(Actualisé avec déclaration de l'EIIL §5, précisions sur les combats §8)

par Dominic Evans

BEYROUTH, 4 janvier (Reuters) - Une alliance hétéroclite de brigades rebelles, dont certaines issues de la mouvance islamiste, était engagée samedi dans une offensive manifestement coordonnée contre les combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) dans le nord-ouest de la Syrie.

Selon des activistes, les combats ont débuté vendredi et sont dus au ressentiment croissant au sein de la rébellion comme de la population contre les hommes de l'EIIL, dont beaucoup sont des djihadistes étrangers.

Parmi les organisations engagées dans ces affrontements figure l'Armée des moudjahidine, une alliance nouvellement formée de huit brigades accusant l'EIIL, mouvement affilié à Al Qaïda, de détourner leur révolte contre Bachar al Assad.

Cette Armée des moudjahidine accuse les combattants de l'EIIL de "saper la stabilité et la sécurité dans les zones libérées" en se livrant aux pillages et aux enlèvements et en cherchant à imposer leur propre vision de l'islam. Elle promet de les combattre jusqu'à l'anéantissement de l'EIIL ou son expulsion de Syrie.

L'Etat islamique en Irak et au Levant, par ailleurs actif dans l'ouest de l'Irak (voir ), a promis de riposter à cette offensive. "Le sang de nos frères ne sera pas versé en vain", dit-il dans un communiqué.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), le Front islamique, composé de plusieurs brigades rebelles, est lui aussi engagé dans des combats contre l'EIIL dans la province d'Alep alors que ces deux organisations étaient proches jusqu'à présent.

L'OSDH, qui s'appuie sur un réseau d'informateurs sur le terrain, fait état d'au moins 60 morts dans ces combats, qu'il qualifie de défi majeur lancé à l'EIIL pour le contrôle des provinces d'Alep et d'Idlib.

L'OSDH et d'autres activistes relaient aussi des informations non confirmées selon lesquelles des hommes de l'EIIL ont exécuté 30 prisonniers après avoir été encerclés par des rebelles dans le village de Harem, à environ deux kilomètres de la frontière turque.

TIRS SUR UNE FOULE DE CIVILS

Depuis le début du soulèvement contre le régime de Bachar al Assad en mars 2011, l'EIIL, le Front al Nosra, lui aussi affilié à Al Qaïda, et le Front islamique ont progressivement éclipsé les rebelles regroupés au sein de l'Armée syrienne libre (ASL), dont les pays occidentaux espéraient qu'elle soit capable de renverser le président syrien.

Ces divisions au sein de l'insurrection et l'affaiblissement des modérés de l'ASL ont contribué à renforcer Bachar al Assad, dont les forces, appuyées par le mouvement chiite libanais Hezbollah, ont regagné du terrain au cours de l'année 2013.

Principale structure de l'opposition en exil, la Coalition nationale syrienne (CNS) s'est efforcée de présenter les combats en cours dans le nord-ouest de la Syrie comme une contre-offensive de l'ASL contre l'"oppression autoritaire" de l'EIIL.

"Le peuple syrien a clairement rejeté les tentatives d'Al Qaïda d'établir une présence dans les territoires libérés", a dit un membre de la CNS, Monzer Akbik. "La solution pour combattre l'extrémisme en Syrie est de renforcer l'Armée syrienne libre dans ces moments critiques."

Faute d'avoir apporté la preuve de son efficacité sur le terrain, l'ASL peine à convaincre les pays occidentaux de lui fournir des équipements militaires.

D'après la CNS, l'élément déclencheur de cette offensive s'est produit dans un village de la province d'Alep, Kafr Takharim, où des hommes de l'EIIL ont tiré sur une foule de civils rendant hommage à Hussein Suleiman, un éminent médecin syrien devenu chef rebelle, mort entre les mains de l'EIIL.

Le cadavre de Hussein Suleiman a été rendu mardi par l'Etat islamique en Irak et au Levant dans le cadre d'un échange de prisonniers avec des brigades rebelles rivales. Des enregistrements vidéos de son corps montrent des traces de coups et une oreille coupée.

Plusieurs manifestations ont eu lieu vendredi à travers la prvince d'Alep pour rendre hommage au défunt. Certaines ont rassemblé des centaines de participants, comme lors des premières manifestations contre le régime ayant marqué le début du soulèvement contre Bachar al Assad. (Bertrand Boucey pour le service français)