par Phil Stewart et Steve Holland

WASHINGTON, 14 avril (Reuters) - Joe Biden a déclaré mercredi que les troupes américaines débuteraient le 1er mai leur retrait définitif d'Afghanistan, qui sera finalisé d'ici le 11 septembre prochain, pour mettre fin à la plus longue guerre de l'Amérique, rejetant les appels à maintenir des soldats pour garantir une issue pacifique au conflit.

S'exprimant lors d'un discours depuis la Maison blanche, le président américain a déclaré que les objectifs des Etats-Unis en Afghanistan étaient devenus "de moins en moins clairs" au cours de la décennie écoulée.

Il a fixé comme objectif de ramener "à la maison" la totalité des 2.500 soldats américains encore déployés en Afghanistan, le 11 septembre au plus tard, soit vingt ans jour pour jour après les attentats aux Etats-Unis ayant provoqué l'intervention américaine.

Mais en se retirant d'Afghanistan sans une claire victoire face aux insurgés taliban, les Etats-Unis s'exposent à des critiques pour une décision que certains considèrent comme un aveu d'échec de la stratégie militaire américaine.

La décision d'un retrait total d'Afghanistan d'ici au 11 septembre avait été divulguée dès mardi par l'administration américaine.

Cette date butoir fixée par Joe Biden coïncide avec le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain, à la suite desquels les Etats-Unis ont envoyé des troupes dans le pays pour mettre fin au régime alors dirigé par les Taliban, accusés d'héberger et de protéger Al Qaïda.

La Russie a estimé mercredi que la décision américaine portait un risque d'escalade militaire sur le terrain.

"METTRE FIN À CETTE GUERRE ÉTERNELLE"

"Cela n'était pas destiné à être un engagement sur plusieurs générations. Nous avons été attaqués. Nous sommes entrés en guerre avec des objectifs clairs. Nous avons atteint ces objectifs", a déclaré Joe Biden.

"Il est temps de mettre fin à cette guerre éternelle", a-t-il ajouté, notant que le chef d'Al Qaïda, Oussama ben Laden, avait été tué par les troupes américaines en 2011 et soulignant que l'organisation terroriste avait été altérée en Afghanistan.

Le contingent américain en Afghanistan est actuellement réduit à 2.500 hommes, après un pic de plus de 100.000 hommes atteint en 2011.

Environ 2.400 soldats américains ont été tués dans le conflit et des milliers d'autres ont été blessés, tandis que le coût total de l'intervention américaine est estimé à 2.000 milliards de dollars.

Le prédécesseur de Joe Biden, Donald Trump, avait promis en février 2020 dans le cadre d'un accord avec les Taliban que les Etats-Unis finaliseraient leur retrait d'Afghanistan au plus tard le 1er mai 2021, une promesse qui ne sera donc pas tenue. Les insurgés islamistes ont menacé le mois dernier de reprendre les hostilités si cet horizon n'était pas respecté.

"Je suis le quatrième président américain en fonction pendant la présence de troupes américaines en Afghanistan. Deux républicains, deux démocrates. Je ne transmettrai pas cette responsabilité à un cinquième", a dit Joe Biden.

RETRAIT COORDONNÉ DES TROUPES DE L'OTAN

En déplacement à Bruxelles, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré mercredi que le moment était venu aussi pour les autres forces de l'Otan, au nombre d'environ 7.000 hommes, de se retirer d'Afghanistan.

Dans un communiqué, l'Otan a fait savoir que ses membres étaient convenus de débuter le 1er mai le retrait des troupes d'Afghanistan, et que ce processus prendrait plusieurs mois.

La Maison blanche a rapporté que Joe Biden s'était entretenu avec son homologue afghan Ashraf Ghani, promettant de maintenir un solide partenariat bilatéral après le retrait américain et de continuer à soutenir l'Afghanistan en matière de sécurité.

Ashraf Ghani a déclaré qu'il respectait la décision de Washington et que son pays allait travailler avec les Etats-Unis pour "garantir une transition en douceur". Il a ajouté sur Twitter que les efforts de paix se poursuivraient.

Joe Biden a rejeté l'argument selon lequel la présence des troupes américaines servait de levier indispensable à la conclusion d'un accord de paix, déclarant que "cela ne n'est pas avéré effectif" au cours de la décennie écoulée.

"Les soldats américains ne doivent pas être utilisés comme un outil de négociation entre les parties prenantes d'un conflit dans d'autres pays", a dit le président américain.

Il a déclaré par ailleurs que la menace terroriste ne se limitait pas à un seul pays et que maintenir une présence militaire américaine dans un seul territoire étranger, avec un coût très élevé, n'avait aucun sens.

Face aux critiques estimant que le moment n'était pas opportun pour les Etats-Unis de se retirer d'Afghanistan, Joe Biden a répondu: "Alors quand est-ce que ce sera le bon moment ? Dans un an ? Deux ans ? Dix ans ? (...) C'est comme ça qu'on en est arrivé là". (avec Robin Emmott à Bruxelles, Hmaid Shalizi à Kaboul; version française Jean-Stéphane Brosse et Jean Terzian)