* Près de 90 corps trouvés en cinq jours dans le pays

* Soldats français impliqués dans des affrontements

* La présidente veut discuter avec les groupes armés (Actualisé avec sept morts signalés par Human Rights Watch et autres incidents)

par Emmanuel Braun

BANGUI, 22 janvier (Reuters) - De nouveaux affrontements interreligieux ont fait mercredi sept morts à Bangui, rapporte Human Rights Watch (HRW).

La Croix-Rouge a pour sa part annoncé la découverte cette semaine dans la capitale centrafricaine de onze corps, la plupart carbonisés, victimes des affrontements entre les ex-rebelles de la Séléka, en majorité musulmans, et les miliciens chrétiens "anti-balaka".

De source militaire française, on dit par ailleurs que des soldats de la mission "Sangaris" ont été engagés dans des affrontements à Bangui dans la nuit de mardi à mercredi, après avoir été attaqués par des hommes non identifiés.

La poursuite des attaques et des représailles meurtrières entre communautés illustre l'ampleur du défi auquel est confrontée la nouvelle présidente par intérim, Catherine Samba-Panza, élue lundi avec la volonté de briser la spirale de violences ethniques et religieuses dans laquelle la Centrafrique est plongée.

Les violences de mercredi ont éclaté lorsque des ex-Séléka sont sortis d'une caserne à la recherche de nourriture et ont abattu deux chrétiens, rapporte HRW.

En représailles, "les jeunes du quartier sont allés à la prison et ont sorti cinq prisonniers Séléka et les ont tués", a déclaré Peter Bouckaert, un représentant de HRW à Bangui, à Reuters.

Les 11 cadavres mentionnés par la Croix-Rouge ont pour leur part été "jetés à la rue derrière le camp militaire" du quartier PK11, surtout habité par des musulmans dans le nord de la capitale, a dit Antoine Mbao Bogo.

Ce dernier, président de la Croix-Rouge centrafricaine, a précisé à Reuters que neuf de ces onze corps avaient été brûlés. Ces cinq derniers jours, la Croix-Rouge a trouvé 87 corps à travers le pays, a-t-il ajouté.

Selon un témoin, une foule de chrétiens armés de machettes et de bâtons s'est rassemblée mercredi dans le quartier de Ngaragba, près de l'ambassade de France, pour dénoncer la poursuite des attaques de la Séléka.

CONTINGENT EUROPÉEN

Les manifestants ont mis le feu à des pneus alors que les soldats français tentaient de les contenir.

Profitant de ces désordres, trois détenus se sont évadés de la prison centrale de Bangui.

Peter Bouckaert dit pour sa part avoir vu mercredi des centaines de chrétiens attaquer et saccager le quartier PK13, majoritairement musulman. Des soldats rwandais de maintien de la paix, récemment arrivés dans le pays, ont dû intervenir pour protéger une trentaine de civils musulmans encerclés par la foule jusqu'à leur évacuation par des militaires français.

Catherine Samba-Panza, qui doit prêter serment jeudi, a annoncé mardi qu'elle allait ouvrir le dialogue avec les représentants des groupes armés pour tenter de ramener le calme dans le pays, où les violences ont fait plus de 2.000 morts et un million de déplacés depuis début décembre.

Un représentant de la Séléka a apporté son soutien à la présidente, élue lundi par le Conseil national de transition (CNT). Dès lundi, les miliciens anti-balaka avaient salué avec joie l'élection de Catherine Samba-Panza en remplacement de Michel Djotodia, ancien chef de la Séléka forcé à la démission le 10 janvier à la suite de pressions internationales.

Environ 100.000 civils fuyant les combats ont trouvé refuge dans un camp proche de l'aéroport international de Bangui. Eux aussi ont bien accueilli l'élection à la présidence de Catherine Samba-Panza, maire de la capitale depuis mai 2013, mais craignent toujours des attaques s'ils cherchent à rentrer chez eux.

Le ravitaillement de ces réfugiés est perturbé par une grève des conducteurs des camions de l'Onu.

Lundi, l'Union européenne a décidé d'envoyer sur place un contingent d'environ 500 hommes, sa première opération militaire d'importance depuis six ans.

La France a déployé début décembre les quelque 1.600 soldats de l'opération "Sangaris", sans parvenir à mettre fin aux violences ethniques et religieuses qui déchirent le pays.

Les dirigeants européens espèrent obtenir jeudi un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies afin de pouvoir déployer les premiers soldats d'ici la fin février.

La force européenne sera basée dans les environs de Bangui et devrait rester sur place pendant six mois avant de passer le relais à la force de l'Union africaine. (Avec Marine Pennetier à Paris, Guy Kerivel et Bertrand Boucey pour le service français)