* Très nombreux manifestants place Tahrir, au Caire

* La nomination de Ganzouri ne satisfait pas les opposants

* Washington et l'UE réclament le transfert rapide du pouvoir

par Marwa Awad et Tom Perry

LE CAIRE, 25 novembre (Reuters) - Des dizaines de milliers d'Egyptiens réclamant un régime civil ont envahi vendredi la place Tahrir au Caire pour une journée "de la dernière chance", après une semaine de violences qui ont fait 41 morts.

La manifestation a coïncidé avec la nomination de Kamal Ganzouri à la tête d'un gouvernement de "salut national".

Avec le soutien des syndicats, les contestataires espéraient réunir un million de personnes dans les rues de la capitale égyptienne. Vendredi, jour de la prière, est traditionnellement la journée qui réunit le plus de monde lors des manifestations organisées dans les pays secoués par le "printemps arabe".

Dans le même temps, 5.000 personnes agitant des drapeaux égyptiens ont manifesté en soutien au conseil militaire dans le quartier cairote d'Abbassiya. "L'Egypte ne sera pas gouvernée depuis la place Tahrir", pouvait-on lire sur une banderole.

Le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, président du Conseil suprême des forces armées (CSFA) au pouvoir depuis la chute d'Hosni Moubarak en février, a chargé un ex-Premier ministre de l'ancien régime de former un gouvernement de "salut national", doté des "pleins pouvoirs".

Kamal Ganzouri, septuagénaire, ancien chef du gouvernement à la fin des années 1990, remplace Essam Charaf, qui a démissionné lundi face aux manifestations contre l'armée.

"J'ai demandé au maréchal de me laisser un peu de temps pour former un gouvernement qui satisfera toute la population", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Il a précisé que le gouvernement ne serait pas annoncé avant lundi, jour du début de la première phase des élections législatives.

PRESSION DE LA MAISON BLANCHE

Si Ganzouri est considéré comme un homme politique intègre, ses responsabilités sous le règne du "raïs" sont mal perçues par la rue, qui s'inquiète aussi de son âge (78 ans).

L'annonce de la nomination de Ganzouri a été mal accueillie par la place Tahrir.

"Nous ne voulons pas de quelqu'un qui soit lié à l'ancien régime, on veut un transfert complet des pouvoirs au nouveau gouvernement", explique Mohamed Abdel Kerim, étudiant, qui pense que la nomination de Ganzouri est un stratagème destiné à diviser les manifestants.

L'Union européenne et les Etats-Unis ont demandé vendredi de transférer le plus tôt possible le pouvoir à un régime civil et d'organiser les élections selon le calendrier prévu.

Le CSFA a promis que les élections législatives débuteraient bien lundi. Mais les opérations de vote, lors des trois phases du scrutin, seront étalées sur deux jours au lieu d'un pour éviter "une trop grand affluence et des problèmes de sécurité".

Répondant à la principale revendication des contestataires, les militaires ont en outre promis d'accélérer le transfert du pouvoir aux civils en annonçant que l'élection présidentielle, qui parachèvera la transition, aura lieu en juin, six mois plus tôt que le calendrier initialement prévu.

CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES

Une masse imposante d'hommes, de femmes et d'enfants a convergé vers Tahrir avant les prières du vendredi. Atef Sayed, 45 ans, est venu pour la première fois, avec sa femme et ses enfants.

"Nous sommes venus demander que le conseil militaire remette le pouvoir aux civils et se concentre sur les affaires militaires. Neuf mois ont passé (depuis la chute d'Hosni Moubarak) et beaucoup de choses ont pris la direction inverse de celle voulue par les révolutionnaires", a-t-il dit.

La Fédération des syndicats indépendants avait invité les travailleurs à marcher sur Tahrir. Une autre organisation syndicale avait lancé un mot d'ordre de grève générale en signe de solidarité avec les manifestants. L''hiver dernier, les syndicats avaient joué un rôle important dans le mouvement populaire qui est venu à bout du régime d'Hosni Moubarak.

Les généraux ont par ailleurs présenté leurs excuses pour la mort des manifestants et promis des indemnités aux familles des victimes.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, les manifestants de la place Tahrir et les forces de l'ordre ont conclu une trêve qui a ramené le calme dans le centre de la capitale. Mais des barricades ont été érigées pour fermer la rue Mohamed Mahmoud, scène de violentes échauffourées ces derniers jours.

Au terme d'une semaine ou presque de tension, le retour de ce climat de violence fait craindre à nombre d'Egyptiens que l'économie du pays, où le tourisme joue une part importante, n'ait encore plus de mal à se relever.

Jeudi, la Banque centrale a relevé ses taux directeurs pour la première fois depuis deux ans mais la livre égyptienne est tombée à six livres pour un dollar, pour la première fois depuis janvier 2005. L'agence de notation Standard & Poor's a dégradé la note souveraine à long terme du pays de B+ à BB-.

Ces difficultés économiques pourraient servir la popularité de Kamal Ganzouri. Lors de son passage à la tête du gouvernement, entre 1996 et 1999, il avait pratiquement ramené le budget à l'équilibre, réduit l'inflation et maintenu la stabilité des taux de change.

RENVOI

Pour retrouver la CHRONOLOGIE de la transition post-Moubarak, double-cliquer sur

Pour un ENCADRE sur le processus électoral (avec Shaimaa Fayed, Tamin Elyan, Dina Zayed et Ashraf Fahim; Benjamin Massot et Clément Guillou pour le service français)