* Le gouvernement prône le retour à la stabilité

* L'opposition est déçue par le résultat mais n'appelle pas à manifester

* Washington exhorte les Egyptiens à surmonter leurs divisions

par Yasmine Saleh et Maria Golovnina

LE CAIRE, 25 décembre (Reuters) - Le projet contesté de Constitution égyptienne a été approuvé par 63,8% des voix exprimées lors du référendum des 15 et 22 décembre, a annoncé mardi soir la commission électorale, dont le résultat est conforme aux estimations diffusées depuis ce week-end.

La victoire du "oui" ouvre la voie à des élections législatives dans un délai de deux mois environ. Ce scrutin risque de nouveau de polariser l'Egypte entre le bloc islamiste, vainqueur des trois consultations électorales depuis la chute d'Hosni Moubarak, et une opposition disparate mais qui a resserré les rangs à l'occasion de la campagne référendaire.

Le président Mohamed Morsi, qui considère que le texte constitutionnel garantit une protection suffisante aux minorités, a souligné que son adoption rapide était nécessaire pour sortir de la longue et turbulente période post-révolutionnaire qui a mis à mal à l'économie du pays.

"J'espère que toutes les puissances de la nation vont se mettre à présent à travailler ensemble pour construire une nouvelle Egypte", a commenté Mourad Ali, un des cadres du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation politique des Frères musulmans dont est issu Mohamed Morsi.

"Je la considère comme la meilleure constitution dans l'histoire de l'Egypte", a-t-il dit à Reuters.

Mais l'opposition ne se reconnaît pas dans une constitution qu'elle juge dangereuse pour les libertés, les droits des femmes et des minorités, dont les chrétiens coptes (10% de la population). "Il nous faut une meilleure Constitution. Celle-ci ne représente pas l'ensemble des Egyptiens", a réagi mardi soir Khaled Dawood, l'un des porte-parole de l'opposition.

SURMONTER LES DIVISIONS

A l'annonce des résultats officiels, un petit groupe de manifestants a incendié des pneus et bloqué la circulation près de la place Tahrir, le berceau du soulèvement contre Hosni Moubarak en janvier-février 2011.

Mais on ne signalait pas de violences ou de manifestations de l'ampleur de celles qui ont précédé le référendum, organisé en deux phases à sept jours d'intervalle. Et les partis d'opposition, s'ils dénoncent des irrégularités dans le déroulement du référendum, n'ont pas appelé à manifester.

Certains commentateurs estiment que la méthode forte employée par le chef de l'Etat pour faire passer le texte n'a fait que galvaniser ses opposants, et le prive d'un consensus national pour affronter les problèmes économiques au moment où Le Caire tente de boucler les négociations avec le FMI sur l'octroi d'un prêt équivalent à 3,6 milliards d'euros.

Les Etats-Unis, qui fournissent une aide militaire et civile de plusieurs milliards de dollars chaque année au Caire, ont appelé les responsables égyptiens, Mohamed Morsi au premier chef, à surmonter leurs divisions.

"Le président Morsi, en sa qualité de dirigeant démocratiquement élu d'Egypte, porte une responsabilité particulière pour avancer d'une manière qui reconnaisse l'urgente nécessité de surmonter les divisions", a déclaré le porte-parole du département d'Etat dans un communiqué.

De nombreux Egyptiens, a ajouté Patrick Ventrell, ont exprimé des "inquiétudes significatives" quant au processus qui a abouti à l'adoption de la nouvelle Constitution.

Au nom de l'Union européenne, Catherine Ashton, Haute Représentante pour la politique étrangère et de sécurité commune, a elle aussi appelé au "dialogue entre toutes les parties afin de progresser encore vers une démocratie profonde et durable".

Elle aussi estime qu'un rôle particulier incombe à cet égard à Mohamed Morsi. Dans la même phrase de son communiqué, elle prend note de la victoire du "oui" et de la participation, inférieure à 33% des inscrits (32,9% selon les chiffres de la commission électorale).

STABILITÉ ET SÉCURITÉ

Alors que l'agence de notation américaine Standard & Poor's a abaissé lundi la note souveraine à long terme de l'Egypte, le gouvernement a décidé de plafonner à 10.000 dollars les mouvements d'argent afin d'atténuer la pression sur la livre égyptienne et de prévenir tout retrait d'argent massif de la part des épargnants.

Dans un communiqué publié avant l'annonce des résultats officiels, le Premier ministre, Hicham Kandil, a "souligné l'importance de la stabilité politique et de la sécurité pour la période à venir, pour que les investisseurs étrangers puissent revenir sur le marché égyptien, ainsi que les rentrées du tourisme qui aident à soutenir les réserves en devises et à réduire le déficit budgétaire".

"Les principaux objectifs sur lesquels travaille aujourd'hui le gouvernement sont la réduction du déficit budgétaire, et l'augmentation de la croissance pour augmenter l'emploi, réduire l'inflation et accroître la compétitivité des exportations égyptiennes", a-t-il ajouté.

Mohamed Morsi a renoncé à augmenter des taxes sur de nombreux produits comme les boissons alcoolisées, le tabac ou les téléphones mobiles peu avant la première phase du référendum, mais il pourrait devoir revenir sur ces décisions pour obtenir le déblocage du prêt du Fonds monétaire international.

Le déficit budgétaire égyptien a atteint 11% du produit intérieur brut dans l'année fiscale à juin 2012 et devrait dépasser cette année encore les 10% du PIB. La dette publique représente 70% de la richesse nationale, un montant très élevé pour un pays en développement.

RENVOI

Pour retrouver l'ENCADRE sur le contenu du projet de constitution, double-cliquer sur (avec Marwa Awad au Caire et Andrew Quinn à Washington; Jean-Stéphane Brosse, Julien Dury et Henri-Pierre André pour le service français)