Lausanne (awp/ats) - Le procureur de la Confédération a requis une peine de 46 mois au moins contre l'ancienne directrice de la société lucernoise Fera. Il demande que soit retenu l'escroquerie par métier ou l'abus de confiance répété.

La prévenue comparaît depuis mercredi devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Accusée d'avoir obtenu des crédits en produisant des documents fictifs entre 2006 et 2010, elle nie toute culpabilité.

Le représentant du Parquet a estimé jeudi que la manière de procéder de l'accusée était "raffinée et planifiée". Durant plus de huit ans, elle a consacré toute sa force créative à organiser ses tromperies. Son énergie criminelle est "extraordinaire".

Selon la qualification juridique des faits, l'accusation la plus grave est l'escroquerie par métier ou l'abus de confiance répété. Dans la première hypothèse, le procureur a réclamé une peine de prison de 56 mois et de 46 mois dans la seconde.

Lourde peine pécuniaire

Ces réquisitions englobent aussi la répression des faux dans les titres répétés et de la gestion déloyale retenus par le Ministère public de la Confédération (MPC). Pour le blanchiment par métier, le Parquet a exigé en outre une peine pécuniaire de 500 jours-amendes à 3000 francs suisses, soit un total de 1,5 million.

Le MPC reproche à l'accusée, âgée aujourd'hui de 71 ans, et à son mari d'avoir falsifié de nombreux documents afin de tromper les banques qui finançaient la société de commerce de machines. En se fondant sur des contrats de vente inexistants, quatre institutions ont accordé plus de 400 millions de francs suisses à Fera entre 2002 et 2010. L'acte d'accusation parle d'un "édifice de mensonges".

L'accusée et son mari auraient aussi détourné des fonds. Le MPC relève que les époux ont dépensé un million de francs suisses entre 2002 et 2009 dans une seule boutique de Francfort. Durant la même période, 9,4 millions de francs suisses en liquide ont été retirés de la société.

La véritable patronne

Les juges du Tribunal pénal fédéral ont interrogé jeudi matin un membre du conseil d'administration et un ancien dirigeant d'une filiale italienne. Tous deux ont décrit l'accusée comme la véritable patronne de l'entreprise lucernoise.

Répondant aux questions du président de la Cour des affaires pénales, le membre du conseil a indiqué qu'il s'est toujours contenté de signer des contrats et des documents. En principe, il était responsable de la comptabilité et de la clôture des comptes annuels. L'accusée se chargeait en revanche de la direction opérationnelle et du financement.

Ces déclarations contredisent la description que la directrice de Fera a donné de ses fonctions mercredi. Elle affirmait avoir agi conformément aux instructions du conseil d'administration.

En outre, Fera ne commercialisait elle-même plus de presses à forger depuis 2003, mais sa filiale italienne Ato, où le responsable s'occupait des achats et des ventes, a indiqué l'accusée. Selon elle, ces transactions ont bien eu lieu et le préfinancement de ces dernières a vraisemblablement été effectué par l'entreprise Fera.

Fonds de financement

Le directeur de la société italienne Ato a aussi décrit l'accusée comme la dirigeante avec laquelle il discutait de toutes les affaires importantes. Active dans le commerce de machines comme Fera, Ato était également une filiale du groupe Blue Steel Holding contrôlé par le mari de la septuagénaire.

Au cours de l'audience, on a appris que le financement des filiales était assuré par un Cash-Pool, mis en place par Blue Steel. Ce fonds commun était alimenté par des crédits bancaires. L'accusée et son mari sont soupçonnés d'avoir trompé les banques en leur présentant des affaires fictives.

Banques lésées

Parmi les établissements financiers, la principale lésée est l'ancienne Skandifinanz Bank (Skandifinanz aujourd'hui) qui réclame 134 millions d'euros aux accusés, sous déduction de quelque 10 millions de francs suisses déjà récupérés devant le Tribunal d'arrondissement de Zurich. Les créances de trois autres banques s'élèvent à plus de 22 millions de francs suisses.

Mais les masses en faillite de Fera AG et de BSH ont aussi produit des prétentions civiles de 206 et 123 millions de francs suisses, respectivement.

Le procès est prévu jusqu'à vendredi, voire au-delà. (affaire SK.2020.57)

ats/rp