par Marius Zaharia et Anirban Nag

LONDRES, 1er décembre (Reuters) - La Banque nationale suisse (BNS) pourrait appuyer les efforts de la Banque centrale européenne (BCE) contre la déflation en consacrant à l'achat d'obligations de la zone euro, françaises et belges notamment, les euros qu'elle amasse pour freiner la hausse du franc.

Les marchés s'attendent à ce que la BCE lance l'an prochain un programme d'achat d'obligations souveraines, qui aurait entre autre pour objectif d'affaiblir l'euro.

Mais une telle politique d'assouplissement quantitatif (QE) mettrait à l'épreuve l'engagement pris par la BNS il y a trois ans de ne pas laisser le franc suisse franchir le seuil de 1,20 pour un euro. Or les analystes s'attendent à ce que la BNS soit bientôt obligée d'intervenir sur les marchés pour faire baisser le franc, en achetant des euros.

Ces euros auraient vocation à être réinvestis dans des obligations souveraines parmi les mieux notées mais la BNS pourrait ne pas se contenter des Bunds allemands, dont les rendements sont quasi-nuls.

"Cela placerait la France et la Belgique en bonne position", estime Michael Leister, responsable de la stratégie taux de Commerzbank à Francfort.

Les obligations françaises et belges offrent actuellement les écarts de rendement les plus importants par rapport aux Bunds parmi les pays notés en catégorie "double A", la plus risquée à laquelle les banques centrales peuvent consacrer des montants importants, expliquent des traders.

Les spéculations sur une possible intervention de la BNS sur le marché des changes, après deux ans d'absence, ont contribué à la surperformance des obligations françaises et belges la semaine dernière dans la zone euro. Le rendement à 10 ans français est ainsi tombé jeudi pour la première fois sous 1% .

LA PRESSION DEVRAIT REMONTER

Ces rumeurs ont redoublé lorsque le franc a atteint son plus haut niveau depuis 26 mois, porté par l'inquiétude liée à la votation populaire sur l'augmentation des réserves d'or de la banque centrale helvétique. Cette initiative a été rejetée dimanche et le franc refluait lundi mais des analystes estiment que le seuil de 1,20 euro pourrait bientôt être de nouveau testé.

"Cela se traduira par une BNS plus proactive, qui souhaitera augmenter son bilan et défendre le 'peg' (le lien franc-euro)", estime Peter Rosenstreich, responsable de l'analyse devises de Swissquote Bank à Genève.

Les dettes "triples A" constituent aujourd'hui près de deux tiers des avoirs obligataires de la BNS, les "double A" un peu moins d'un tiers.

Entre septembre 2011 et septembre 2012, la BNS a porté ses réserves de change à environ 460 milliards de francs (382 milliards d'euros au cours actuel), l'équivalent d'environ 70% du produit intérieur brut (PIB) helvétique, afin d'empêcher le franc de s'apprécier au-delà du seuil de 1,20 pour un euro.

Aujourd'hui, l'euro représente près de 45% de ses réserves de change, contre 57% au plus fort de la crise de la zone euro, lorsqu'elle intervenait massivement.

Pour Peter Rosenstreich, ce ratio pourrait remonter si le plafond du franc est de nouveau testé.

"A moyen terme, on va assister à un retour de la pression sur le lien euro/franc suisse avec l'assouplissement de la politique de la BCE et des sorties de capitaux d'une zone euro qui va sous-performer", dit-il.

La BNS ne publie pas le détail de ses avoirs en actifs de la zone euro mais précise qu'environ 73% de ses investissements en devises étrangères vont aux obligations d'Etat.

L'euro a touché lundi un plus haut de trois semaines face au franc à 1,2040 avant de refluer vers 1,2030 en fin de journée en Europe. (avec John Geddie, Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)