Londres (awp/afp) - Stimulé par la perspective d'un resserrement monétaire prolongé aux Etats-Unis, le dollar est revenu mardi au-delà des 150 yens, une première depuis près d'un an et un niveau autour duquel Tokyo était intervenu sur le marché des changes.

Le billet vert est monté jusqu'à 150,16 yens, au plus haut depuis octobre 2022, avant de se replier fortement et vers 17H10 GMT il cédait 0,52% à 149,07 yens.

Le dollar est en pleine remontée face à la monnaie japonaise depuis février, alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) maintient une politique de taux élevés face à l'inflation tandis que la Banque du Japon (BoJ) garde à l'inverse son cap ultra-accommodant.

Le billet vert avait déjà brièvement dépassé les 150 yens en octobre dernier. Il s'agissait alors du plus bas niveau de la monnaie japonaise face au dollar depuis 1990.

Mardi, le dollar a franchi le seuil de 150 yens après l'annonce du nombre de postes vacants fin août aux Etats-Unis, qui a grimpé de façon inattendue, à 9,6 millions, selon les données publiées par le département du Travail dans son rapport JOLTS. Cela indique que les pénuries de main d'oeuvre restent fortes.

Ces données "ont poussé les rendements des obligations américaines à la hausse", entraînant une progression du dollar, estime Michael Hewson, analyste de CMC Markets.

L'activité manufacturière aux Etats-Unis, qui s'est améliorée au mois de septembre, dépassant les attentes des analystes, avait déjà dopé le dollar lundi.

Ces récents chiffres pourraient aussi contribuer à inciter la banque centrale américaine à décider d'une hausse supplémentaire de ses taux directeurs, explique à l'AFP Jane Foley, de Rabobank.

"Nous avons vu un fort mouvement à la hausse hier, et c'était simplement la peur d'une intervention (Ndlr, de la Banque du Japon) qui maintenait jusqu'ici" le dollar "en-dessous de 150 yens", indique l'analyste.

Mardi, de nouveau, les anticipations sur une possible intervention de la BoJ a rapidement interrompu l'envolée au-dessus de 150 yens d'après Michael Hewson, analyste de CMC Markets. La devise nippone a piqué du nez jusqu'à un peu plus de 147 yens pour un dollar avant de rebondir et de se stabiliser vers 149 yens pour un dollar.

Avantages

La faiblesse du yen est en partie positive pour l'économie japonaise, car elle rend les exportations nippones plus compétitives, gonfle artificiellement les bénéfices des entreprises du pays réalisés à l'étranger une fois rapatriés et rend les actions japonaises plus attractives auprès des investisseurs internationaux.

Mais ce mouvement de change renchérit en même temps les importations du pays et affaiblit le pouvoir d'achat des ménages nippons, ce qui oblige le gouvernement à tenter d'atténuer ces effets pervers avec des plans successifs de soutien à la consommation - le prochain devant être dévoilé en octobre.

Le gouvernement japonais a aussi multiplié ces dernières semaines les avertissements aux cambistes, en répétant que les fluctuations excessives n'étaient "pas souhaitables" et qu'aucune option n'était exclue pour y remédier.

Tokyo avait usé du même langage il y a un an avant de sortir l'artillerie lourde: plusieurs interventions sur le marché des changes entre septembre-octobre 2022 pour défendre la monnaie nationale.

Pour la première fois depuis la crise asiatique en 1998, le Japon avait alors puisé plus de 60 milliards de dollars dans ses immenses réserves de devises pour les échanger contre du yen.

Si cette coûteuse manoeuvre avait été efficace à court terme, des analystes avaient fait valoir que la montée du dollar face au yen était inexorable tant que les politiques monétaires américaine et japonaise évolueraient dans des directions contraires.

Cependant la BoJ continue de penser que les conditions ne sont pas encore réunies au Japon pour relever les taux, comme elle prévoit toujours un essoufflement de l'inflation et qu'elle doute encore de l'avènement d'un cycle durable de hausses des salaires.

En outre, un relèvement précipité des taux au Japon serait plus dangereux pour l'économie nationale voire mondiale - et donc plus coûteux in fine - que le maintien du statu quo monétaire, estime la BoJ.

afp/rp