Les mesures d'austérité et la crédibilité personnelle du président du Conseil, ancien économiste et commissaire européen, permettent à Rome de peser à nouveau sur la politique de l'Union européenne et de bénéficier de taux de refinancement de sa dette moins élevés.

Mais cette embellie est peut-être trompeuse car seule une amélioration de son potentiel de croissance - la capacité à croître régulièrement sans générer de l'inflation - pourrait permettre à l'Italie de réduire le fardeau d'une dette qui culmine à plus de 120% du produit intérieur brut (PIB), seule la Grèce faisant moins bien dans la zone euro.

Or, à six mois de la fin du mandat de Mario Monti, et alors que sa succession reste floue, la plupart des économistes jugent que les progrès dans ce domaine ont été très décevants.

"Je crois que le potentiel de croissance de l'Italie en est au même point que lorsque Monti est arrivé au pouvoir", dit Daniel Gros, directeur du Centre d'études de la politique européenne (CEPS) à Bruxelles.

L'économie italienne a crû à un rythme moyen de 0,25% par an pendant la décennie jusqu'en 2011, la pire performance non seulement pour un pays de l'Union européenne, mais aussi pour ceux du G20 et des 34 membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Elle a de nouveau plongé cette année en récession, les économistes s'attendant à une contraction d'environ 2,5%. L'OCDE estime que son potentiel de croissance n'est plus que de 0,3%.

VOEU PIEUX

Le gouvernement espère réduire la dette de 123,4% du PIB cette année à 114,4% en 2015. Il juge l'objectif de 100% réalisable en 2019, et vise 60% en 2025.

Pour parvenir à un tel résultat, il faudrait que les taux d'emprunt de l'Italie se stabilisent à leurs niveaux d'avant la crise de la dette, que la politique d'austérité se poursuive au moins jusqu'en 2015 et, dans le même temps, que le pays renoue avec une croissance soutenue.

Autant dire que la combinaison de ces trois facteurs relève du voeu pieux. L'économie se contracte déjà plus fortement que ce que le gouvernement avait prévu, l'objectif de réduction du déficit budgétaire ne sera pas atteint et la rigueur continuera de peser sur la demande intérieure.

En se basant sur ses propres prévisions de croissance - inférieures à celles du gouvernement - la Société Générale s'attend à ce que la dette représente toujours plus de 120% du PIB en 2020.

Pour Daniel Gros, l'impuissance italienne tient beaucoup à la corruption, à des lois mal appliquées et à l'inefficacité administrative.

Illustration de ce problème: selon les calculs du quotidien Il Sole 24 Ore, quelque 350 des 400 textes adoptés par le parlement depuis que Mario Monti est au pouvoir n'ont toujours pas reçu les autorisations administratives nécessaires à leur mise en oeuvre.

"On a tous applaudi les initiatives de Monti mais on a tout été déçus par leurs effets concrets", constate Giacomo Vaciago, professeur d'économie à l'Université catholique de Milan.

CROISSANCE NÉGLIGÉE

La politique de réformes initiée par le président du Conseil laisse elle-même perplexe les économistes, dans la mesure où elle se concentre sur la réduction du déficit budgétaire, pourtant l'un des moins importants de l'UE, et néglige la croissance.

Elle repose en outre aux trois-quarts sur des hausses d'impôts qui pèsent sur la consommation et aggravent la récession, alors que la Commission européenne préconise une baisse des dépenses publiques.

Si, soucieux se préserver l'euro, les dirigeants européens saluent régulièrement les réformes "impressionnantes" de Mario Monti, il est donc difficile de trouver en Italie un économiste ou un chef d'entreprise qui partage ce point de vue.

Ni la réforme du marché du travail, qualifiée de "confuse" par le syndicat du patronat Cofindustria, ni la dérégulation de certains métiers, jugée "timide et inefficace" par le centre de réflexion libéral Bruno Leone, ne trouvent grâce aux yeux des experts.

Quant à la réforme de l'administration, la libéralisation des services publics ou les privatisations qui figuraient dans une liste de recommandations adressées par la BCE à l'ancien président du Conseil Silvio Berlusconi à l'été 2011, elles sont restées à l'état de projet.

"Aucune de ces recommandations n'a été suivie et c'est pour cela qu'on en est toujours au même point", conclut Gian Maria Gros-Pietro, professeur d'économie à l'Université LUISS de Rome et membre du conseil d'administration de Fiat, la première société privée du pays.

Tangi Salaün pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat

par Gavin Jones