* Les négociateurs se retrouvent à Jérusalem sous l'égide des USA

* Israël libère des prisonniers palestiniens mais développe ses colonies

* Les USA s'emploient à éviter un échec rapide

par Dan Williams

JERUSALEM, 14 août (Reuters) - Les pourparlers de paix sur la création d'un Etat palestinien reprennent ce mercredi à Jérusalem dans un climat de scepticisme après les annonces israéliennes de construction de milliers de nouveaux logements dans des colonies juives de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Quelques heures avant la reprise de ces discussions après une première prise de contact fin juillet à Washington, Israël a libéré au cours de la nuit 26 prisonniers palestiniens sur les 104 que l'Etat hébreu s'est engagé à élargir conformément à une exigence du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Ces Palestiniens purgeant de longues peines pour des attaques contre des Israéliens ont été sortis de prison à bord de véhicules aux vitres teintées qui les ont rapidement amenés aux frontières de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Les 11 anciens prisonniers ramenés en Cisjordanie ont été accueillis par les chants et les larmes de centaines de proches agitant des drapeaux palestiniens dans le complexe présidentiel de Ramallah, où une grande scène avait été installée.

Mahmoud Abbas a embrassé chacun d'eux sur les deux joues et s'est joint à eux pour effectuer le V de la victoire sous les flashs des photographes.

"Nous nous félicitons et nous félicitons nos familles pour nos frères qui ont quitté l'obscurité des prisons pour le soleil lumineux de la liberté. Nous leur disons, à eux et à vous, que les autres vont suivre, qu'ils ne sont que les premiers", a lancé le président palestinien à la foule.

KERRY TÉLÉPHONE À NETANYAHU ET ABBAS

Dans la bande de Gaza, où sont arrivés les 15 autres anciens prisonniers après avoir franchi un barrage israélien, des Palestiniens ont tiré en l'air et allumé des feux d'artifice pour fêter leur libération.

"Je croyais ne jamais le revoir. Il n'y a pas de mots pour décrire ce que je ressens, toute la joie du monde est avec moi", a dit Adel Mesleh, dont le frère Salama a été condamné en 1993 à la prison à vie pour le meurtre d'un Israélien.

"Je suis heureux qu'il ait été libéré à la suite de négociations", a-t-il ajouté. "Les négociations, c'est bien."

La bande de Gaza, dont Israël s'est entièrement retiré en 2005, est gouvernée par les islamistes du Hamas, rivaux de Mahmoud Abbas qui refusent de reconnaître l'existence de l'Etat hébreu.

Ces libérations sont toutefois loin de contrebalancer totalement l'effet produit par les annonces successives ces derniers jours de la construction d'environ 3.100 nouveaux logements pour colons juifs dans des secteurs que les Palestiniens revendiquent pour un futur Etat.

La poursuite de la colonisation de la Cisjordanie a entraîné en 2010 l'échec rapide des dernières négociations de paix directes entre Israéliens et Palestiniens.

Soucieux d'éviter une répétition de ce scénario, John Kerry a pris la peine mardi de téléphoner aux dirigeants des deux camps en marge de sa première visite en Amérique du Sud en tant que secrétaire d'Etat américain.

Du Brésil, John Kerry dit avoir eu une "discussion très franche et ouverte, directe au sujet des colonies" avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"DES RÉALITÉS À PRENDRE EN COMPTE"

Il s'est également dit certain que Mahmoud Abbas "continuait de vouloir venir à cette négociation", que le secrétaire d'Etat américain a arraché aux Israéliens et aux Palestiniens à l'issue d'une intense navette diplomatique.

John Kerry a toutefois semblé se résigner à ce qu'Israël continue de développer les colonies qu'il compte conserver dans le cadre d'un éventuel accord de paix.

"Nous continuons de penser que ce serait mieux de ne pas le faire", a-t-il dit. "Mais il y a des réalités dans la vie d'Israël qu'il faut prendre en compte."

Les partisans de la colonisation sont influents au sein de la coalition de Benjamin Netanyahu, qui a mécontenté certains de ses partisans en libérant des Palestiniens auteurs de violences anti-israéliennes.

John Kerry a donné neuf mois aux Israéliens et aux Palestiniens pour parvenir à un accord sur des questions aussi épineuses que le tracé des frontières, le statut de Jérusalem ou le sort des réfugiés palestiniens.

Des discussions sont prévues à intervalles réguliers. Après Jérusalem, les négociateurs devraient se retrouver à Jéricho, en Cisjordanie.

"Nous nous sommes donné neuf mois au cours desquels nous allons essayer de parvenir à quelque chose avec les Palestiniens", a déclaré mardi le ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon.

"C'est ce que nous essayons depuis 20 ans et (les accords intérimaires à) Oslo, au cours de 120 ans de conflit. Vous pouvez entendre le scepticisme dans ma voix, mais nous avons décidé de tenter notre chance." (Avec Warren Strobel à Brasilia, Bertrand Boucey pour le service français)