WASHINGTON, 13 février (Reuters) - Le Sénat américain, où les démocrates disposent d'une étroite majorité, a adopté mardi un programme d'aide de 95,34 milliards de dollars (88,43 milliards d'euros) en faveur de l'Ukraine, d'Israël et de Taïwan, mais ce projet de loi risque d'être rejeté à la Chambre des représentants, à majorité républicaine.

Le vote s'est conclu par 70 voix en faveur et 29 contre le texte, dépassant le seuil des 60 voix nécessaires pour son adoption. Vingt-deux républicains se sont joints à la plupart des démocrates pour soutenir le projet de loi.

"Cela fait certainement des années, voire des décennies, que le Sénat n'a pas adopté un projet de loi ayant un impact aussi important non seulement sur notre sécurité nationale, non seulement sur la sécurité de nos alliés, mais aussi sur la sécurité de la démocratie occidentale", a déclaré le chef de la majorité sénatoriale, Chuck Schumer.

Le vote du Sénat a eu lieu avant le lever du soleil, après que huit républicains opposants à l'aide à l'Ukraine ont tenu un marathon de discours, occupant la Chambre des représentants pendant plus de six heures.

Le président ukrainien, Volodimir Zelensky, a rapidement salué l'adoption du projet de loi.

"L'aide américaine rapproche une juste paix en Ukraine et rétablit la stabilité mondiale, ce qui se traduit par une sécurité et une prospérité accrues pour tous les Américains et le monde libre", a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter).

Le président démocrate, Joe Biden, exhorte depuis des mois le Congrès à accélérer l'octroi de ces aides. Les deux chambres doivent approuver le projet de loi avant que le président ne puisse le signer.

UN CHEMIN SEMÉ D'EMBÛCHES

Le programme prévoit 61 milliards de dollars pour l'Ukraine, 14 milliards de dollars pour Israël dans sa guerre contre le Hamas et 4,83 milliards de dollars pour soutenir les partenaires de la région indo-pacifique, y compris Taïwan, et dissuader les agressions de la Chine.

Le budget prévoit également 9,15 milliards de dollars d'aide humanitaire pour les civils de Gaza et de Cisjordanie, d'Ukraine et d'autres zones de conflit dans le monde.

Mais la semaine dernière, les républicains du Sénat ont bloqué un projet de loi qui aurait associé l'aide à l'Ukraine et à d'autres alliés aux changements les plus radicaux de la politique frontalière depuis des décennies. Donald Trump, favori pour l'investiture républicaine à la présidence, avait vivement critiqué ce projet de loi.

Donald Trump espère utiliser la question de la frontière pour détrôner Joe Biden lors des élections de novembre. Critiquant le projet de loi sur l'aide à l'étranger, l'ancien président a estimé sur les réseaux sociaux que l'aide aux alliés des Etats-Unis devrait plutôt prendre la forme de prêts.

Les républicains exigent que le projet d'aide prévoie des restrictions aux frontières, sans quoi les élus ne l'adopteraient pas.

"En l'absence de tout changement de politique frontalière de la part du Sénat, la Chambre des représentants devra continuer à travailler selon sa propre volonté sur ces questions importantes", a déclaré le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, dans un communiqué publié lundi en fin de journée.

Il estime qu'il manquait de dispositions conservatrices visant à endiguer le flux record de migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Il avait suggéré par le passé que la Chambre pourrait diviser la législation en plusieurs projets de loi distincts.

"Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui (...) ne sera jamais adopté par la Chambre des représentants et ne deviendra jamais une loi", a déclaré le sénateur républicain de Floride, Rick Scott, lors d'un discours prononcé tôt dans la matinée. (Reportage David Morgan ; avec la contribution de Yuliia Dysa à Gdansk, Richard Cowan, Patricia Zengerle et Makini Brice à Washington ; version française Gaëlle Sheehan, édité par Zhifan Liu et Kate Entringer)