* Le Mali est présenté comme un cas particulier

* Unanimité dans la classe politique française

* Les otages risquent de payer l'intervention de leurs vies

par Yves Clarisse

PARIS, 11 janvier (Reuters) - La France s'est efforcée vendredi de distinguer son intervention militaire au Mali, baptême du feu pour François Hollande, de la défense dans le passé de régimes africains contestés.

Mais si l'opération fait pour le moment la quasi unanimité dans la classe politique, l'opinion pourrait se retourner contre le pouvoir si les otages français dans la région la payaient de leurs vies et si elle provoquait des attentats en France.

Le président français temporisait encore il y quelques jours, affirmant que la France n'interviendrait au Mali qu'une fois l'armée nationale prête au combat, c'est-à-dire pas avant l'automne prochain selon des diplomates français.

Le sort des huit otages français détenus dans la région par des groupes islamistes jouait un rôle dans cette attitude extrêmement prudente, illustrée ailleurs en Afrique par le refus de voler au secours du régime centrafricain menacé.

Mais François Hollande a dû forcer sa nature et agir dans l'urgence après que les forces gouvernementales maliennes eurent été mises en déroute dans la ville stratégique de Konna.

Il s'agissait du dernier rempart entre les insurgés et Mopti, la principale ville de la région située à une cinquantaine de kilomètres de là, dont la prise aurait ouvert la voie jusqu'à la capitale, Bamako.

"Il y va de l'existence même de cet Etat ami, le Mali, de la sécurité de sa population et de celle également de nos ressortissants. Ils sont 6.000 là-bas", a dit le chef de l'Etat en annonçant que l'intervention française avait débuté.

"Les terroristes doivent savoir que la France sera toujours là lorsqu'il s'agit non pas de ses intérêts fondamentaux mais des droits d'une population, celle du Mali, qui veut vivre libre et dans la démocratie", avait-il souligné dans la matinée lors de ses voeux au corps diplomatique accrédité en France.

LA FRANCE N'AGIT PAS EN "GENDARME"

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a expliqué que cette intervention n'avait rien à voir avec les multiples ingérences passées de la France dans ses anciennes colonies pour soutenir des régimes africains menacés.

"Je pense que l'expression 'gendarme' ou autre n'est pas pertinente", a-t-il dit. "Lorsqu'on parlait de 'gendarme de', je crois qu'on avait à l'esprit des interventions peut-être intempestives. Celle-ci manifestement ne l'est pas."

"Si nous intervenons en soutien des forces maliennes, c'est parce que la communauté internationale le demande."

Outre la demande du Mali, le chef de la diplomatie française a évoqué les résolutions de l'Onu autorisant la France à agir, ainsi que les appels de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et de l'Union africaine qui justifient cette intervention de "légitime défense".

L'objectif prioritaire, a-t-il ajouté, n'est d'ailleurs pas la reconquête du nord du Mali aux mains des islamistes.

"Il s'agit essentiellement de bloquer la progression vers le Sud des terroristes criminels", a-t-il ajouté.

"Quand un Etat risque de se noyer, que le terrorisme, pour la première fois, risque de s'installer dans un Etat africain en le dominant et que la vie de plusieurs milliers de ressortissants français est en jeu, alors le problème, ce n'est pas du tout celui de l'enlisement qui n'existera pas, le problème, c'est de tendre la main pour sauver des gens qui sont en train de mourir", a expliqué Laurent Fabius.

UNANIMITÉ POLITIQUE

La décision d'intervenir a d'ailleurs été saluée par la classe politique, du Parti socialiste à l'opposition de droite - "la lutte contre le terrorisme exige l'unité de la Nation au-delà des clivages partisans", a dit l'ancien Premier ministre François Fillon - en passant par le Front national.

La présidente du parti d'extrême droite a parlé d'"intervention légitime". Le seul bémol est venu du co-président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui a parlé d'une décision "discutable".

François Hollande, qui est au plus bas dans les sondages, pourrait donc jouir d'un regain de popularité à la faveur de cette opération, comme celui qu'avait connu Nicolas Sarkozy au début de l'intervention franco-britannique en Libye en 2011.

Mais l'opinion pourrait se retourner si les huit otages français détenus par des groupes islamistes dans la région payaient de leur vie cette intervention.

Les autorités françaises, longtemps hésitantes pour cette raison, ont visiblement décidé qu'il fallait prendre ce risque.

"Nous faisons et nous ferons tout pour sauver nos otages. Mais il faut avoir à l'esprit aussi que ce sont les mêmes groupes (...) qui sont à la fois les preneurs d'otages et qui sont les groupes terroristes qui descendent vers le Sud", a dit Laurent Fabius en disant défendre ainsi la "même cause".

L'autre risque est de voir les groupes islamistes, comme Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) déplacer la lutte sur le territoire français en y commettant des attentats.

Mais là aussi, comme pour les otages, le prix de l'inaction est, selon les autorités, de voir des "terroristes" prendre les rênes d'un pays en Afrique et menacer un jour la France.

"Il faut stopper la percée des terroristes, sinon c'est le Mali tout entier qui tombe en leurs mains avec une menace pour l'Afrique ou pour l'Europe elle-même", a dit Laurent Fabius.