Paris (awp/afp) - Manque d'eau en Russie et en Australie, trop de pluies en Europe: les courtiers des marchés agricoles ont les yeux rivés sur les prévisions météorologiques, plutôt défavorables aux récoltes en ce moment, ce qui a redonné un coup de fouet aux prix du blé et du maïs en ce début de semaine.

La céréale du pain grimpait mercredi à 263 euros la tonne pour l'échéance de septembre sur Euronext, au plus haut depuis juillet 2023. A Chicago, le boisseau pour livraison en juillet évoluait au-dessus du seuil symbolique de 7 dollars.

"On est à fond dans le +wheather market+", le terme employé sur les marchés agricoles pour indiquer que les prix sont guidés par la météo, résume Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France (cabinet Agritel).

Les cours se sont tassés en fin de semaine dernière après des prévisions anticipant des pluies en Russie, de loin le premier exportateur mondial de blé.

Mais les divers modèles météorologiques anticipent désormais "unanimement" du sec pour les 15 prochains jours, "ce qui envenime la situation", ajoute Sébastien Poncelet.

"De nouvelles informations sur des gelées et des températures glaciales dans les zones de culture russes" ont aussi participé à la remontée des cours du blé, selon Jack Scoville de la maison de courtage Price Futures Group.

Les observateurs revoient progressivement à la baisse l'ampleur des prochaines récoltes. Le cabinet russe Ikar a d'ores et déjà publié mardi une prévision à 83,5 millions de tonnes, contre 86 millions la semaine dernière. Le cabinet a aussi abaissé ses prévisions d'exportations de 2 millions de tonnes, à 45 millions.

Trop humide pour l'épiaison

"Les exportations resteraient quand même à un niveau extrêmement élevé", remarque Thu Lan Nguyen, analyste de Commerzbank, dans une note.

Si les prévisions du cabinet Ikar pour la prochaine récole se confirmaient, les exportations russes resteraient a priori au-dessus de celles des deux années précédentes, explique-t-elle.

Dans le même temps, "la pluie permanente en Europe de l'Ouest, en France et en Allemagne notamment, pose un vrai problème car l'excès d'humidité n'est pas bon pour des blés en épiaison", le moment où l'épi apparaît hors de la gaine de la dernière feuille, relève Sébastien Poncelet.

Aux Etats-Unis, les observations d'une visite d'analystes dans les champs de blé HRW du Kansas anticipant des rendements supérieurs à l'an dernier ont un peu rasséréné le marché en fin de semaine dernière.

Mais selon un rapport publié lundi, les blés d'hiver y sont considérés comme "bons à excellents" à 49%, soit un point de moins que la semaine précédente.

Toutes ces inquiétudes "s'étendent à l'hémisphère sud avec une météo particulièrement sèche à cette période de l'année dans le sud et l'ouest de l'Australie", indique Sébastien Poncelet.

Avec tous ces éléments, "le marché essaie d'évaluer la réduction de l'offre" sur le marché mondial, dit-il. "La question de la demande, et de son éventuel rationnement si les prix augmentent vraiment, se posera dans un second temps", affirme-t-il.

"Dans un tel contexte, le retour des importateurs de blé aux achats est attentivement surveillé", souligne le cabinet Agritel dans une note en mentionnant un appel d'offres de la Tunisie.

Suivant la même dynamique, le cours du maïs pour l'échéance de novembre, la plus échangée, bondissait mercredi à 228 euros sur Euronext, au plus haut depuis septembre. A Chicago, le boisseau de maïs pour livraison en juillet évoluait autour de 4,60 dollars.

Comme pour le soja, le marché outre-Atlantique a notamment été rassuré par une meilleure avancée qu'attendu des semis la semaine passée aux Etats-Unis.

Pour Sébastien Poncelet, le soja reste toutefois globalement ferme, soutenant au passage l'ensemble des oléagineux, en raison de l'impact des inondations dans le sud du Brésil. "Les pertes sont peut-être moins fortes que prévu initialement mais les problèmes de logistique bloquent l'acheminement des récoltes", dit-il.

Sur Euronext, les cours du colza pour l'échéance d'août évoluaient mercredi à 486 euros la tonne, leur plus haut niveau depuis juillet. A Chicago, le boisseau de soja pour livraison en juillet évoluait à 12,40 dollars.

afp/rp