Washington (awp/afp) - Seul pays du G20 à être en récession cette année, la Russie devrait rester sur cette tendance en 2023 et même au-delà, a estimé mardi le chef-économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, dans un entretien accordé à l'AFP.

Mais l'Europe ne sera pas épargnée par le choc énergétique provoqué par l'invasion de l'Ukraine, qui vient toucher de plein fouet les principales économies du continent, en particulier l'Allemagne et l'Italie, très dépendante du gaz.

Question : La Russie sera le seul pays du G20 en récession cette année, est-ce que la tendance va se poursuivre à moyen terme?

Réponse : Nous projetons une récession pour 2022, certes moins marquée qu'anticipé initialement mais qui se poursuivra en 2023. Et si l'on regarde au-delà, nous pensons que la tendance se maintiendra à la baisse, il n'y a pas de reprise en vue pour l'économie russe. Cela représentera en cumulé un choc très important.

Néanmoins elle a relativement mieux résisté cette année, nous y voyons deux raisons. Tout d'abord les prix de l'énergie, qui ont eu un effet d'impulsion pour l'économie, et c'est un facteur très important. Ensuite cette économie tient grâce à une combinaison entre le soutien budgétaire apporté et le fait que le secteur bancaire reste à flot, tout cela permettant de stabiliser la demande intérieure. Mais le choc reste malgré tout persistant.

Q : L'Allemagne et l'Italie souffriront particulièrement en Europe, avec une récession attendue en 2023. Doivent-ils s'attendre au pire ou peuvent-il en limiter l'impact?

R : Les deux pays font face à de sérieux vents contraires. L'énergie joue une part importante dans la révision de nos prévisions dans la mesure où ces deux pays sont très dépendants du gaz, qui est devenu très cher.

La conséquence est qu'il y a beaucoup de craintes, dans les foyers et les entreprises, en particulier dans les secteurs très dépendants de l'énergie. En ce sens, une réponse budgétaire peut être adaptée afin de soutenir les foyers les plus vulnérables et les secteurs critiques.

Mais (...) il faut s'assurer qu'elle ne viendra pas renforcer cette crise en venant stimuler la demande, avec par exemple un prix plafond qui viendrait limiter le coût pour les consommateurs.

D'autant que la banque centrale européenne tente de faire baisser l'inflation, ce qui passe par une baisse de la demande, le soutien budgétaire ne doit donc pas aller en direction inverse. Mais c'est un exercice difficile pour les gouvernements.

Q : La France semble de son côté un peu plus épargnée. Cela signifie-t-il pour autant que le pays sera capable d'éviter la récession?

R: Il y avait une croissance plus élevée que certains pays européens en 2022 mais nous anticipons un ralentissement en 2023, à 0,7% de croissance. Il a un peu les mêmes causes qu'ailleurs en Europe, le pays est touché par les prix de l'énergie, dans la mesure où le marché de l'énergie en Europe est en partie intégré. Il est aussi lié au ralentissement de la croissance de nos partenaires, car l'Allemagne et l'Italie sont des partenaires commerciaux très importants. Enfin, le resserrement des conditions financières produit également un effet.

On part d'une situation où le marché du travail est assez robuste, avec un niveau de chômage historiquement relativement bas (...), on n'est donc pas encore en récession. Mais cela reste fragile, des chocs supplémentaires peuvent faire dérailler la trajectoire.

Il faut par ailleurs se rappeler que la crise énergétique va être persistante, elle ne concerne pas que cet hiver, la réorientation énergétique va être durable, cela va prendre du temps, il n'est pas certain que ces problèmes soient résolus dans un an.

afp/rp