* Des centaines de milliers de manifestants dans les rues

* Les manifestants demandent la formation d'un gouvernement civil

* Seize personnes tuées par des balles perdues jeudi et vendredi (actualisé avec précision)

par Khalid Abdelaziz

KHARTOUM, 13 avril (Reuters) - Le nouveau chef du conseil militaire soudanais qui a déposé le président Omar Hassan el Béchir a promis samedi qu'un gouvernement civil serait formé après des consultations avec l'opposition et que la période de transition ne dépasserait pas deux ans.

Le général Abdel Fattah al Bourhan Abdelrahman, qui a succédé vendredi au ministre de la Défense et dont c'était la première allocution télévisée, a par ailleurs annoncé la levée du couvre-feu nocturne décrété par son prédécesseur et la libération de tous les détenus arrêtés en vertu de l'état d'urgence proclamé par le président déchu.

Les organisateurs des manifestations qui ont entraîné l'éviction d'Omar el Béchir ont toutefois lancé un appel à la poursuite de la mobilisation. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi devant le ministère de la Défense, selon un journaliste de Reuters sur place.

Un témoin a fait état de coups de feu aux abords du ministère. Il s'est ultérieurement avéré qu'il s'agissait de célébrations.

Salah Abdallah Mohamed Saleh, chef des services de renseignement, avait auparavant renoncé à ses fonctions. La veille, le ministre de la Défense Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf, qui avait pris la tête du conseil militaire, avait lui aussi annoncé sa démission.

Plus connu sous le nom de Salah Goch, l'ex-directeur du puissant Service de renseignement et de sécurité national était considéré comme la personnalité la plus influente après le président déchu.

Le général Abdel Fattah al Bourhan Abdelrahman, qui serait plus ouvert au dialogue avec les manifestants, a accepté sa démission, selon l'agence de presse officielle Suna.

"Les islamistes ont maintenant perdu le contrôle et sont sous le choc. Leur capacité à exercer une influence de manière organisée au sein de l'appareil d'Etat semble faible", a commenté le politologue soudanais Khalid al Tidjani.

CRAINTES DE SCISSION DE L'ARMÉE

"Les changements au Soudan sont dus à la pression exercée par les manifestants et l'armée, ainsi qu'à la crainte au sein de l'état major d'une scission des forces armées", a-t-il ajouté.

Peu connu des Soudanais, le nouveau chef du conseil de transition occupait jusqu'ici le troisième rang de la hiérarchie militaire. En tant que chef d'état-major de l'armée de terre, il avait la responsabilité du contingent soudanais engagé au Yémen dans la coalition sous commandement saoudien et entretient à ce titre des relations étroites avec de hauts gradés de la péninsule arabique.

La démission de son prédécesseur samedi soir a donné lieu à des célébrations dans les rues de Khartoum.

"Aujourd'hui, nous continuons à défiler pour faire triompher notre révolution", annonce dans un communiqué l'Association des professionnels soudanais (APS), mouvement à l'origine des manifestations qui ont provoqué la destitution d'Omar el Béchir.

"C'est un pas dans la bonne direction et une reconnaissance des revendications des masses qui nous rapproche de la victoire", s'était félicité la veille son porte-parole Rachid Saïd.

"Nous sommes déterminés à obtenir la mise en oeuvre des demandes que nous avons transmises à l'armée. Nous invitons les masses à rester dans les rues jusqu'à leur application", a-t-il déclaré à Reuters.

Au moins 16 personnes ont été tuées et 20 autres blessées par des balles perdues lors des manifestations et sit-in organisés jeudi et vendredi, a déclaré samedi un porte-parole de la police, précisant que des bâtiments gouvernements et des propriétés privées avaient été attaqués.

"La police regrette que ces incidents se soient produits", a souligné Hachem Ali dans un communiqué. Il a appelé la population civile à ne pas bloquer les routes et à respecter les lois afin de garantir la sécurité de tous.

(Avec Hesham Hajali, Omar Fahmy, Ahmed Tolba et Yousef Saba au Caire; Nicolas Delame, Tangi Salaün, Jean-Philippe Lefief et Jean Terzian pour le service français)