Tesla fait couler beaucoup d'encre depuis plusieurs années et suscite toujours autant de controverses. Le dossier passe chroniquement du statut de nouvelle star de l'automobile à celui de vaste fumisterie. Depuis plusieurs mois, après une énième période de doute dont le paroxysme a été atteint au début de l'été 2019, c'est à nouveau l'emballement. Et quel emballement puisque l'entreprise a successivement dépassé, en valeur boursière, la totalité des autres constructeurs automobiles cotés de la planète, à l'exception de Toyota, dernier bastion du vieux monde automobile. Voilà à quoi ressemblait le palmarès des capitalisations (converties en euros) au soir du 11 juin 2020 :

Capitalisations du secteur automobile mi-juin 2020

On constate ainsi que Tesla pèse désormais deux fois plus que le numéro trois du secteur, Volkswagen, et immensément plus que les constructeurs français, qui ferment la marche même s'ils vendent beaucoup plus de véhicules.

Dans un second graphique, nous avons divisé la capitalisation de chaque constructeur par le nombre de véhicules vendus l'année dernière. Nous avons autant que possible conservé uniquement les ventes de véhicules particuliers et des utilitaires. Les divisions poids-lourds ont été sorties des totaux. En outre, les ventes s'entendent filiale intégrées comprises (Renault intègre par exemple les immatriculations de Dacia, BMW celles de Mini, etc.).

Capitalisation divisée par véhicule vendu

A ce petit exercice, c'est Ferrari qui gagne haut la main (2 816 672 EUR), mais ce n'est pas anormal car le groupe est davantage un acteur du luxe que de l'automobile. Tesla arrive à la seconde place (454 736 EUR), très loin devant Toyota (17 462 EUR). Pour la lisibilité du graphique, l'échelle a été tronquée pour Ferrari et Tesla. Renault, avec 1845 EUR de capitalisation par véhicule vendu, est tout en bas de l'échelle.

Les écarts sont déjà colossaux entre Renault et Toyota chez les constructeurs généralistes. Globalement, il existe trois grands blocs "capitalistiques" :

L'exercice ne vaudrait pas grand-chose sans ajouter la variable croissance. Nonobstant la situation financière de chacun des constructeurs, ce sont les perspectives qui sont importantes. Le dernier tableau présente les taux de croissance de chacun des groupes à l'horizon 2022, sur la base des données S&P Capital IQ que possède Zonebourse. En réalité, il faudrait des prévisions plus lointaines (à 5 ans par exemple) pour être vraiment capable de déterminer si Renault vaut 247,5 fois moins que Tesla sur la base du niveau de capitalisation par véhicule vendu.

Croissance anticipée du CA des constructeurs automobiles d'ici 2022

Le tableau montre que Tesla est sans conteste le constructeur automobile qui affiche les plus belles perspectives de croissance. C'est aussi celui, Ferrari mis à part, qui part de la base la plus faible avec 367 656 véhicules vendus l'année dernière, contre par exemple 10,7 millions aux marques du groupe Volkswagen. La valorisation dont jouit Tesla repose sur une combinaison de facteurs subjectifs mais non dénués d'importance, comme la désirabilité de la marque, la rupture technologique que constitue le véhicule électrique ou le fait que l'entreprise soit apparentée à une valeur technologique (valorisation exotique, importance du logiciel dans le processus, Californie, stockage d'énergie, image fantasque mais d'entrepreneur de Musk…), plus qu'à une industrielle poussiéreuse. Elle s'appuie aussi sur des éléments plus tangibles, comme la trajectoire de croissance. Il ne reste plus qu'à se donner rendez-vous dans quelques années pour voir si le trublion s'est taillé la part du lion du marché automobile, une industrie très exigeante, ou s'il est entré dans le rang.