Et les Etats-Unis sont considérés comme la principale menace s'ils décidaient d'appliquer unilatéralement de nouvelles règles contraignantes à des banques non-américaines.

Plus largement, le secteur redoute de voir certains pays s'engager dans une surenchère réglementaire afin de pouvoir s'afficher comme les places financières les plus sûres au monde, quitte à imposer leurs règles à d'autres nations.

Même s'ils assurent vouloir assurer un traitement équitable au niveau mondial, les Etats-Unis sont de plus en plus décrits comme un Etat voyou, forts de la "règle Volcker" sur le cantonnement des activités à risque des banques et de leur volonté de mettre en oeuvre rapidement des réformes des marchés de produits dérivés.

La pression sur Washington s'est accentuée ces dernières semaines, plusieurs pays exprimant leur préoccupation au secrétaire au Trésor Timothy Geithner et au président de la Réserve fédérale Ben Bernanke.

"Dans cette période de tension sur les marchés financiers, je souhaite m'assurer que ce dialogue sur la réglementation favorisera une coopération permettant de minimiser toute conséquence non souhaitée que pourraient avoir des réformes réglementaires des deux côtés de l'Atlantique", a écrit le mois dernier à Ben Bernanke le ministre britannique des Finances George Osborne.

Le commissaire européen au Marché intérieur Michel Barnier devrait évoquer le dossier avec Tim Geithner dans les jours à venir.

Bien sûr, l'Union européenne n'est pas en reste en matière de régulation, qu'il s'agisse de sa volonté de mieux encadrer les agences de notation et les "hedge funds" ou de la directive communautaire MiFID.

"UN CANARD DANS UN CHAMP DE TIR"

Celle-ci prévoit que les sociétés extérieures à l'UE ne peuvent y opérer qu'à la double condition d'être soumises dans leur pays d'origine à des règles équivalentes à celles de l'Union et d'offrir un droit réciproque d'accès à leur marché.

Problème: la multiplication sans précédent des mesures de régulation dans le monde rend inévitables les inégalités de traitement et complique le règlement des différends.

"La question de l'extraterritorialité pose problème et ralentit tout. Beaucoup de gens sont en train de prendre conscience de ce qu'est la règle Volcker, mais ce serait au Congrès de changer les règles", explique un responsable international en matière de régulation, contraint de conserver l'anonymat en raison du caractère politiquement sensible du dossier.

David Lawton, directeur des marchés de la Financial Services Authority (FSA) britannique, a déclaré la semaine dernière qu'il faudrait "des années, des années et des années d'analyses" aux régulateurs pour déterminer si deux régimes sont équivalents.

Des entreprises américaines craignent par ailleurs que les propositions de durcissement des transactions sur les dérivés dans leur pays ne soient pas assorties du caractère extraterritorial suffisant pour priver leurs concurrents étrangers d'un avantage concurrentiel.

Pendant que les Etats-Unis et l'Europe engagent le bras de fer, l'Asie joue les spectateurs, au risque d'entretenir la confusion et de favoriser la fuite des capitaux.

"Les banques multinationales en Asie ont de bonnes raisons de se sentir dans la peau d'un canard dans un champ de tir", estime Alan Ewins, associé du cabinet juridique Allen & Overy à Hong Kong.

RÉCIPROCITÉ

Les inégalités de traitement incitent déjà certaines banques à envisager la création de filiales leur permettant de faire des affaires en Asie en contournant les règles américaines et européennes, note de son côté Chris Bates, responsable des services financiers du cabinet Clifford Chance à Londres.

Tim Geithner a reconnu l'existence des tensions liées à l'extraterritorialité lors d'une conférence de presse la semaine dernière. Il a appelé les partenaires des Etats-Unis à ne pas adopter des règles plus souples pour attirer certaines activités hors des marchés américaines.

"Et parce que, dans certains domaines, les réformes américaines sont plus dures ou simplement différentes des règles prévues pour d'autres marchés, nous devons trouver une solution raisonnable permettant d'appliquer ces règles aux activités étrangères des entreprises américaines et aux activités américaines des entreprises étrangères", a-t-il dit jeudi à des journalistes à Londres.

Ses propos ont été salués par plusieurs acteurs du marché, tout comme la publication le même jour d'un rapport de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) et de la Securities and Exchange Commission (SEC), deux gendarmes des marchés américains, soulignant les risques de déséquilibres réglementaires sur les marchés de dérivés.

"Le document de la CFTC montre que des gens sont en train de prendre conscience des problèmes d'extraterritorialité et vont charger le Conseil de stabilité financière de créer des règles communes", déclare Alex McDonald, directeur général de la Wholesale Markets Brokers' Association à Londres.

Le CSF est l'organe réglementaire du G20 chargé de mettre en oeuvre les engagements du groupe en matière financière.

"Cela équivaut finalement à une reconnaissance de la nécessité pour chacun de reconnaître les règles des autres et c'est la première fois que je la vois formellement reconnue", note Alex McDonald.

Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat

par Huw Jones