par Arafat Barbakh

KHAN YOUNES, Gaza, 9 janvier (Reuters) - Les Palestiniens n'ont le droit à aucun répit dans les bombardements israéliens qui ravagent la bande de Gaza depuis trois mois en dépit de l'annonce par Israël d'une nouvelle phase "plus ciblée" de son offensive dans l'enclave, alors que les Etats-Unis pressent pour une protection accrue des civils.

Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, a déclaré jeudi que l'armée allait effectuer une transition vers une "nouvelle approche de combat" dans le cadre de laquelle les frappes aériennes contre Gaza seraient moins intenses. Il avait indiqué plus tôt que l'Etat hébreu allait procéder au retrait de certains soldats de l'enclave palestinienne.

Toutefois, des familles palestiniennes continuent chaque matin d'affluer vers les hôpitaux gazaouis, y transportant des proches ayant été blessés dans les bombardements nocturnes, seulement pour y trouver des allées et des salles bondées, parfois tachées de sang.

Des secouristes s'affairent pour déposer les cadavres récupérés sous les décombres des bâtiments dévastés par les bombardements aériens.

"Toute chose mouvante est une cible en Palestine, et plus particulièrement à Gaza", a déclaré Shehada Tabash à son arrivée à l'hôpital européen de Khan Younès, principale ville du sud de l'enclave, alors que sa nièce et son cousin venaient d'être tués dans une frappe aérienne.

Les autorités sanitaires de la bande de Gaza ont indiqué dans la journée que 126 personnes ont été tuées au cours des vingt-quatre dernières heures, portant à 23.210 le nombre de Palestiniens tués depuis le début de l'offensive israélienne en réponse à l'attaque du Hamas, le 7 octobre.

Des milliers de cadavres supplémentaires pourraient toujours se trouver sous les décombres, alors que les bombardements incessants menés par Israël depuis trois mois ont ravagé des quartiers entiers, des écoles et des hôpitaux de la bande de Gaza, territoire étroitement et densément peuplé.

Une nouvelle fois en visite au Proche-Orient, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré en amont de son arrivée mardi à Tel Aviv qu'il était "absolument impératif" qu'Israël veille davantage à protéger les civils.

S'entretenant par la suite avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le chef de la diplomatie américaine a "souligné l'importance d'éviter de nuire davantage aux civils et de protéger les infrastructures civiles de Gaza", a rapporté le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, dans un communiqué.

"AUCUNE LUEUR D'ESPOIR"

Mais pour nombre des 2,3 millions de Gazaouis, dont la plupart se sont retrouvés sans-abri et ont été déplacés au moins une fois par l'offensive d'Israël, ces mots sonnent creux.

"Nous sommes bombardés par des avions de fabrication américaine, déchiquetés par des armes américaines, alors que Blinken arrête ce non-sens", a dit Shaban Abad, spécialiste en informatique âgé de 45 ans qui résidait dans la ville de Gaza, au nord de l'enclave, avant d'être déplacé vers Khan Younès puis près de la frontière avec l'Egypte, à Rafah, avec ses cinq enfants.

"Depuis que (Blinken) est arrivé dans la région, les bombardements à Gaza, à Rafah, qui est supposée être un lieu sûr, n'ont pas été stoppés. Ne le voit-il pas ?", a-t-il ajouté.

Tsahal s'était dans un premier temps focalisé sur le nord du territoire, ordonnant à tous les civils de quitter la zone et, désormais, de ne pas tenter d'y revenir. Nombre d'entre eux ont alors pris la direction du sud de la bande de Gaza, sans que les bombardements n'y soient interrompus.

Après une pause d'une semaine dans les combats, fin novembre, obtenue par la médiation du Qatar pour favoriser l'arrivée d'aide humanitaire à Gaza et la libération d'une partie des 240 otages détenus par le Hamas depuis l'attaque du 7 octobre, l'armée israélienne a intensifié ses opérations dans le sud de l'enclave et particulièrement à Khan Younès.

L'arrivée massive de soldats et de chars israéliens dans la région a forcé les Palestiniens déplacés par les combats à se diriger vers des camps de fortune près de la frontière avec l'Egypte.

Abdel Jaber Mohammed al-Farra, âgé de 8 ans, a déclaré que son père et son petit frère ont quitté leur maison sans rien et ont été pris pour cibles par les soldats israéliens alors qu'ils voulaient aller se réfugier à l'hôpital européen de Khan Younès.

"Nous avons entendu le bruit des chars dans la rue. Nous avons couru. Nous avons vu des soldats marcher. Nous nous sommes cachés derrière un mur. Ils ont commencé à tirer vers le mur. Nous sommes partis avec rien", a-t-il raconté.

Comme de nombreux Palestiniens déplacés par la guerre, la famille Al Farra ne peut plus retourner à son domicile et dépend entièrement des aides, insuffisantes, sans qu'une issue au conflit ne se dessine. L'Onu a averti d'une catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza.

Alors que sa maison dans le nord du territoire a été détruite, Youssef Salem Hijazi a déclaré vouloir y retourner avec sa famille afin d'installer une tente sur les décombres et de commencer à rebâtir leur vie.

S'il a dit apprécier les commentaire d'Antony Blinken appelant Israël à la retenue dans son offensive et à permettre aux civils de rentrer chez eux, il a estimé que cela était "en vain". "Nous ne voyons rien. Nous suivons les informations mais il n'y a rien pour nous permettre d'espérer. Nous ne voyons aucune lueur d'espoir", a-t-il déploré. (Reportage Arafat Barbakh, avec Nidal al-Mughrabi; version française Jean Terzian)