par Jean-Baptiste Vey

Le déficit passera ainsi de 8% du produit intérieur brut (160 milliards) fin 2010 à 6% (120 milliards) fin 2011, aidé aussi par un rebond des recettes fiscales (11 milliards) et la fin du plan de relance (15 milliards), a-t-il précisé lors du débat d'orientation budgétaire à l'Assemblée nationale.

"Nous avons aujourd'hui entre nos mains la 'soutenabilité' présente et future de nos finances publiques", a déclaré le ministre du Budget devant les députés.

"C'est une inflexion de la dépense qui n'a jamais été réalisée" mais qui est aujourd'hui nécessaire "car la responsabilité de l'Etat est de protéger notre pays d'un endettement excessif qui est la gangrène de la souveraineté."

Sur les 30 missions de l'Etat, près de la moitié verront leurs crédits baisser. Cent mille postes de fonctionnaires seront supprimés en trois ans et les niches fiscales et sociales seront réduites à hauteur de 8,5 à 10 milliards d'euros sur 2011 et 2012, le détail devant être précisé au cours de l'été.

Ramener le déficit à 6% fin 2011 "est un objectif intangible et absolu et nous nous donnerons tous les moyens nécessaires d'y parvenir", avait auparavant dit François Baroin aux Echos.

"Je ne cache pas sa difficulté : la France n'a jamais accompli un effort aussi considérable, y compris pour se 'qualifier' à l'euro au milieu de la décennie précédente."

FORTES INCERTITUDES

La réduction du déficit à 6% est censée être le premier pas avant d'atteindre 4,6% en 2012 et 3% en 2013, l'engagement pris par les autorités françaises devant leurs partenaires européens.

Cette trajectoire, qui suppose un effort de 100 milliards d'euros en trois ans, soit plus de 1.500 euros par habitant en France, serait le plus important effectué dans le pays depuis au moins un demi-siècle. Et les incertitudes sont fortes.

Premier point central qui pourrait être modifié d'ici la présentation du projet de budget, la prévision de croissance du gouvernement pour 2011, qui, à 2,5%, est supérieure à celles de la plupart des économistes et institutions internationales.

La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a répété mardi à l'Assemblée qu'elle pourrait l'abaisser après la publication mi-août des chiffres de la croissance au deuxième trimestre. "Je ne l'exclus pas mais je ne le prévois pas non plus."

Le rapporteur général de la commission des Finances, le député UMP Gilles Carrez, a estimé pour sa part qu'une croissance de 2% permettrait déjà à elle seule une hausse spontanée des recettes d'environ 10 milliards d'euros.

Des économistes comme le président délégué du Conseil d'analyse économique, Christian de Boissieu, estiment d'autre part que l'évolution des taux d'intérêt en 2011, et donc de la charge de la dette, est très incertaine.

Le président de la commission des Finances, le socialiste Jérôme Cahuzac, a déclaré que "toutes les bonnes paroles, toutes les mesures les plus martialement annoncées, rien de tout cela ne pourra remplacer les recettes fiscales qui furent abandonnées de manière excessive ces dix dernières années".

"Et vous ne le pouvez pas", a-t-il lancé à l'adresse du gouvernement, "car le rétablissement de nos finances publiques se heurte à un dogme politique, le dogme du bouclier fiscal".

"Ma crainte est qu'il ne s'agit pas d'un changement de politique, que nous allons continuer hélas comme avant et que la facture pour le pays sera, je le crains, beaucoup plus lourde qu'elle ne l'est déjà", a poursuivi Jérôme Cahuzac.

LA FRANCE SOUS SURVEILLANCE

Aux incertitudes économiques s'ajoutent en effet une forte incertitude politique, le plan triennal étant à cheval sur 2012, année d'élections présidentielle et législatives, période en général peu propice au redressement des finances publiques.

Les déficits, "on les a réduits en augmentant les impôts et en baissant les dépenses et en perdant les élections naturellement en 1997. Egalement en 1988 d'ailleurs !", a plaisanté l'ancien Premier ministre Alain Juppé vendredi lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

Jacques Attali, ancien conseiller spécial du président socialiste François Mitterrand, a pour sa part déclaré à Reuters que "personne ne pourra être élu président de la République s'il n'applique pas un programme de rigueur".

Le projet de budget sera présenté en septembre en conseil des ministres et débattu en octobre au Parlement.

Plus que jamais auparavant, la réduction des déficits sera surveillée par les investisseurs, échaudés par la crise des dettes publiques en Europe, par les agences de notation, et par les partenaires européens de la France, dont la plupart prévoient d'importantes coupes budgétaires, à l'image de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne.

Edité par Yves Clarisse