* La Chine mène des exercices militaires près de Taïwan

* Taipei dénonce l'intrusion d'avions de chasse chinois

* Le Japon rapporte que cinq missiles ont atterri dans sa zone économique exclusive

par Yimou Lee et Sarah Wu

TAIPEI, 4 août (Reuters) - La Chine a déployé jeudi un grand nombre d'avions et effectué des tirs de missiles près de Taïwan dans ce qui constitue ses plus importantes manoeuvres militaires jamais menées dans le détroit de Taïwan, au lendemain de la visite sur l'île de la présidente de la Chambre américaine des représentantes, Nancy Pelosi, pour afficher sa solidarité avec Taipei.

D'après la télévision publique chinoise, l'armée chinoise a confirmé avoir tiré plusieurs missiles conventionnels au large de Taïwan dans le cadre d'exercices programmés dans six zones proches de l'île, de jeudi à dimanche midi (04h00 GMT).

Plus de 100 avions, parmi lesquels des chasseurs et des bombardiers, ont été mobilisés, ainsi que plus de dix bâtiments de guerre, a précisé CCTV.

Le ministère taïwanais de la Défense a indiqué avoir envoyé des avions de combat pour éloigner 22 avions de chasse chinois ayant pénétré dans la zone de défense aérienne de l'île.

Le Japon a pour sa part dénoncé l'arrivée de cinq missiles dans sa zone économique exclusive.

A Pékin, un porte-parole du ministère chinois de la Défense a déclaré que "la collusion entre les Etats-Unis et Taiwan et leur provocation vont seulement pousser Taïwan vers l'abyme du désastre, avec une catastrophe pour les compatriotes taïwanais".

Réagissant aux exercices militaires chinois, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a dit que l'île ne provoquerait aucun conflit mais défendrait avec fermeté sa souveraineté et sa sécurité nationale, alors que Pékin n'exclut pas de recourir à la force pour ramener dans son giron ce qu'il considère comme une province renégate.

"Taïwan ne sera jamais assommé par les défis", a-t-elle dit dans un message vidéo à l'adresse de la population de l'île. "Nous sommes calmes et non impétueux, rationnels et pas provocateurs, mais nous serons aussi fermes et nous ne nous ferons pas petits."

La Chine avait prévenu à plusieurs reprises des conséquences d'une possible visite de Nancy Pelosi à Taïwan, la décrivant comme une provocation à même d'alimenter les tensions et de nuire à la sécurité régionale.

Avant même de lancer officiellement ses manoeuvres, l'armée chinoise avait envoyé à plusieurs reprises jeudi matin des navires de guerre et des avions dans le détroit de Taïwan, selon une source taïwanaise au fait de la question.

"IRRATIONNEL"

Par la suite, des bâtiments de guerre chinois et taïwanais se sont fait face alors que Taipei a aussi déployé des avions de chasse et des systèmes de missile afin de traquer les activités militaires chinoises.

En dépit des craintes que Pékin pourrait décider de tirer un missile sur l'île, la vie à Taïwan poursuivait son cours normal.

"Quand la Chine dit qu'elle veut annexer Taïwan par la force, ce n'est pas nouveau", a déclaré Chen Ming-cheng, agent immobilier âgé de 38 ans. "De mon point de vue, ils essaient de détourner la colère publique, la colère de leur propre peuple, contre Taïwan."

Taipei a dénoncé des cyberattaques visant les sites internet du ministère de la Défense, du ministère des Affaires étrangères et de la présidence taïwanaise, prévenant d'une "guerre psychologique" à venir.

La visite de Nancy Pelosi, première "speaker" de la Chambre et plus haute responsable américaine à se rendre à Taïwan depuis 25 ans, est un acte "maniaque, irresponsable et hautement irrationnel", a déclaré le chef de la diplomatie chinoise, cité par la télévision publique.

S'exprimant au Cambodge au cours d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays d'Asie du Sud-Est, Wang Yi a ajouté que la Chine avait tenté d'éviter une crise par le biais diplomatique mais qu'elle ne tolérerait jamais des atteintes contre ses intérêts majeurs.

Nancy Pelosi a salué durant sa visite à Taïwan la démocratie locale et exprimé la solidarité américaine avec l'île, avec laquelle les Etats-Unis n'ont pas de relations diplomatiques officielles mais dont ils sont le principal fournisseur d'armes.

"Notre délégation est venue à Taïwan pour montrer sans équivoque que nous n'abandonnerons pas Taïwan", a dit Nancy Pelosi, accompagnée sur l'île par six membres du Congrès américain, lors de sa rencontre avec Tsai Ing-wen, que la Chine considère désireuse d'obtenir l'indépendance de Taïwan - une ligne rouge pour Pékin.

En guise de protestation, la Chine a convoqué l'ambassadeur des Etats-Unis à Pékin et a suspendu des importations agricoles en provenance de Taïwan.

Les Etats-Unis ainsi que les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 ont prévenu la Chine de ne pas utiliser la visite de Nancy Pelosi comme prétexte pour lancer une action militaire contre Taïwan.

(Reportage Yimou Lee et Sarah Wu, avec Tony Munroe, Ryan Woo et Martin Quin Pollard à Pékin, Fabian Hamacher à Taipei; version française Jean Terzian, édité par Jean-Stéphane Brosse)