(Ajoute visite du patriarche de l'Eglise maronite)

BEYROUTH, 13 novembre (Reuters) - Le président libanais, Michel Aoun, est satisfait de voir que Saad Hariri n'exclut pas formellement de revenir sur sa démission du poste de Premier ministre, annoncée à la surprise générale le 4 novembre en Arabie saoudite, a-t-on appris lundi.

Dans une interview accordée à la chaîne libanaise Future TV, qui lui appartient, Saad Hariri a annoncé dimanche son retour au Liban dans les deux ou trois jours pour confirmer sa démission.

Mais il a aussi évoqué la possibilité de revenir sur cette décision, à condition que le Hezbollah cesse d'intervenir dans les conflits régionaux.

C'était la première fois qu'il s'exprimait publiquement depuis l'annonce de sa démission.

Recevant lundi des visiteurs, Michel Aoun a noté que Saad Hariri "laissait toutes les portes ouvertes, notamment la possibilité de revenir sur sa démission", a-t-on appris.

"La campagne nationale et diplomatique" pour obtenir le retour du Premier ministre au Liban a eu des résultats positifs, a dit le président libanais qui refuse d'accepter la démission du Premier ministre tant qu'il n'aura pas eu des éclaircissements sur les motifs et les conditions de ce départ.

Alors que des sources à Beyrouth accusent l'Arabie saoudite de le retenir contre son gré, Saad Hariri a assuré dimanche qu'il était tout à fait libre de ses mouvements.

"Je suis librement dans le royaume et si je veux voyager demain, je voyagerai. J'ai une famille et c'est mon droit de la protéger", a-t-il déclaré.

PAS D'INGÉRENCE IRANIENNE, AFFIRME TÉHÉRAN

En annonçant sa démission, Saad Hariri avait dit craindre une tentative d'assassinat dans son pays. Son père Rafic, ancien Premier ministre, a été tué dans un attentat à Beyrouth en 2005.

Saad Hariri, principal responsable politique sunnite au Liban, a prévenu que son pays risquait des sanctions économiques de la part des pays arabes en raison des interventions au Yémen et à Bahreïn du Hezbollah, le parti chiite libanais qui fait partie de la coalition gouvernementale qu'il dirige.

Il a évoqué la possibilité de revenir sur sa démission mais en posant une condition : que le Liban applique une politique de "dissociation" et de neutralité dans les conflits régionaux.

Il a mentionné le Yémen, où les forces saoudiennes luttent depuis mars 2015 contre les rebelles chiites houthis, soutenus par Téhéran, selon Ryad. Le Hezbollah combat aux côtés des forces de Bachar al Assad en Syrie.

La crise entre Ryad et le Liban s'inscrit dans le cadre d'une montée des tensions entre l'Arabie saoudite, dirigée par la monarchie sunnite des Saoud, et l'Iran chiite.

Selon le royaume saoudien, Saad Hariri a démissionné parce que le Hezbollah, soutenu par Téhéran, a désormais la haute main sur le système politique du pays du Cèdre.

Le mouvement chiite accuse Ryad de détenir Saad Hariri et de l'avoir contraint à démissionner pour déstabiliser le Liban.

Lundi, réagissant à l'interview de Saad Hariri, le ministère iranien des Affaires étrangères a affirmé que Téhéran ne cherchait nullement à se mêler des affaires intérieures libanaises.

"Les propos de Hariri dimanche donnent un petit espoir de le voir revenir au Liban (...) Il n'y a aucune ingérence iranienne dans les affaires du Liban", a dit le porte-parole du ministère, Bahram Qasemi.

On a appris par ailleurs que le patriarche de l'Eglise chrétienne maronite du Liban, Bechara al Raï, était arrivé lundi à Ryad, où il devrait être reçu par le roi Salman et le prince héritier Mohammed bin Salman.

Il devrait également avoir un entretien avec Saad Hariri.

Son déplacement était prévu avant l'éclatement de la crise entre Ryad et Beyrouth. (Angus McDowall et Sarah Dadouch, avec Parisa Hafezi à Ankara et Stephen Kalin à Ryad, Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser)