur s'il ne restait plus que quelques sociétés, parmi lesquelles United Tech et Rockwell, auxquelles Boeing ou Airbus pourraient faire appel en cas de problèmes techniques, ajoute James Tierney.

Et ce point prendrait d'autant plus d'importance si le département de la Défense le jugeait fondé, dit-il.

Le département de la Justice et la FTC étudient tous les deux les projets de fusion pour s'assurer qu'ils respectent le droit de la concurrence. On ignore pour l'instant lequel de ces deux organismes sera chargé du dossier, précisent des experts.

(Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat et Marc Joanny)

par Tim Hepher, Alwyn Scott et Diane Bartz