par Neha Dasgupta et Jonathan Spicer

BOMBAY/NEW YORK, 31 janvier (Reuters) - La décision de la Réserve fédérale américaine de continuer à réduire son soutien à l'économie lui a valu vendredi des critiques du gouverneur de la banque centrale indienne tandis que le Fonds monétaire international (FMI) appelait à la vigilance face aux tensions sur les marchés financiers.

La Fed a décidé mercredi, comme attendu, de réduire de 10 milliards de dollars supplémentaires ses achats mensuels d'obligations sur les marchés, son principal outil de stimulation de l'activité économique. (voir: )

Ce choix est intervenu alors que les devises et les Bourses de plusieurs pays émergents sont en pleines turbulences, certains investisseurs craignant que la baisse des injections de liquidités aux Etats-Unis ne déclenche un mouvement de retrait de capitaux des marchés jugés les plus vulnérables.

S'exprimant pour la première fois vendredi sur ce risque, plusieurs responsables de la Fed ont laissé entendre qu'elle ne se laisserait pas distraire tant que l'économie américaine ne serait pas menacée.

Auparavant à Bombay, le gouverneur de la Reserve Bank of India, Raghuram Rajan, avait déclaré que les Etats-Unis "devraient se préoccuper des effets de leurs politiques sur le reste du monde".

"Nous aimerions vivre dans un monde où les pays prennent en compte l'impact de leurs politiques sur les autres pays et font ce qui est juste, pas seulement ce qui juste au regard de la situation de leur propre pays", a-t-il dit lors d'un débat organisé par un quotidien indien.

En écho à ses propos, le Fonds monétaire international (FMI), pour lequel il a longtemps travaillé, a appelé vendredi toutes les banques centrales à faire en sorte que les tensions sur les marchés des pays en développement ne débouche pas sur une crise mondiale de liquidité.

LES RESPONSABLES DE LA FED TIENNENT LE CAP

"Les turbulences soulignent aussi la nécessité pour les banques centrales d'être vigilantes quant aux conditions de liquidités des marchés internationaux de capitaux", a dit un porte-parole de l'organisation internationale.

Ces pressions plus ou moins directes ne semblent toutefois pas en mesure d'infléchir la politique de la Fed, qui devrait la conduire avant la fin de l'année à cesser totalement ses achats de titres sur les marchés.

"Pour l'instant, je ne vois rien dans ce qui s'est passé depuis un mois sur les marchés qui puisse remettre en cause fondamentalement l'amélioration de la conjoncture de l'économie américaine et l'amélioration du marché du travail", a ainsi déclaré John Williams, le président de la Fed de San Francisco, vendredi à la chaîne de télévision Fox Business.

Il a ajouté que le comité de politique monétaire réuni mardi et mercredi avait débattu des marchés émergents mais il a jugé que la banque centrale ne devait pas accorder trop d'importance aux "évolutions à court terme".

Son homologue de la Fed de Kansas City, Esther George, a elle aussi réaffirmé son soutien à la diminution des achats d'obligations.

Quant à Richard Fisher, le président de la Fed de Dallas, il est allé plus loin encore, estimant que des pays comme la Pologne et le Mexique, qui ont utilisé les flux de capitaux des dernières années pour restructurer leur économie, s'accommoderaient sans difficulté de la diminution du soutien de la Fed, alors que d'autres, comme le Brésil, auraient plus de mal.

Ce débat à distance entre responsables de banques centrales intervient au moment même où Janet Yellen succède à Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale américaine.

Pour Raghuram Rajan, c'est la coordination des politiques monétaires à l'échelle mondiale fait aujourd'hui défaut.

"Les pays industriels ont un rôle à jouer pour corriger cela, et ils ne peuvent pas se contenter de s'en laver les mains en disant: 'nous ferons ce que nous devons faire, à vous de procéder aux ajustements dont vous avez besoin'", a-t-il dit à Bloomberg India TV.

(Marc Angrand pour le service français)