* Le Conseil d'Etat maintient l'interdiction à Tours

* Interdiction des prochaines représentations à Paris

* Les tribunaux doivent encore se prononcer pour le spectacle d'Orléans

* La stratégie de Manuel Valls confortée (Actualisé avec interdiction des prochains spectacles à Paris)

PARIS, 10 janvier (Reuters) - Dieudonné a subi vendredi de nouveaux revers avec la confirmation par le Conseil d'Etat de l'interdiction de son spectacle "Le Mur" prévu dans la soirée à Tours puis avec la décision de la préfecture de police de Paris d'interdire ses prochaines représentations dans la capitale.

Sur les réseaux sociaux, Dieudonné a annoncé qu'il avait écrit un nouveau spectacle alors qu'il devait commencer samedi les représentations à Paris de celui frappé d'interdiction à Tours, vendredi, et à Nantes, jeudi.

La préfecture de police a cependant interdit par arrêté les spectacles prévus samedi, dimanche et lundi au théâtre parisien de La Main d'or.

Contrairement à jeudi, où le tribunal administratif de Nantes, première étape de sa tournée, lui avait donné raison avant d'être contredit par le Conseil d'Etat, celui d'Orléans a confirmé vendredi l'interdiction de jouer à Tours et ce sont les avocats de l'humoriste qui ont saisi, sans succès, la plus haute juridiction administrative.

Sans surprise, le Conseil d'Etat ne s'est pas déjugé mais les avocats de Dieudonné entendent revenir à la charge samedi pour trancher la tenue d'une troisième représentation prévue à Orléans (Loiret).

"Un élément qui m'a frappé durant cette audience, c'est qu'on atteint le ridicule puisqu'on est obligé de juger au Conseil d'Etat, la juridiction la plus prestigieuse de la France, de ce qui est drôle et de ce qui n'est pas drôle", a déclaré à la presse l'un des défenseurs, Me Sanjay Mirabeau.

Le maire socialiste de Tours, Jean Germain, s'est félicité de la confirmation de son arrêté, estimant que chaque élu devait se prononcer en conscience. "Chacun doit faire un équilibre entre les grands principes généraux à respecter et la liberté d'expression", a-t-il dit devant la presse.

Le tribunal administratif d'Orléans se prononcera encore samedi à 11h00 (10h00 GMT) sur un troisième spectacle prévu dans cette ville, le député-maire UMP Serge Grouard ayant interdit la représentation.

"JUSTICE D'EXCEPTION"

Ce feuilleton judiciaire conforte pour l'instant Manuel Valls, dont la stratégie consistant à faire interdire les spectacles au cas par cas par les préfets ou les maires était contestée au sein de la classe politique.

Le ministre de l'Intérieur avait obtenu une première victoire jeudi en privant l'humoriste de scène à Nantes, près de deux heures avant la représentation, et en faisant valider le risque de trouble à l'ordre public par le Conseil d'Etat.

Les décisions du Conseil d'Etat - avec deux juges différents - constituent un revirement de jurisprudence, les tribunaux administratifs ayant, à une quinzaine de reprises ces dernières années, invalidé des arrêtés d'interdiction de spectacles de Dieudonné, condamné à de multiples reprises pour antisémitisme.

Elles devraient peser sur l'ensemble des procédures mais les avocats du polémiste, qui dénoncent une "justice d'exception", ne désespèrent pas d'obtenir un retournement.

Plusieurs éditorialistes craignent vendredi que la victoire judiciaire de Manuel Valls n'ait pour conséquence de transformer l'humoriste en "martyr".

"Cet homme-là ne méritait que silence et mépris. Il jouit désormais d'une notoriété malsaine dont il va user et abuser auprès de partisans hystérisés", écrit Yves Thréard dans Le Figaro.

Dans Libération, François Sergent estime que les décisions de justice risquent "de faire du sinistre humoriste un martyr de la liberté d'expression aussi vils soient ses propos". (Gérard Bon, avec Marion Douet, Pauline Mével, Bertrand Boucey, et Mourad Guichard à Orléans)