par Tabassum Zakaria et Susan Cornwell

WASHINGTON, 6 août (Reuters) - Les communications interceptées entre les dirigeants d'Al Qaïda ont été l'une des raisons, mais pas la seule, qui ont incité les Etats-Unis à fermer certaines de leurs ambassades dans le monde arabo-musulman, apprend-on lundi de sources américaines.

Selon le New York Times, la fermeture des ambassades découle des communications électroniques interceptées entre le numéro un de l'organisation globale Al Qaïda, Ayman al Zaouahri, qui a remplacé Oussama Ben Laden à sa mort, et Nasser al Whaychi, le chef d'Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), organisation basée au Yémen.

On indique de source américaine que si certains messages entre les deux hommes ont été interceptés récemment, d'autres flux de renseignements ont également contribué à la mise en garde américaine.

"Le tableau d'ensemble de la menace est fondé sur une large base d'informations, il n'y a pas un élément décisif à lui seul dans ce tableau", a déclaré un responsable américain à Reuters sous le sceau de l'anonymat.

Il n'y a pas encore d'information sur une cible particulière ou le lieu particulier d'un éventuel attentat, explique-t-on, mais la menace contre les intérêts occidentaux n'a pas diminué.

La menace est simplement suffisamment grave actuellement, comme elle l'était vendredi quand le département d'Etat a émis une mise en garde mondiale à l'intention des voyageurs, a expliqué le représentant démocrate à Dutch Ruppersberger, membre de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants.

"C'est une menace très sérieuse", a déclaré Dutch Ruppersberger sur CNN. "J'ai vu les renseignements. Il s'agit d'une menace venant des plus hauts niveaux d'Al Qaïda. Et particulièrement ciblée sur la péninsule arabique, le Yémen et les zones de ce genre."

Lundi, ABC News a annoncé qu'un responsable américain avait indiqué que les autorités "recherchaient frénétiquement" des véhicules équipés de bombes qu'Al Qaïda veut utiliser pour faire sauter l'ambassade américaine au Yémen ainsi que peut-être d'autres ambassades.

RÉCOMPENSE

L'ambassade du Yémen à Washington a publié une liste des 25 "terroristes les plus recherchés" qui cherchent à mener des opérations dans la capitale, Sanaa. L'ambassade a promis une récompense pour toute information menant à leur arrestation.

Selon Paul Pillar, ancien analyste à la CIA, il a vraisemblablement fallu plus d'une communication entre les dirigeants d'Al Qaïda pour que les Etats-Unis prennent une décision aussi drastique que la fermeture de 19 ambassades pendant une semaine.

"Le fait que Zaouahri envoie ce genre de message ne me surprend pas", dit-il. "La procédure standard pour les analystes n'est pas de parier toute la maison sur un seul renseignement quel qu'il soit, même si nous n'avons pas de doute que ce soit un message de Zaouahri. Il s'agit de relier entre elles les implications des différentes informations pour pouvoir ensuite juger du niveau de la menace."

Un échange entre Al Qaïda et Aqpa ne veut pas nécessairement dire qu'Aqpa prend ses ordres auprès de Zaouahri, estiment les spécialistes.

"Cela montre que le coeur d'Al Qaïda dirige une machine mondiale à fabriquer de la terreur", commente Bruce Riedel, ancien responsable de la CIA qui dirige aujourd'hui le Brookings Intelligence Project à Washington.

"Zaouahri n'obtient pas toujours ce qu'il cherche, mais reste incontesté en tant qu'héritier de Ben Laden", ajoute-t-il.

Pour Daniel Benjamin, un ancien responsable du contre-terrorisme au département d'Etat qui est maintenant à Dartmouth College, Aqpa est "une menace inquiétante" parce que ses fabricants de bombes ont "du talent" et qu'elle aime agir vite et ne passe pas autant de temps qu'Al Qaïda à planifier ses attentats.

Selon le porte-parole de la Maison blanche Jay Carney, si Al Qaïda a diminué en importance, les organisations qui lui sont affiliées et notamment Aqpa, se sont renforcées.

"Ici à Washington, nous avons identifié Aqpa comme une menace particulièrement dangereuse depuis un certain temps maintenant", a-t-il déclaré. (Avec Mark Hosenball, Richard Cowan et Steve Holland; Danielle Rouquié pour le service français)