par Tom Perry et Shadia Nasralla

LE CAIRE, 16 août (Reuters) - La télévision publique égyptienne a salué vendredi en héros quatre policiers tués au cours des violences de l'avant-veille, renforçant l'inquiétude du camp libéral qui craint un retour à la toute-puissance policière de l'époque de l'ancien président Hosni Moubarak.

La télévision a retransmis les obsèques des quatre policiers, alors que les principaux médias font l'impasse sur les centaines de cadavres de manifestants islamistes, tués lors de l'assaut des forces de sécurité contre l'un de leur campement au Caire, et rassemblés dans la mosquée Al Iman au Caire. (voir )

"Ils sont morts en défendant ce pays", a déclaré le commentateur, alors que les quatre cercueils, enveloppés de drapeaux égyptiens et placés sur plusieurs voitures de pompiers, entamaient une procession sur fond de fanfare.

"C'est une période de sécurité et de sûreté qui s'annonce", a-t-il continué.

Mohamed Ibrahim, le ministère de l'Intérieur, a annoncé que 43 policiers avaient été tués au cours des heurts de mercredi entre les forces de sécurité et les partisans de l'ancien président Mohamed Morsi, déposé par l'armée le 3 juillet.

Les Frères musulmans, dont est issu Mohamed Morsi, estiment que ce chiffre est largement surévalué, afin d'exagérer le danger qu'ils représentent, alors que le bilan global des violences de mercredi - 578 tués au total - donné par le ministère de la Santé serait lui bien en deçà de la vérité.

De nouvelles violences ont éclaté vendredi, alors que des milliers de partisans de Mohamed Morsi manifestaient de nouveau. Plusieurs dizaines de morts sont recensés à travers le pays, et des membres des forces de sécurité ont dit que des sympathisants des Frères musulmans avaient attaqué quinze postes de police au Caire. (voir )

NOUVEL ÉTAT D'URGENCE

Le camp hétéroclite des libéraux, qui s'était franchement opposé à la présidence de Mohamed Morsi, craint désormais que la mise en avant de la police annonce un recul démocratique, d'autant que Mohamed Ibrahim s'est engagé à ce que la sécurité retrouve son niveau d'avant le 25 janvier 2011, date du début de la révolution contre Hosni Moubarak.

"C'est très troublant", juge Ahmed Maher, fondateur du Mouvement du 6-Avril qui a joué un grand rôle dans la chute d'Hosni Moubarak. "Ils sont en train d'essayer de présenter les policiers comme des anges."

Les préoccupations du camp libéral ont été accrues mercredi par la proclamation de l'état d'urgence, qui rappelle celui déclaré en 1981 par Hosni Moubarak et maintenu ensuite pendant 30 ans, donnant ainsi à la police un large pouvoir pour mettre fin au moindre rassemblement de protestation.

"Si Ibrahim pense, ou compte, réimposer l'état de siège contre les partis politiques et réprimer les manifestations, il va bien sûr échouer", affirme Ahmed Maher.

Les organisations de défense des droits de l'homme estiment que ni le gouvernement militaire qui a succédé à Hosni Moubarak, ni la présidence de Mohamed Morsi n'ont réformé en profondeur l'appareil sécuritaire égyptien hérité de l'ère Moubarak.

Elles ont également condamné le réveil en juin d'une agence de "sécurité politique" par Mohamed Ibrahim, et les propos tenus mercredi par le Premier ministre de transition, Hazem el Beblaoui, qui a salué la "retenue" des forces de l'ordre.

"Rien qu'en tenant compte du nombre extrêmement élevé de tués, je pense que ce type de déclarations est complètement inappropriées de la part du Premier ministre", estime Heba Morayef, directrice de l'ONG Human Rights Watch en Egypte. "C'est le comportement de forces de sécurité qui sentent qu'elles n'ont plus à craindre d'être tenues responsables."

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(Julien Dury pour le service français)