par Emmanuel Jarry

La communication tient une place importante dans cette stratégie mise au point à l'Elysée et appliquée par le Premier ministre François Fillon et le ministère de l'Economie.

But de l'exercice : rassurer les marchés, convaincre la Commission européenne et les partenaires de la France que celle-ci fait ce qu'il faut pour ramener ses déficits publics de 8% en 2010 à 3% en 2013, habituer l'opinion à l'idée de rigueur sans prononcer le mot, sans effaroucher les Français ni susciter des mouvements sociaux ou briser une reprise économique fragile.

"La ligne de crête est étroite", souligne l'économiste Christian de Boissieu, membre du Conseil d'analyse économique (CAE) du Premier ministre. "La Grande-Bretagne et l'Allemagne donnent le sentiment de taper plus fort et plus vite mais il ne faut pas casser la croissance."

"Nous sommes tous poussés à nous ajuster sur celui qui va le plus vite. Mais il faut tenir le cap", ajoute-t-il. "Au total, il faut faire comme les autres mais en distribuant différemment les efforts dans le temps."

Hormis la Grèce, l'Espagne et le Portugal, auxquels les autres pays de la zone euro n'ont pas donné le choix, c'est l'Allemagne qui a tiré la première le 7 juin avec un plan d'économie de 80 milliards d'euros en quatre ans.

Le ministre britannique des Finances George Osborne a pour sa part présenté mardi un programme de réduction des dépenses de l'Etat de 25% en cinq ans, assorti d'une hausse de la TVA à 20% au lieu de 17,5% l'année prochaine.

LES TROIS TEMPS DU PLAN FRANÇAIS

François Fillon a annoncé une stabilisation des dépenses de l'Etat en valeur (sans correction de l'inflation), hors charge de la dette et pensions, et une réduction de 10% en trois ans des dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'Etat.

Objectif : réduire dans le même temps les déficits publics français de 45 milliards d'euros, auxquels doit s'ajouter un coup de rabot de cinq milliards d'euros sur les niches fiscales.

Mais pas de plan tout ficelé à l'allemande ou à la britannique : les mesures concrètes pour parvenir à ces objectifs se font encore attendre et le gouvernement n'entend les dévoiler que progressivement d'ici l'automne.

"Nous préférons agir de façon ciblée", explique la ministre de l'Economie Christine Lagarde dans une interview aux Echos. "Tout cela n'est peut-être pas de la communication choc mais nous avançons étape par étape, par séquences successives."

Il y a ainsi eu la réforme des retraites, présentée la semaine dernière et dont le gouvernement estime qu'elle est le meilleur moyen de consolider les finances publiques, parce qu'il n'a pas aujourd'hui d'impact sur la demande.

La deuxième étape est en cours : ce sont les mesures de réduction des dépenses, qui seront annoncées en juillet, lors de l'envoi des "lettres plafond" aux différents ministères.

Le gouvernement n'a a priori aucun tabou. Les pistes considérées vont de l'étalement ou l'abandon d'investissements militaires à la réduction de prestations ou d'avantages sociaux en passant par le renoncement à des investissements culturels.

Un des objectifs gouvernementaux est aussi la stabilisation de la masse salariale de la fonction publique.

Pour ce faire, le gouvernement maintient la règle du non remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux - soit la suppression d'environ 100.000 postes en trois ans.

L'INCONNUE DE LA CROISSANCE

Mais il considère aussi la possibilité de geler au moins partiellement les traitements dans la fonction publique, en jouant sur le point d'indice ou les augmentations catégorielles, deux des composantes de leur évolution.

Si elle n'est pas à ce stade condamnée, l'augmentation de 0,5% du point d'indice programmée pour le 1er juillet n'est pas non plus acquise - son maintien ou non semble faire débat.

En tout état de cause, le gouvernement attend, pour prendre des décisions, de voir comment se déroulent les négociations salariales qui s'ouvrent vendredi dans la fonction publique.

Troisième étape, qui colle également au calendrier de la procédure budgétaire : les annonces sur les niches fiscales, au moment de la présentation du budget 2011, en septembre.

Reste une inconnue de taille : le gouvernement a fait le pari d'un fort rebond de l'activité en 2011, avec une prévision de croissance du PIB de 2,5% en 2011. Mais celle-ci, qui date d'avant les crises grecque et espagnole et la multiplication des plans d'austérité, est jugée trop optimiste par les économistes.

"J'aviserai après lecture des résultats du deuxième trimestre 2010 qui seront connus mi-août", déclare la ministre de l'Economie et des Finances dans Les Echos.

Si le gouvernement est alors contraint à réviser à la baisse ses prévisions de croissance, il devra se montrer encore plus exigeant en matière d'économies. "D'une manière générale et absolument certaine, il va falloir en faire plus que ce que pensent tous les ministres !", dit déjà Christine Lagarde.

A moins de se résoudre à augmenter les impôts au-delà de la réductions des niches fiscales, ce à quoi le gouvernement se refuse jusqu'ici : "Nous n'envisageons pas un relèvement général des impôts", a réaffirmé à Reuters une source gouvernementale.

Edité par Yves Clarisse