par Julien Toyer

Les dirigeants de la zone euro se réunissent vendredi à Bruxelles pour endosser le pacte de "compétitivité" proposé par l'Allemagne début février mais plusieurs pays, dont la France, poussent pour que la réunion accouche également de décisions concrètes sur les missions et la forme du futur mécanisme européen de stabilité financière (MES).

"Il est clair qu'il vaudrait mieux vis-à-vis des marchés qu'on ait un accord politique (sur le MES) dès demain. Les Français et d'autres pays poussent dans ce sens", a expliqué une source au sein de la zone euro.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a rencontré hier à Paris le Président de la République Nicolas Sarkozy pour discuter de cette question.

Berlin est cependant réticent à ce que le MES ou le fonds européen de stabilité financière (FESF) qui sera en vigueur jusqu'en 2013 puissent être utilisés de manière plus flexible pour, par exemple, acheter des obligations sur le marché primaire ou émettre des lignes de crédit dites flexibles.

Plusieurs sources ont par ailleurs précisé que les autorités allemandes s'opposaient aussi à une réduction du taux d'intérêt appliqué aux prêts consentis dans le cadre de plans de sauvetage ainsi qu'à un adoucissement des conditions assorties à ces plans.

Elles seraient en revanche plus souples sur la possibilité pour le MES d'acheter des obligations d'Etats en difficulté sur le marché primaire.

MOODY'S DÉGRADE L'ESPAGNE

Si un consensus se dégage vendredi, un accord formel ne pourra pas être scellé sans le feu vert des Vingt-Sept, d'abord lors d'une réunion des ministres européens des Finances lundi puis lors d'un nouveau sommet européen les 24 et 25 mars, où la réponse "globale" à la crise préparée le début de l'année doit être présentée.

Au-delà des discussions sur le "paquet" de mesures attendu fin mars, le sommet de vendredi reviendra sur les situations particulières à chaque pays, en particulier la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne.

A quelques heures de la réunion, Moody's a d'ailleurs abaissé à Aa2 la note souveraine de l'Espagne et a prévenu que de nouvelles dégradations étaient possibles en fonction du coût final de la restructuration des caisses d'épargne espagnoles, estimé par Madrid à environ 20 milliards d'euros.

"(Moody's) estime qu'il y a un risque significatif que le coût de l'effort de recapitalisation pour aller bien au delà des projections actuelles du gouvernement", a expliqué l'agence de notation dans un communiqué.

Le ministère espagnol des Finances s'est dit surpris que l'annonce de Moody's intervienne quelques heures avant que la Banque d'Espagne ne publie les besoins en capitaux des caisses d'épargne. Le chiffre est attendu après la clôture des marchés.

LE PORTUGAL SOUS PRESSION

L'euro a chuté d'un demi cent à 1,3804 dollar, son plus bas depuis une semaine, après la publication du communiqué de Moody's et les primes de risque demandées par les investisseurs pour acheter de la dette grecque, portugaise ou espagnole ont quant à elles augmenté.

De son côté, le Portugal doit faire face à une intense pression non seulement des marchés mais également d'autres pays de la zone euro pour annoncer de nouvelles réformes structurelles lors du sommet.

Les analystes, comme les autorités portugaises, estiment que le pays ne pourra pas se résister longtemps à demander de l'aide internationale si le taux d'intérêt demandé pour acheter la dette à 10 ans reste au dessus de 7,5%.

Plusieurs sources ont laissé entendre que la situation portugaise serait abordée en détails vendredi mais qu'aucun plan de sauvetage n'était encore évoqué.

Ces sources précisent que le Premier ministre portugais José Socrates devrait faire une déclaration à ses pairs lors du sommet pour leur présenter l'accord annoncé hier sur une réforme du marché du travail et, peut être, de nouvelles mesures.

La Banque centrale européenne (BCE), qui est intervenue à plusieurs reprises sur les marchés pour soutenir le Portugal, a une nouvelle fois appelé jeudi le gouvernement portugais à se montrer convaincant vis à vis des marchés en mettant en oeuvre de manière extrêmement résolue son programme de réformes.

Comme lors des jours qui ont précédé la demande d'aide de l'Irlande à l'automne dernier, l'institut de Francfort s'est également abstenu au cours des derniers jours de toute intervention pour soutenir les obligations portugaises.

Si aucune décision n'est attendue vendredi, les cas grecs et irlandais seront également abordés alors que de plus en plus de voix s'élèvent au sein des Vingt-Sept pour revoir les termes de leurs plans d'aide, jugés trop sévères.

Dans une interview au quotidien Bild, la chancelière allemande Angela Merkel a plaidé jeudi pour un allongement de la période initiale de trois ans allouée à la Grèce pour remettre en ordre ses finances publiques.

Julien Toyer, édité par Benoît Van Overstraeten