par Robin Paxton et Sabina Zawadzki

Une mission d'information de l'UE doit rencontrer mardi des responsables du monopole russe d'exportation Gazprom, même si ce différend ne menace pas dans l'immédiat les consommateurs européens, a précisé un porte-parole de la Commission de Bruxelles.

L'exécutif européen a ajouté que cette rencontre aurait lieu dans une capitale européenne mais que le lieu n'avait pas été confirmé.

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a ordonné de son côté lundi à Gazprom de priver l'Ukraine du volume de gaz transitant sur son territoire que Moscou accuse Kiev de détourner.

Le directeur général de Gazprom, Alexei Miller, a chiffré ce volume à 65,3 millions de mètres cubes, lors d'un entretien avec Poutine dans la résidence du Premier ministre près de Moscou. "Oui, coupez-le aujourd'hui", a répondu l'ancien président.

Gazprom a précisé qu'il augmenterait ses fournitures de gaz à l'Europe par des voies d'approvisionnement autres que l'Ukraine.

La Russie accuse l'Ukraine de détourner pour son marché intérieur du gaz transitant sur son sol et destiné à l'exportation. Pour Kiev, Moscou coupe au contraire délibérément ses flux gaziers destinés à l'Europe et l'Ukraine appelle l'UE à envoyer un signal de fermeté à la Russie.

Gazprom a coupé ses approvisionnements gaziers à l'Ukraine le 1er janvier dernier en raison d'un différend qui ne semble pas prêt de s'apaiser sur la dette de Kiev et sur le prix du gaz lui étant destiné.

APPROVISIONNEMENTS PERTURBÉS

Cette situation inquiète les pays européens, qui reçoivent un cinquième de leur approvisionnement via des gazoducs traversant l'Ukraine.

"Comme nous sommes le principal marché pour le gaz russe (...) nous avons un intérêt évident à faire pression sur ces parties (Moscou et Kiev) pour trouver le plus vite possible un accord qui soit définitif", précise le porte-parole de la Commission, Johannes Laitenberger.

Des perturbations dans les approvisionnements gaziers ont déjà touché la Turquie, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie lundi, ont déclaré des groupes du secteur de l'énergie dans ces pays.

Les fournitures de gaz russes à l'Europe du Sud-Est ont baissé en moyenne de 24,7%, a assuré de son côté un représentant d'une filiale de distribution de Gazprom dans les Balkans.

La fourniture de gaz russe à la République tchèque a baissé de 9,5% lundi, a précisé un porte-parole de RWE Transgas, principal fournisseur de gaz du pays.

En Grèce, "nous avons été informés aujourd'hui que nous allions recevoir seulement quatre millions de mètres cubes de gaz naturel de la Russie, à comparer aux six millions de mètres cubes demandés, en raison de la dispute actuelle", a déclaré à Reuters un responsable de l'opérateur gazier DEPA.

Le ministère bulgare de l'Economie a exhorté l'industrie nationale à réduire temporairement sa consommation de gaz naturel.

La température est tombée à -5 degrés Celsius lundi dans la capitale bulgare Sofia et à -3 en Hongrie.

Ce différend gazier rappelle celui d'il y a trois ans entre Moscou et Kiev qui avait pesé sur les approvisionnements à l'Europe via Ukraine. Il menace les liens de la Russie avec l'Ouest, déjà mis à rude épreuve par la guerre russe en Géorgie en août dernier.

Le Kremlin s'oppose de longue date à l'ambition de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN et certains responsables occidentaux voient un parallèle entre le conflit géorgien et le traitement russe réservé à l'Ukraine.

DIVERSIFIER LES SOURCES

La précédente crise gazière début 2006 avait suscité des appels à diversifier les sources d'approvisionnement énergétique de l'UE, qui peine néanmoins à limiter sa dépendance à l'égard de la Russie.

Les inquiétudes concernant l'impact de cette dispute sur les approvisionnements en fioul domestique, conjuguées au conflit au Moyen-Orient, ont fait grimper les cours du pétrole brut léger américain aux alentours de 47 dollars le baril lundi en fin d'après-midi, dans des marchés toutefois très chahutés.

Le vice-président du directoire de Gazprom, Alexandre Medvedev, a déclaré que le groupe était près à "négocier jour et nuit" avec l'Ukraine pour régler le problème mais que trouver des voies d'approvisionnement alternatives restait "une nécessité".

"Non seulement, nous ne sommes pas proches d'un accord mais nous ne voyons même pas de partenaires de négociation à la table", a déclaré Medvedev à Reuters lors d'une conférence de presse à Paris.

Gazprom veut que l'Ukraine paye 450 dollars les 1.000 mètres cubes de gaz, après le rejet par Kiev d'une précédente offre de 418 dollars. Cela représente plus du double que ce que Kiev se dit prêt à payer.

Avec Guy Faulconbridge à Kiev et Amie Ferris-Rotman à Moscou, Orhan Coskun à Ankara, Jan Strupczewski à Bruxelles et les bureaux européens, version française Stanislas Dembinski